Société
TCA, anorexieFemmes et troubles du comportement alimentaire : la faute à la société ?
par Eva Cottin publié le 20 août 2019
Les troubles du comportement alimentaire toucheraient en majorité des filles/femmes, à 90% pour l’anorexie, et ce dès la préadolescence. Si une partie des hommes fait sûrement l’objet d’un manque de reconnaissance diagnostique, les troubles s’exprimant de manière différente, il est tout de même indéniable que les femmes (et personnes LGBT+ en général) sont davantage concernées par les troubles du comportement alimentaire.
Il s’agit de maladies complexes et multifactorielles ; mais cela n’empêche pas de s’interroger sur l’influence de notre société inégalitaire sur ces maladies individuelles. L’éducation genrée pousse en effet les jeunes filles à l’effacement de soi et au refoulement de certaines émotions. Les femmes sont davantage victimes de violences mais restent souvent dans le silence, la honte et la culpabilité. Les normes sociales qui cherchent à contrôler le corps des femmes, leur comportement, leur plaisir, leur sexualité et leurs choix, n’ont pas disparu.
Les troubles alimentaires et leurs causes sociales
Ainsi les troubles du comportement alimentaire chez les femmes peuvent être une réaction à :
- Une culture ancienne de la restriction pour les femmes : l’homme dévore, la femme picore. Cette culture va de pair avec la culture de l’effacement : la femme est censée passer en second, et se faire discrète. Manger et grossir (prendre de la place) peuvent être des protestations inconscientes contre cet ordre des choses.
- Une image de la femme « parfaite » irréaliste et omniprésente, véhiculée dans les médias, la publicité, la pop-culture, les illustrations, les tailles de magasins de vêtements… (rappelons que les tailles les plus portées sont le 40-42 !)
- Une pression sur la performance (famille, études, travail, société) : on retrouve chez les filles et femmes anorexiques et/ou boulimiques beaucoup de perfectionnistes, rêvant de pouvoir tout avoir sous contrôle, et de donner une image irréprochable. Le début de l’anorexie chez les adolescentes est d’ailleurs fréquemment accompagné de meilleures performances scolaires.
- Une hypersexualisation et une objectivisation des corps féminins : souvent le désir de maigrir au début de la puberté s’apparente au refus d’un corps socialement sexué, à une recherche de la neutralité et l’insouciance de l’enfance.
- Un stress post-traumatiqué lié à de la maltraitance, des abus (sexuels), des viols, tout au long de la vie, particulièrement dans l’enfance.
- Des émotions que l’on ne sait ou ne peut exprimer autrement, particulièrement la colère, souvent étouffée chez les filles : l’anorexie peut être vue comme une révolte silencieuse, un refus de l’ordre du monde imposé ; les crises de boulimie sont un recours pour beaucoup de femmes dans la gestion d’émotions fortes, ou une auto-punition dans le cas de sentiment de colère ou de honte.
L'arbre qui cache la forêt
Par ailleurs, les troubles du comportement alimentaire sont souvent l’arbre qui cache la forêt, le symptôme d’autres troubles associés, plus envahissants : il faut alors, en thérapie, comprendre ce qui se cache derrière le TCA, et ne pas travailler uniquement sur la prise de nourriture. L’anorexie-boulimie est entre autres courante chez les jeunes femmes autistes non diagnostiquées ; les TCA sont aussi une conséquence fréquente d’un syndrome de stress post-traumatique. Il est important de comprendre que la focalisation sur le corps ou sur la nourriture est souvent en premier lieu une solution trouvée par la jeune fille pour répondre à quelque chose qui pose problème : il faut alors trouver quel est le problème, avant de diriger la personne souffrante vers de meilleures solutions. Soulignons enfin que la précarité économique et le manque d’éducation alimentaire adaptée sont à la base de la « malbouffe », qui peut entraîner dépendances alimentaires, hyperphagies, risques d’obésité et de diabète.
Les troubles du comportement alimentaire peuvent être bien traités grâce à un accompagnement thérapeutique adapté (les thérapies cognitives et comportementales, en particulier, et les thérapies familiales), mais il est nécessaire de réagir le plus vite possible, et surtout, d’identifier quel est le mal-être à la base du déséquilibre.
Pour aller plus loinEnquête Solidaris sur l'anorexie et la boulimie