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2019 : des tops et des flops pour les femmes
par Elise Voillot publié le 20 décembre 2019
365 jours, 8760 heures, 525 600 minutes, 31 536 000 secondes. En un battement de cils, une année entière s’est presque écoulée sous nos yeux. Difficile en quelques pages de résumer une période aussi longue, ponctuée de bons moments comme des pires. Pourtant, à l’aube de 2020, il est temps de faire le point. Retour sur l’année 2019, ses espoirs… et ses menaces.
Partie 1 : les tops
- SCIENCES -

Vers l'infini et au-delà !
Alors qu’elles ont souvent été invisibilisées pour leurs découvertes et contributions, les femmes commencent petit à petit à se faire une place dans le monde scientifique. Ainsi, tandis qu’elle annonce la première femme sur la lune pour 2024, la NASA place également trois femmes à la tête de ses 4 pôles scientifiques. Elle lance aussi la première mission spatiale entièrement féminine. Une première ! Le 10 avril, Katie Bouman côtoie les étoiles en réalisant la première photo d’un trou noir. La découverte est historique. Malheureusement, elle est éclipsée par la vague de cyberharcèlement dont la scientifique sera victime.

Des vaccins pour demain
Dans le monde, 63 % des 15-24 ans vivant avec le VIH sont des femmes. Si aujourd’hui, il est possible de bloquer l’évolution du virus dans l’organisme, il n’existe pas encore de vaccin. Pourtant, des recherches menées en 2019 offrent aux spécialistes un espoir quant à sa création. Le sida touche plus de 37 millions de personnes à travers le monde et provoque +/- 1 million de décès par an. L’arrivée d’un nouveau vaccin présenterait donc une véritable avancée dans l’éradication du virus. En Belgique, le vaccin du papillomavirus, maladie sexuellement transmissible, s’étend aux jeunes garçons. Auparavant inoculé uniquement aux jeunes filles (notamment car elles en sont les principales victimes), le papillomavirus touche pourtant aussi les hommes. Cette vaccination étendue permet donc une avancée médicale importante.
- CULTURE -

Elles crèvent le grand (et le petit) écran
Fin 2018, on apprenait que les films portés par des héroïnes féminines rapportaient plus que les films avec leurs homologues masculins. En pleine remise en question, le cinéma aurait-il atteint l’âge de raison ? Alors que Captain Marvel est un triomphe pour l’écurie Disney, le créneau plus confidentiel et indépendant offre cette année une place de choix aux femmes et aux questions de genre. Citons parmi ces beaux succès populaires et critiques : Les invisibles (sur un centre de jour pour femmes SDF), Une femme d’exception (sur la juge à la Cour suprême Ruth Bader Ginsburg), Les règles de notre liberté (un film sur les règles, Oscar du meilleur documentaire), Portrait d’une jeune fille en feu ou encore La femme de mon frère de Mona Chokri (coup de coeur d’un certain regard à Cannes). Côté séries, nous ne sommes pas en reste non plus : entre le succès de Fleabag (auréolé aux Emmys) et la révélation Sex education, d’anciennes (bonnes) élèves ont remis le couvert : La servante écarlate3, Glow, Pose et même… The L world !
Cette année, le clip vidéo a également retrouvé ses lettres de noblesse. Angèle, adulée par ses fans, n’est plus simplement « la soeur ou la fille de », mais s’est élevée au rang d’icône féministe grâce à son clip Balance ton quoi… Tout comme Miley Cyrus et son Daughter’s mother, véritable hymne à la liberté des femmes.

La plume et l’image
En février 2019, la maison d’édition jeunesse Talents hauts réhabilite les autrices oubliées en proposant la collection Les plumées. Autres temps, autres lieux, le 9e art sacre Pénélope Bagieu et ses « culottées » avec l’un des prix les plus prestigieux de la bande dessinée : le Eisner Award. En Belgique, on célèbre la naissance des Grenades, le nouveau média qui dégoupille l’actualité d’un point de vue féministe. Outre-Atlantique, la suite tant attendue de La servante écarlate cartonne. Loin d’être un simple ouvrage, la saga de Margaret Atwood est devenue le reflet troublant de notre société où les droits des femmes restent constamment menacés.
- SPORT -

Trop de la balle !
En juin, la coupe du monde féminine de foot a été au centre de toutes les attentions. Si l’équipe belge n’était pas au rendez-vous, la compétition s’est vue offrir une belle médiatisation. Sur TF1, le match France-USA représente encore à ce jour l’une des meilleures audiences de l’année, toutes chaînes confondues4. Qui a dit que le foot féminin n’attirait personne ? Megan Rapinoe, co-capitaine de l’équipe gagnante (les USA), militante engagée pour les droits des femmes et LGBTQIA+, a , en plus d’avoir été élue meilleure joueuse de la compétition, reçu le prix de meilleure joueuse de l’UEFA.
De l’autre côté des lignes, en France, Stéphanie Frappart s’impose comme la toute première arbitre de foot dans une compétition de Ligue 1. Malgré cela, de nombreuses inégalités persistent et le sport féminin reste moins valorisé que le sport masculin. C’est notamment pour lutter contre les discriminations salariales qu’ Ada Hegerberg, première Ballon d’Or, a refusé de participer au Mondial. Sur les courts de tennis, un an après la polémique sur sa combinaison sportive Black Panther jugée scandaleuse et interdite à Roland Garros, Serena Williams revient en 2019 avec une tenue hautement symbolique portant les inscriptions : « mère, championne, reine et déesse ». Malgré ses succès, un Britannique sur 8 pense pouvoir marquer un point contre l’une des plus grandes joueuses de tous les temps5… cherchez l’erreur.
Car oui, les femmes sont encore aujourd’hui victimes de stéréotypes sexistes. C’est pour lutter contre cela qu’a été lancée la campagne #Unitedgirlpower. Portée par les Red Panthers (l’équipe belge féminine de hockey), ce clip vidéo engagé tente de déconstruire les idées reçues sur le sport. De par le globe, petit à petit, les mentalités évoluent.
Ainsi, en Corée, suite à de nombreuses dénonciations de la part de sportives, dont la tenante de la double médaille d’or en short-track6 Shim Suk-hee, une enquête est ouverte sur les agressions sexuelles dans le sport.
- POLITIQUE & MILITANCE -

Les femmes s’inscrivent peu à peu dans l’échiquier politique
Zuzana Caputová est élue présidente de la Slovaquie le 30 mars 2019. C’est une première historique dans le pays. Outre son engagement en faveur de l’écologie, elle défend également les droits LGBTQIA+ et l’avortement. A Bogota, Claudia Lopez est la première mairesse de la ville. La Belgique a elle aussi vécu une année d’élections. Notons les maintiens de ministères des droits des femmes en Fédération Wallonie-Bruxelles et Région wallonne… Mais il n’en existe toujours pas au niveau fédéral. Par ailleurs, Sophie Wilmès est la première Première ministre belge… en affaires courantes. Si nous approuvons cette décision, nous espérons un jour voir dans notre gouvernement constitué une Première ministre.
Paradoxalement, alors que les États-Unis sont en proie à des vagues sexistes et xénophobes, le Congrès américain n’a jamais été aussi inclusif et avec un nombre aussi important de femmes. En 2019, ce sont 102 femmes qui disposent d’un siège à la Chambre des représentants. Parmi elles, deux femmes musulmanes ainsi que trois femmes noires, deux first nation et une hispanique. Si les minorités restent hélas sous-représentées, ces femmes sont un symbole d’espoir pour une classe politique plus diversifiée.

la lutte continue
Un vent de révolte souffle en Asie. Le 1er janvier 2019, des femmes en Inde ont formé une énorme chaîne humaine de plus de 620 km en faveur de l’ouverture du temple de Sabarimala aux femmes. Dans ce pays, la plupart des temples refusent toujours l’accès aux femmes uniquement durant leurs règles, car elles sont jugées impures. Le temple de Sabarimala est, quant à lui, l’un des rares à être interdit aux femmes de leur puberté à leur ménopause. Dans la société japonaise, des femmes se mobilisent pour dénoncer les inégalités et le harcèlement dont elles sont victimes au quotidien. Dans ce pays fortement patriarcal, les femmes portent peu plainte lorsqu’elles sont victimes de violences et de sexisme. Shiori Ito, journaliste, a témoigné à visage découvert sur le viol qu’elle a vécu en 2015, perpétré par un grand ponte de la télévision nippone. Après le #Metoo japonais, place à #Kutoo un mouvement pour dénoncer le sexisme dans le monde professionnel, notamment l’obligation pour les femmes de porter des talons hauts.
La Tunisie connaît également son #Metoo, baptisé #Enzada, après qu’une étudiante a partagé la vidéo de son harceleur, un homme tout juste élu député. En Belgique, la première grève féministe a eu lieu le 8 mars et a mobilisé de nombreuses associations, collectifs et individues. Le 22 mai, des féministes françaises et belges ont également manifesté devant le parlement européen pour célébrer la première Journée internationale du clitoris ! Partout dans le monde, de nombreuses manifestations en faveur du climat ont eu lieu. Ces actions, déjà entamées en 2018, ont suscité une attention médiatique importante. Si chaque pays dispose de ses figures de proue (chez nous, on parlera notamment d’Anuna De Wever et d’Adélaïde Charlier), Greta Thunberg s’inscrit définitivement comme personnalité de l’année et a même été pressentie pour le Prix Nobel de la Paix.
Partie 2 : les flops
Les femmes ne sont toujours pas en sécurité

Harcèlements, mutilations génitales, mariages forcés, viols, sexisme, féminicides… Partout dans le monde, les femmes sont encore trop souvent victimes de violences et d’inégalités. Si nous ne disposons pas encore des chiffres de 2019, nous pouvons d’ores et déjà constater que rien n’est fait ou presque pour lutter contre cela au niveau politique. Alors qu’en France un Grenelle sur les violences a été lancé fin 2019, quid de la situation en Belgique ? Le chemin à parcourir est encore long…

Le monde médiatique est-il d’un autre temps ?
Début 2019, l’affaire de La Ligue du Lol a fait beaucoup couler d’encre et révélait au grand public divers cas de (cyber) harcèlement dans le monde journalistique. La plupart des victimes étaient des journalistes, harcelées par des collègues ou confrères influents à partir de 2009. Si l’affaire a permis le licenciement de certains harceleurs, elle a aussi pu montrer que les femmes restent les premières victimes de (cyber) harcèlement. Par ailleurs, elles sont encore à ce jour régulièrement victimes de propos et d’attitudes misogynes et sexistes dans les médias. Nous ne citerons que deux exemples : la création d’un jeu vidéo où l’objectif principal est de violer des femmes et les propos de Yann Moix pour qui une femme de 50 ans n’a rien de sexy. Notons également que, selon une étude de l’Agence des Journalistes Professionnels (AJP), les femmes restent sous-représentées dans la presse quotidienne en Fédération Wallonie-Bruxelles et ont du mal à monter dans la hiérarchie.
Mais les médias ne sont pas les seuls à blâmer. Ainsi, plusieurs campagnes pour des produits menstruels ont été fortement critiquées et ont suscité des plaintes de la part des téléspectatrices/teurs pour leur « aspect choquant ». La première illustre le pouvoir d’absorption de ses serviettes en utilisant un liquide rouge assimilable à du sang. La seconde met en avant des fruits, origamis ou autres objets du quotidien pour représenter la vulve… Preuve en est que le sexe des femmes reste un tabou.

De nombreux remous politiques
Dans le monde, la montée globale de l’extrême droite a beaucoup joué en défaveur des femmes et des minorités.
Si l’on a pu observer des évolutions dans une poignée de pays quant au droit à celui-ci, force est de constater que d’autres ont pris le chemin de la régression. C’est le cas notamment des USA où certains États ont décidé de durcir leur politique en matière d’avortement. Il devient même un crime en Alabama où seules les femmes qui encourent un danger vital peuvent y avoir recours.
Au Brésil, l’élection fin 2018 de Jair Bolsonaro n’augurait rien de bon pour 2019. Nos craintes se sont, hélas, confirmées. Ouvertement raciste, homophobe et misogyne, le président brésilien est également un fervent climato-sceptique et un nostalgique de la torture. Depuis son élection, outre ses annonces dangereuses et déplacées à l’encontre des femmes ou de la communauté LGBTQIA+, le nombre de crimes homophobes et transphobes a explosé dans le pays. Divers-e-s militant-e-s ont également été assassiné-e-s, notamment des militant-e-s écologistes.
En Europe, Ursula Von Der Leyen, première femme à la tête de la Commission européenne, inquiète en déclarant vouloir préserver le mode de vie européen dans le portefeuille associé aux questions migratoires.

Ciao les artistes
En 2019, on pleure la perte de deux artistes qui, chacune à leur manière, ont contribué à renforcer la place des femmes dans le monde artistique. La première, Agnès Varda a, à l’aide d’une caméra, présenté les vies de femmes fortes et en lutte avec la société. La seconde, Toni Morrison, est, à ce jour, la seule écrivaine noire à avoir reçu le Prix Nobel de littérature.
On déplore également cette année la fin de la récolte de témoignages de victimes de harcèlement sur le site Paye Ta schneck. Après 7 ans de bons et loyaux services, sa conceptrice Anaïs Bourdet considère qu’à présent, témoigner ne suffit plus…