Société
Politique et élections
Et si la participation réenchantait le politique?
par Marie-Anaïs Simon publié le 4 septembre 2018
En 2017, l’étude « Noir Jaune Blues » sortait des chiffres inquiétants: moins de 32 % des Belges estiment que notre système démocratique fonctionne « plutôt bien » et seulement 25 % considèrent que voter permet véritablement de changer les choses… Et si une des solutions face à cette crise de confiance dans le monde politique, c’était de redonner du pouvoir aux citoyennes et citoyens? Et si leur participation pouvait apporter un nouveau souffle à la démocratie ?
LA PARTICIPATION CITOYENNE, KESAKO ?
C’est avec les mobilisations des années 1960-70, contre la guerre du Vietnam et pour les droits civils entre autres, que s’est popularisée la notion de participation dans le domaine politique. Aujourd’hui, ce terme recouvre un ensemble très large d’initiatives qui veulent instaurer une démocratie plus directe. Cette participation vise à impliquer à nouveau les citoyen-ne-s dans les choix collectifs et politiques, en créant de nouveaux espaces de débat et de participation.
Pour aller plus loin :Analyse FPS - Et si la participation réenchantait le politique ?QUELQUES ATOUTS POUR PLUS DE DÉMOCRATIE
Selon la chercheuse Marion Carrel, la participation citoyenne « pourrait être l’un des leviers les plus efficaces – et révolutionnaires – pour régénérer la démocratie, toujours en chantier ». Elle permettrait en effet de répondre à une certaine méfiance par rapport au système politique, en redonnant la parole, de la visibilité et du pouvoir à des personnes qui sont souvent oubliées.
"La gouvernance participative permet également de recréer du lien social en proposant aux citoyen-ne-s de réinvestir des espaces de rencontres et d’échanges".La gouvernance participative permet également de recréer du lien social en proposant aux citoyen-ne-s de réinvestir des espaces de rencontres et d’échanges. Par ailleurs, cela peut renforcer les compétences civiques de la population. L’auteur Julien Talpin parlait ainsi de la participation comme d’une « école de la démocratie » où les individus peuvent apprendre à débattre sur l’intérêt général et les affaires publiques. Cela mène donc à une émancipation des groupes et des personnes, en particulier les plus précarisées et invisibilisées. Enfin, en participant à la prise de décision, les citoyennes et citoyens vont plus souvent adhérer aux mesures qui seront prises et les trouver légitimes. Comme l’indiquait déjà Rousseau au XVIIe siècle, la participation joue un rôle important dans la production de règles acceptables pour tout-e-s.
Pour aller plus loin :Démocratie participative : « Les villes sont devenues les lieux de l’innovation politique » - Le MondeLa démocratie participative - Informations sociales
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DES INITIATIVES AU NIVEAU LOCAL
Aujourd’hui, en Belgique, il existe plusieurs dispositifs permettant d’intégrer la participation au niveau local et communal. Etant donné que la commune est l’autorité publique la plus proche des citoyenne-s, elle devient le premier lieu d’émergence pour les formes de démocratie participative. Cette participation peut prendre trois formes différentes : la consultation, le débat public ou la décision. L’implication des citoyenne-s y étant de plus en plus significative, passant de procédés plutôt passifs (consultations populaires, enquêtes publiques, etc.) à des dispositifs où ils et elles ont véritablement leur mot à dire (concertation, budget participatif, agenda 21, etc.).
L’INCLUSION, UNE PRIORITÉ POUR L’EFFICACITÉ DE LA DÉMOCRATIE PARTICIPATIVE
"L’exclusion de certaines parties de la population nuirait alors au potentiel démocratique de ces dispositifs, puisque les intérêts de tou-t-es ne seraient pas représentés".Si ces initiatives ont le mérite d’exister, elles soulèvent de nombreuses questions. Par exemple, pour prendre part aux décisions et aux débats publics, il est important que tou-te-s les citoyen-ne-s soient correctement et objectivement informé-e-s de ce qui est en jeu. Or, il y a des risques que ces dispositifs de participation n’incluent pas suffisamment les personnes plus marginalisées que ce soit parce que le monde politique les juge moins aptes à participer de manière pertinente, parce qu’elles-mêmes ne s’en sentent pas capable ou parce qu’elles ne sont pas suffisamment informées (ou ne disposent pas de suffisamment de temps) pour s’intéresser à cette participation politique. L’exclusion de certaines parties de la population nuirait alors au potentiel démocratique de ces dispositifs, puisque les intérêts de tou-t-es ne seraient pas représentés.
Pour aller plus loin :La démocratie participative, une opportunité pour encourager la participation des personnes en situation d’exclusionDocument sur l'inclusion sociale et la démocratie participative
Les promesses ambiguës de la démocratie participative
BESOIN D’UNE CONFIANCE MUTUELLE
"Le problème c’est que les pouvoirs publics ont encore du mal à reconnaître la capacité et la légitimité qu’ont les citoyens et citoyennes à contribuer aux prises de décisions, et ainsi ont du mal à leur donner un véritable pouvoir"Ces initiatives demandent également aux politicien-ne-s de faire confiance à leurs citoyen-ne-s. L’utilisation de la participation pour revitaliser l’intérêt démocratique peut avoir des effets contreproductifs si elle n’influence pas véritablement les décisions et qu’elle sert uniquement d’opération de communication. Le problème face à cela, c’est que les pouvoirs publics ont encore du mal à reconnaître la capacité et la légitimité qu’ont les citoyens et citoyennes à contribuer aux prises de décisions, et ainsi ont du mal à leur donner un véritable pouvoir. Il est grand temps que cela change !
Pour aller plus loin :Démocratie participative : de la défiance à la confiance
Les atouts essentiels pour recréer un lien démocratique entre l'élu et les électeurs -HuffPost
Comment faire de la participation un outil pour plus de démocratie?
Parce que notre rôle de citoyen-ne-s ne se limite pas à déléguer la responsabilité des décisions politiques aux élu-e-s et parce que nous pouvons avoir un véritable poids dans ces décisions, la participation doit prendre une vraie place dans notre système démocratique !Pour instaurer une véritable participation des citoyen-ne-s dans les décisions politiques avec tous les bienfaits que cela peut apporter, il faudrait, selon la chercheuse Marion Carrel, que les institutions associent leur population au processus de décisions dès les étapes de définition des orientations stratégiques et l’allocation des ressources financières. Il faudrait également encourager, valoriser et accompagner ce « pouvoir d’agir » des individus pour qu’ils puissent former des collectifs « autonomes, visibles et puissants ».
Tous ces questionnements concernant la participation citoyenne en politique gravitent donc autour de la même notion, celle du « pouvoir d’agir » de la population. Parce que notre rôle de citoyen-ne-s ne se limite pas à déléguer la responsabilité des décisions politiques aux élu-e-s et parce que nous pouvons avoir un véritable poids dans ces décisions, la participation doit prendre une vraie place dans notre système démocratique !
Un peu d'inspiration !
Les « communautés d’habitant-e-s » au Moyen-Âge
Selon l’écrivain Francis Dupuis-Dery, « des milliers de villages disposaient d’une assemblée d’habitant-e-s où se prenaient en commun les décisions au sujet de la collectivité. Les « communautés d’habitants », qui disposaient même d’un statut juridique, ont fonctionné sur le mode de l’autogestion pendant des siècles ». La participation à ces assemblées était obligatoire et une absence passible d’amendes. Dupuis-Dery cite ainsi notamment l’exemple
des Wendats ou Hurons (ancien peuple autochtone au Canada) qui avaient établi quatre niveaux de gouvernements : le clan, le village, la nation et la confédération.
Budget participatif de Porto Alegre
C’est probablement la plus emblématique des expériences de participation citoyenne. Au Brésil, à la fin des années 1980, des associations de quartiers s’organisent et conçoivent, avec le Parti des travailleurs, un dispositif de contrôle du budget municipal. Chaque année, les citoyen-ne-s participent ainsi aux assemblées et contribuent à établir les priorités par rapport aux investissements qui les concernent.
Pour aller plus loin :Que reste-t-il de l’expérience pionnière de Porto Alegre ? - Le monde diplomatiqueLes enseignements du Budget participatif de Porto Alegre - CETRI
https://www.cairn.info/revue-mouvements-2006-5-page-128.htm
Le G1000 en Belgique
Le G1000 avait émergé lors de la crise politique belge de 2010-2011 afin de « développer de nouveaux outils de
délibération ». Ce projet s’est déroulé en trois étapes : une large consultation des citoyen-ne-s en ligne, un sommet citoyen pour en discuter en tables rondes et un panel de 32 personnes tirées au sort qui travaillèrent sur l’élaboration de recommandations concrètes. Le concept a été repris à un niveau plus local et dans d’autres pays (dont les Pays-Bas, qui organisent des sommets citoyens sur le même modèle).
Les plateformes de démocratie directe en Espagne
En Espagne, les plateformes digitales de démocratie directe et participative Decide. Madrid et Decidim.Barcelona permettent aux citoyen-ne-s de faire des propositions politiques depuis leur ordinateur.
Pour aller plus loin :De la politique sans intermédiaires