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Société

Palestine – 50 ans d’occupation

Comment s’est créé le plafond de verre palestinien ?

par Marie-Anaïs Simon publié le 24 octobre 2017 ©Véronique Vercheval - "Jour d'élection à l'Université de Birzeit " (son site)

Briser le plafond de verre et offrir un travail décent à un plus grand nombre de femmes : voilà comment progresser vers plus de justice entre les sexes, tout en améliorant la croissance économique et sa capacité à encaisser des chocs. En luttant contre les discriminations à l’emploi, la Palestine augmenterait donc sa capacité à survivre et à résister à l’opposition ! Et pourtant, sur le marché du travail palestinien, on est encore très loin de l’égalité…

En 2014, les femmes représentaient seulement 19 % de la main-d’œuvre palestinienne, selon une étude de l’organisation Al-Shabaka, qui travaille pour la défense des droits des Palestiniens. C’est d’une part bien en dessous de la moyenne mondiale qui est de 51 %, mais c’est aussi moins que dans le monde arabe où elle s’élève à 25 %. Samia al-Botmeh, l’économiste qui a mené l’étude, souligne que les Palestiniennes ont moins accès au marché du travail que les Saoudiennes, société pourtant extrêmement conservatrice !

Pour aller plus loin :Libération - "Palestine : les droits des femmes, otages de l’occupation"

Ces chiffres sont d’autant plus surprenants lorsqu’on sait que les femmes palestiniennes sont les mieux formées de toute la région arabe. En effet, les femmes représentent 75 % des étudiants universitaires et le taux de scolarisation des Palestiniennes dépasse les 87 % !

Alors comment expliquer ces inégalités sur le marché du travail ?

Une double discrimination

"C'est là que deux systèmes de subordination – l’occupation et le patriarcat — se rejoignent dans les territoires palestiniens occupés : en affrontant le premier de ces systèmes, les femmes se soumettent au second" 

Il est tout d’abord important de se rendre compte que les Palestiniennes subissent une double oppression. Elles sont d’une part victimes de leur statut de Palestinienne vis-à-vis des Israéliens, et d’autre part de leur statut de femme face aux exigences du patriarcat imposé par la société palestinienne. Comme le mentionnait la rapporteuse spéciale des Nations Unies chargée de la question des violences contre les femmes, « c’est là que deux systèmes de subordination – l’occupation et le patriarcat — se rejoignent dans les territoires palestiniens occupés : en affrontant le premier de ces systèmes, les femmes se soumettent au second ».

Par ailleurs, la situation d’occupation a renforcé l’autorité des structures traditionnelles de la société palestinienne. Dans un rapport sur la situation des femmes en Palestine, Amnesty notait : « L’inégalité entre les sexes et les pressions exercées sur les femmes pour qu’elles se conforment à certaines interprétations des normes traditionnelles ou religieuses afin de préserver l’honneur de la famille se sont accrues ». Le poids de plus en plus lourd de ce conservatisme accentue le fait que de nombreux emplois ne sont pas considérés par la société comme acceptables pour les femmes, réduisant ainsi leurs opportunités professionnelles ou les mettant dans une position inconfortable.

Pour aller plus loin :AMNESTY INTERNATIONAL - ISRAËL ET TERRITOIRES OCCUPÉS Les femmes face au conflit, à l’occupation et au patriarcat

Un cadre légal inadéquat

"Les réformes internes, concernant notamment le droit des femmes, pourtant promises depuis longtemps, sont paralysées depuis la rupture entre Gaza et la Cisjordanie en 2007".

Dans cette situation d’occupation, la priorité est donnée à la lutte nationale, et la question spécifique des femmes est négligée. Les réformes internes, concernant notamment le droit des femmes, pourtant promises depuis longtemps, sont paralysées depuis la rupture entre Gaza et la Cisjordanie en 2007.

Pourtant, les failles dans le système sont nombreuses et graves, il serait donc important d’y apporter une solution. La portée inégale de la loi travail engendre de lourdes discriminations. Tout d’abord, cette loi ne s’applique pas à toute une série de métiers principalement occupés par des femmes (indépendant-e-s, travailleuses/eurs saisonnièr-e-s, travailleuses/eurs dans le secteur de l’aide domestique…). Les risques d’être exploité-e-s voire maltraité-e-s dans ces secteurs sont donc plus importants. Ensuite, même si la loi est claire dans sa clause pour le traitement égal entre femmes et hommes,  aucune sanction envers les employeurs ne la respectant pas n’est spécifiée.

Pour aller plus loin :MO - Les droits de la femme en Cisjordanie

Le chômage au féminin en augmentation

Dans la société palestinienne, les femmes sont de plus en plus susceptibles de ne pas trouver d’emploi. Cette discrimination horizontale — moins d’accès à l’emploi, car trop de femmes sont concentrées dans un même secteur — renforce une discrimination verticale déjà très présente — les femmes gagnent moins que les hommes à cause de leur position « inférieure » sur le marché de l’emploi.

Les Palestiniennes qui travaillent sont généralement concentrées dans deux des quatre grands secteurs de l’économie palestinienne : l’agriculture (21 %) et le service (67,3 %), là où les hommes se partagent plus équitablement dans les quatre secteurs. Cela augmente donc la compétitivité entre les femmes demandeuses d’emploi. De plus, ces domaines d’activité sont les plus menacés par les restrictions imposées par les forces de défense israéliennes (accès à l’eau, destruction de terres, de vergers, d’oliviers…).

Une mobilité limitée

©Véronique Vercheval - Check-point à l'entrée du caveau des patriarches, à Hébron. (son site)

Les frontières géographiques, physiques et sociales créées par le colonialisme israélien ont également un impact direct sur l’emploi en Palestine. Les postes de contrôle, les barrages routiers et les bouclages rendent plus difficile pour les Palestinien-ne-s de trouver un emploi en dehors de leur communauté, ce qui réduit leurs chances de trouver un travail décent. Cet obstacle est encore plus important pour les femmes, car il provoque l’angoisse constante de ne pas pouvoir rentrer chez elles et de ne pas être là pour leur famille. Il faut en effet avoir bien en tête que, même si elles travaillent, les Palestiniennes continuent à porter la plus grosse partie des responsabilités concernant le soin de la famille et du ménage.

Pour s’envoler, il faut être libre

"Tant que les peuples seront opprimés et humiliés, il leur sera difficile d’avancer sur les questions d’égalité entre femmes et hommes".

Même si différents facteurs entrent en ligne de compte pour expliquer les inégalités sur le marché du travail, il apparait clairement que la situation d’occupation bloque toute évolution favorable. Tant que l’économie palestinienne sera constamment détruite par le colonialisme israélien, le marché de l’emploi restera précaire et donc compétitif et inégalitaire. Tant que les peuples seront opprimés et humiliés, il leur sera difficile d’avancer sur les questions d’égalité entre femmes et hommes.

Tags : discrimination - Chômage - Emploi