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Société

Écrire l’égalité : retour sur l’écriture inclusive

par Eva Cottin publié le 14 août 2019

« Le masculin l’emporte sur le féminin », apprend-on à l’école primaire, et « le masculin est universel ». 999 femmes et un homme sont descendUS dans la rue pour manifester, un tabouret et une chaise sont blanCS, et les étudianTS ont réussi leur examen, sans que l’on sache si ce groupe comporte des femmes ou juste des hommes. Régulièrement, la question de l’emploi d’une langue moins sexiste refait surface dans le monde francophone… Réponse à quelques interrogations et inquiétudes courantes dans le débat sur l’ « écriture inclusive ».

« C’est quoi encore, cette histoire d’écriture inclusive ? »

Le principe n’est pas nouveau. Imaginé dans les années ‘90 et employé déjà dans les milieux militants féministes et LGBT+, appelé d’abord écriture épicène, il s’agit de pouvoir représenter à l’écrit les personnes de sexe non-masculin. La rédaction s’appuie sur plusieurs principes, au choix ou cumulables : féminisation des noms de métiers, emploi de formes doubles (citoyennes et citoyens), alternance de terminaisons (avec tiret, barre oblique, parenthèses, ou point médian : les étudiant·e·s)… mais aussi rétablissement de l’accord de proximité, objets inclus : en usage jusqu’au XVIIe siècle (« un tabouret et une chaise blanches » : chaise est le plus proche de l’adjectif, on accorde au féminin), il a disparu au profit de la règle du « masculin qui l’emporte », le masculin étant jugé le genre dominant. Davantage que la représentation des femmes, l’écriture inclusive vise aussi à proposer une véritable « neutralité » : l’alternance des terminaisons, l’utilisation de formes collectives neutres (« le corps médical » pour les médecins, etc.), ainsi que l’apparition de pronoms mixtes (iel, ille, elleux, læ…) ; ces derniers sont encore très peu répandus.

« C’est moche et compliqué à lire ! »

Comme pour tout, l’œil s’habitue. D’ailleurs, il ne s’agit pas d’imposer un type d’écriture à nos écrivain-e-s : le militantisme consiste à réclamer l’emploi de formes égalitaires dans les communications publiques. C’est employé sans problème en Allemagne déjà ! Habituer les enfants dès le primaire à voir des formes alternatives aide aussi les petites filles à s’identifier à tous rôles et métiers. Enfin, rappelons que le but premier du langage n’est pas d’être esthétique : la poésie n’est qu’une fonction parmi d’autres du langage, et a ses propres règles. L’humain utilise le code linguistique comme outil de représentation du monde et de conceptualisation, et comme moyen d’expression et de communication. Si la base du langage est arbitraire, son évolution et son emploi sont motivés par la recherche de sens et de cohérence : le sens de l’écriture épicène, c’est d’être non-sexiste.

« Mais le masculin est universel, c’est le neutre du latin ! »

Les arguments linguistiques employés par le camp contestataire sont, pour la plupart, déformés. Le français n’a pas de neutre, et la valeur « universelle » du mot « homme » peut être questionnée (pensons à qui était d’abord concerné par les droits de l’homme…). Par ailleurs, rappelons que le genre des mots (objets et concepts) a partiellement été « rectifié » par l’Académie Française pour attribuer le genre masculin aux mots « nobles ». Mais surtout, dans le cas de l’écriture inclusive, il ne s’agit en aucun cas de voir le genre grammatical des objets comme sexiste : mais de pouvoir genrer des noms d’humain au féminin, lorsqu’il s’agit de femmes. Le but n’est pas de « dénaturer » la langue française (les règles de morphologie sont respectées), mais de pouvoir représenter au mieux les personnes.

Le but premier du langage n’est pas d’être esthétique : la poésie n’est qu’une fonction parmi d’autres du langage, et a ses propres règles.

« Le langage n’a rien à voir avec l’égalité. Les féministes se trompent de combat. »

Au contraire, tout commence avec le langage. Nous avons besoin de mots pour décrire une réalité, et se sentir légitime : il a été montré, par exemple, que les femmes renonçaient davantage à envoyer leur candidature à une offre d’emploi qui formule le poste uniquement au masculin, ne se sentant pas concernées. Beaucoup d’aspects de notre langue ne sont pas un hasard, mais un choix politique patriarcal : ainsi nombre de noms de métiers au féminin en usage avant le XVIIe siècle ont été sciemment bannis par la suite par l’Académie Française. Michelle Perrot, historienne des femmes, faisait remarquer comme il était difficile de travailler avec des archives officielles, pas seulement parce que la femme n’avait pas de statut juridique indépendant et ne jouait pas de rôle public, mais aussi parce que, dans toutes les actions de foules (manifestations, grèves, révolutions), l’ensemble était toujours mis au masculin. Or on sait maintenant que les femmes ont joué un rôle majeur dans nombre de bouleversements politiques et sociaux.

Alors, vous voilà convaincu-e-s par l’écriture inclusive ?

Pour aller plus loinLa vie, les courses (et ta mère) « au féminin »Si seulement mes enfants pouvaient ne pas apprendre «le masculin l’emporte toujours sur le féminin»Hackathon écriture inclusive Tags : clichés - écriture inclusive
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