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Article mis à jour le 8 juillet 2019

Coupe du monde de football féminin : un goal vers l’égalité ?

par Elise Voillot publié le 7 juin 2019

Arrêtez tout ! Ce vendredi, c’est le coup d’envoi de la 8e coupe du monde de football féminin à Paris. Longtemps relégué au rang de divertissement sans envergure, le foot au féminin semble petit à petit gagner ses lettres de noblesse, en témoigne la belle médiatisation sur les chaînes privées françaises (TF1, Canal +) et sur les chaînes publiques belges (malgré une non-qualification des Red flames). Mais peut-on réellement déclarer que le machisme a enfin quitté les tribunes ?  

Une petite fille tient la main d’une joueuse juste avant l’entrée sur le stade. Au loin, une foule les acclame. Elle se met alors à rêver à sa future carrière aux côtés des grandes qui font le ballon rond : Sam Kerr, Andressa Alves, Wang Shuang, Fran Kirby, Amandine Henry ou encore Grace Geyoro. Cette histoire, c’est celle du tout nouveau spot publicitaire de Nike, Dream Further, sorti à une semaine du mondial de foot féminin. Une campagne qui aurait été impensable une trentaine d’années auparavant.

Né (presque) en même temps que celui des hommes, le foot féminin a connu un parcours en dents de scie. En 1921, alors que le sport est en plein essor, la Football Association en Angleterre interdit le foot pour les femmes. On évoque comme justificatif des raisons sanitaires et morales « évidentes » : la femme est faite pour enfanter, pas pour courir derrière un ballon. À cela s’ajoutent les envolées lyriques de journalistes sportifs critiquant vivement la qualité du jeu et la visibilité des femmes dans ce sport. La pratique du foot chez les femmes est alors condamnée en 1941 en France.

Après quelques vaines tentatives, il faudra attendre les années 70 pour que les fédérations sportives françaises, anglaises, allemandes et italiennes reconnaissent enfin le foot féminin. Les joueuses sont alors souvent raillées et surtout, scrutées pour leur apparence physique. Ce n’est qu’en 1991 que la FIFA (Fédération Internationale de Football Association) organisera en Chine le tout premier mondial féminin.

Petit à petit, le milieu accorde (enfin) la reconnaissance que les sportives méritent. En 2018, Ada Hegerberg reçoit même le tout premier Ballon d’Or féminin. C’était toutefois sans compter sur la bourde sexiste du DJ Martin Solveig qui, au moment de lui donner le précieux sésame, lui demanda de la plus subtile des manières si elle savait  twerker (Le Twerk est une danse dans laquelle la personne « twerkant » agite ses fesses de façon suggestive.)

Un match loin d’être gagné

Si le foot féminin se démocratise et n’a jamais été aussi populaire, force est de constater qu’il subsiste des inégalités, et ce, dès l’enfance. En Fédération Wallonie-Bruxelles, 70 % des affiliés à des clubs sportifs sont des garçons. En France, sur les 2 millions de licenciés à des clubs de foot, seulement 7 % sont des filles.

Comment expliquer cela ? Selon le géographe Yves Raibaut : « Dès la fin de l’école primaire, les filles décrochent peu à peu des activités de loisirs organisées, tandis que les garçons les investissent massivement, qu’il s’agisse des skate parks, des terrains multisports ou encore des salles de musiques actuelles. Il faut dire que les loisirs dits “féminins” sont bien moins subventionnés que ceux des garçons à qui l’on attribue des équipements plus importants et plus chers. Ce décrochage des filles (on leur en attribue parfois la responsabilité, alors que tous les entretiens menés avec elles nous disent le contraire) a des conséquences sur leur pratique de la ville : tandis que l’on conforte les garçons dans leur vocation à jouer et à occuper l’espace […] la pression sociale amène une grande majorité des filles à se retirer de ces espaces […] les équipements sportifs d’accès libre, le design urbain, les noms de rue, les statues et les publicités de femmes nues concourent à faire de l’espace urbain un lieu plaisant pour les garçons et dans lequel ils peuvent se sentir plus légitimes que les femmes.

Dans le monde professionnel, les bleues ont dû céder leur place au centre d’entraînement de Clairefontaine à leurs homologues masculins à 10 jours de leur match d’ouverture contre la Corée du Sud. Si la Fédération Française de Football (FFF) a tenté de se défendre comme elle le pouvait, plusieurs sources confirment que la priorité était alors accordée aux hommes.

Outre une occupation inégale des infrastructures, les femmes restent sous-représentées dans les instances sportives.

Comme l’explique la vice-présidente de la FFF et ex-joueuse Brigitte Henriques : « [Quant aux] organes de direction, il n’y a que deux présidentes de district, sur 80 districts, ce n’est donc pas suffisant. Et il n’y a pour l’instant aucune présidente de ligue. Nous avons encore du chemin à faire, et cela est dû au poids de l’histoire. […] Quant aux postes administratifs et décisionnaires, ça doit bouger. » Elle ajoute cependant l’importante féminisation en cours au sein de la Fédération Française de Football.

Les femmes sont-elles hors-jeu ?

Les grandes manifestations sportives sont l’occasion de susciter des vocations auprès des jeunes sportives, mais aussi de stopper certaines idées reçues. Car si le foot féminin gagne du terrain, le sexisme reste hélas, monnaie courante chez certain. e. s commentateurs/trices sportifs/ves, coachs, publics ou même chez les joueurs/euses. Les femmes offriraient un moins beau jeu, sans tactiques réelles et lent. On s’étonne que toutes les joueuses ne soient pas des « garçons manqués ». Pire encore, être une femme et aimer le foot semble inconcevable.

L’ancienne joueuse pro Mélissa Plaza dénonce d’ailleurs dans son autobiographie « pas pour les filles » les différentes remarques sexistes et inégalités dont elle a été victime  : « J’avais tendance à m’insurger contre toutes les discriminations qui nous étaient faites (aux footballeuses), mais je ne comprenais pas pourquoi ce système n’était jamais remis en question. Cette thèse m’a permis de prendre du recul, d’être plus objective et ensuite de bâtir un argumentaire solide qui souffre difficilement la contradiction. »

Outre les remarques sexistes dont elle a été victime, Plaza aborde également la question des inégalités salariales. À noter que, dans le monde, une joueuse pro gagne généralement 40 % de moins que son équivalent masculin. Entre autres parce que les compétitions féminines amènent généralement moins d’argent que les compétitions masculines. C’est pour lutter contre cette injustice qu’Ada Hegerberg a décidé de boycotter la compétition. La première Ballon D’Or de l’Histoire ne sera donc pas sur le terrain…

The show must go on !

Ce mi-temps, entre passé et futur sera décisif… Mais que pouvons-nous faire pour marquer des points ? Si le foot féminin reste moins regardé, c’est peut-être parce qu’il est généralement moins valorisé. Par exemple, en France, 14 % des matchs sportifs féminins sont retransmis à la télévision.

Visibiliser les sportives tout en leur offrant un traitement médiatique équivalent à celui des hommes nous semblent donc indispensables (à bas les questions sexistes). Encourageons les grandes entreprises à sponsoriser des événements sportifs portés par des femmes et les communes/associations à mieux subsidier les pratiques sportives féminines. Favorisons les emplois des femmes en tant que coachs, entraîneuses ou sélectionneuses pour offrir une réelle mixité dans le sport. Créons des « modèles » auxquelles chacun. e puisse s’identifier pour ainsi offrir une porte d’entrée à des structures sportives plus inclusives. Barrons la route aux stéréotypes associés aux sportives qu’elle soient professionnelles ou amatrices.

Écarts de salaire, sexisme, plafond de verre, sous-médiatisation… le foot ne serait-il pas le reflet de notre société ? Dans les deux cas, nous continuerons de tacler les inégalités.

 

Tags : sexisme - Sport - Médias
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