Société
Article mis à jour le 25 août 2022Elle était une fois… Louise de Craene-Van Duuren
par Elise Voillot publié le 1 septembre 2022
Son nom ne vous dit peut-être rien. Pourtant, aujourd’hui encore, la vision de Louise De Craene – Van Duuren résonne dans le coeur des militantes. Alors qu’on a tendance à croire que les combats féministes d’hier ne nous concernent plus, la rédac vous dit tout sur cette femme très en avance sur son temps
Louise Van Duuren naît dans la province d’Anvers le 21 novembre 1875. Baignée dans un environnement progressiste, elle suit des cours à l’école d’Isabelle Gatti de Gamond, une importante figure du féminisme belge. C’est probablement là qu’elle découvre pour la première fois ce courant de pensée. Elle est l’une des premières étudiantes de l’Université de Bruxelles et devient doctoresse en philosophie et lettres en 1900. En parallèle, elle participe avec sa soeur Jeanne aux universités populaires qui transmettaient aux peuples divers savoirs.
En 1905, elle épouse Ernest de Craene, important défenseur de la cause féministe qui l’épaulera et l’accompagnera dans ses nombreux combats.
Très vite, Louise s’implique dans les causes féministes. Elle rédige pour la revue d’Isabelle Gatti de Gamond « Cahiers
féministes », elle travaille activement dans divers mouvements et participe à la création d’autres. Elle développe ainsi, en 1928, le Groupement belge pour l’affranchissement de la femme (GBAF) qui défendait un féminisme global et qui « réunissait en dehors de toute préoccupation de croyance, de race, de classe, de sexe ceux qui s’efforçaient de faire obtenir à la femme sa pleine et entière capacité politique et juridique, qui voulait les libérer, dans tous les domaines économiques, sociaux, intellectuels, des interdictions, entraves, restrictions, infériorités qui lui étaient imposées en tant que femme. »
Par la suite, ce groupe se scindera en deux pour se spécialiser. Le premier, Le groupement belge de la porte ouverte
(GBPO) ( Ce groupe créé par Louise de Craene — Van Duuren est le pendant belge de l’Open Door International créé deux ans plus tôt par des militantes britanniques.) se concentre sur le monde du travail, tandis que le second « Egalité » travaille sur le droit de vote et la condition de la femme mariée.
Infatigable, brillante, dotée d’une belle plume (Louise Van Duuren écrira dans de nombreuses revues notamment Egalité, Le Soir, La travailleuse traquée. Elle entretiendra également des correspondances avec d’autres féministes à travers le monde) et d’une grande éloquence, elle est une membre active de la ligue de l’enseignement qui défend l’égalité d’accès à l’éducation.
Dans les années 1930, le travail des femmes est menacé et des positionnements rétrogrades se font entendre dans différentes sphères (syndicats, partis politiques, groupes de pression et gouvernement) afin de réduire l’accès des
femmes à l’emploi. Dans un contexte d’après-guerre, de nombreuses politiques natalistes sont également mises en
place, encourageant ainsi les femmes à revenir puis rester au foyer. Louise ne se laisse pas faire ! Elle milite à travers le pays avec sa verve habituelle. Elle lutte contre « les propos simplistes qui limitent la place des femmes dans le monde à l’espace compris entre le lit, la table et le fourneau » et plaide pour l’épanouissement personnel des femmes au-delà du statut de mère et d’épouse.
Elle se battra jusqu’à son décès prématuré en 1938. En 1931, elle déclarait, lors du congrès de l’Open Door International de Stockholm : « Un jour les hommes et les femmes seront égaux en droit. Alors, parce qu’ils auront fait triompher la justice, on honorera les féministes des deux sexes comme des bienfaiteurs de l’humanité. » Près de 100 ans après, et malgré de nombreuses avancées, force est de constater que le chemin qui reste à parcourir est encore long…
Cet article s’inspire de plusieurs sources : GROUPEMENT BELGE DE LA PORTE OU- VERTE, Louise de Craene-Van Duuren (1875-1938), Georgette Ciselet (1900-1983) : deux féministes, Bruxelles.GROUPE INTERDISCIPLINAIRE D’ÉTUDES SUR LES FEMMES DE L’UNIVERSITÉ LIBRE DE BRUXELLES, « Trajectoires, Sextant », 1998, pp. 78-95.GUBIN Eliane, Dictionnaire des femmes belges XIX e et XXe siècles, Bruxelles, Racines, 2006.