Nous, vous & elle
Let’s talk about sex !
par Joëlle Sambi Nzeba publié le 9 juin 2017
Dans le cadre du dossier « let’s talk about sex! », quatre femmes nous parlent de leurs expériences et de la manière dont elles vivent leur sexualité.
"La liberté pour moi, c’était de pouvoir choisir mon partenaire et de faire l’amour sans crainte". A. 63 ans
Ma vie de femme en a été influencée puisque je ne souhaitais pas avoir d’enfants et que la contraception m’a permis de mener une vie indépendante.J’ai vécu ma sexualité d’une manière tout à fait épanouie, grâce à la pilule évidemment et grâce à un cours d’éducation sexuelle donné par le gynécologue de notre professeure de Français ! À la fin de ces cours, le médecin nous avait dit qu’il serait prêt à nous délivrer ce fameux sésame pour une vie épanouie. Je dois dire que j’ai eu une éducation assez libre contrairement à beaucoup de mes copines de lycée. À cette époque, j’avais dix-huit ans en 1971, la période hippie battait son plein, ce qui n’était pas du goût de tous les parents, les miens y compris ! Comme j’étais une jeune fille curieuse, je me suis empressée d’aller voir ce gynécologue pour une prescription. Personnellement et contrairement à beaucoup de copines, je ne voulais pas voir ma jeunesse gâchée par une grossesse non désirée. La liberté pour moi, c’était de pouvoir choisir mon partenaire et de faire l’amour sans crainte. Ma vie de femme en a été influencée puisque je ne souhaitais pas avoir d’enfants et que la contraception m’a permis de mener une vie indépendante.
Pour moi, la liberté sexuelle, c’est ne plus avoir à se poser des questions au sujet de ce qui est bien ou pas et de mener une vie sexuelle sans contrainte. C’est pouvoir être maître de son corps et d’assumer ses choix.
Je pense qu’il y a eu beaucoup de changement depuis les années septante. Actuellement, l’acte sexuel est banalisé, alors qu’à mon époque, il était peut-être trop idéalisé. Les jeunes commencent très tôt leurs rapports sexuels, mais sans connaître le corps de leur partenaire, ce qui souvent voue leurs relations à l’échec. Le respect de l’être humain aussi n’existe quasi plus et la prostitution devient parfois un moyen de gagner de l’argent facile. Les magazines et la publicité encouragent la banalisation du sexe, il suffit de regarder les spots publicitaires pour y voir une allusion au sexe.
"Il y a eu énormément de changements". C, 16 ans
« En matière de sexualité, les éléments qui me paraissent essentiels sont la confiance , le respect du corps de l'autre, l'écoute ».Je vis très bien ma sexualité, je ne la perçois absolument pas comme un sujet tabou et je pense justement que les jeunes ne devraient pas avoir honte d’en parler ouvertement. Le terme « libération sexuelle » ne m’évoque pas grand-chose, car en tant qu’adolescent-e-s, nous avons toujours été libres en matière de sexualité. Le terme sexualité, quant à lui, m’évoque les rapports sexuels et les orientations sexuelles des personnes. Je pense que la sexualité d’avant était un sujet plus tabou, je sais que par exemple, cette thématique n’était pas un sujet de conversation pour mes parents à mon âge dans les cours de récréation. Il y a eu énormément de changements. Par exemple, aujourd’hui il existe de multiples moyens de contraception. À l’heure actuelle, on voit la sexualité partout, et l’on commence déjà à en parler en primaire et puis encore en secondaire. On nous donne accès aux moyens de contraception, on nous explique comment se déroule un rapport sexuel, la grossesse, etc. Après, j’en parle librement avec mes parents aussi. En matière de sexualité, les éléments qui me paraissent essentiels sont la confiance , le respect du corps de l’autre, l’écoute. Il est vrai aussi qu’il y a énormément de clichés en matière de sexualité et il y en a beaucoup envers les femmes, je trouve. De nos jours si une fille couche avec deux ou trois hommes, elle sera directement perçue comme une « salope » ou une prostituée alors qu’un garçon peut le faire avec autant de filles qu’il souhaite, sans être confronté à ce cliché. Personnellement, je n’ai jamais été confrontée à ce type de stéréotypes, et ils n’influencent absolument pas ma vision de la sexualité, car je me moque un peu de l’avis que les autres ont sur moi.
"Pour moi, la libération sexuelle est en cours, mais n’est pas encore accomplie", A., 34 ans
« Pour moi, la libération sexuelle c’est de se débarrasser des jugements et des injonctions, de l’idée de se conformer, de ce qu’il faudrait faire ou pas. Du balai !»Quand je lis les couvertures de magazines féminins, je ne me sens pas du tout en phase avec ce qu’ils racontent. Cette obsession autour de telle ou telle pratique sexuelle, et surtout les injonctions qui y sont insidieusement données, ça m’agace ! Je n’ai pas besoin d’un magazine sur papier glacé pour savoir comment je me sens, comment je veux me sentir, ce que j’aime et ce que je n’aime pas. Pour moi, la libération sexuelle est en cours, mais n’est pas encore accomplie. Il y a encore énormément de jugement social, à tous les âges, sur ce que doit ou ne doit pas faire une jeune fille, sur ce qu’elle peut ou ne peut pas. Pour moi, la libération sexuelle c’est de se débarrasser des jugements et des injonctions, de l’idée de se conformer, de ce qu’il faudrait faire ou pas. Du balai !
Quand je drague un mec, que je me prépare chez moi, je fais particulièrement attention à NE PAS être épilée ou même maquillée. Mon corps est tel qu’il est, ma personnalité s’y reflète, c’est à prendre ou à laisser. C’est rigolo, car j’ai déjà choqué d’autres filles ou femmes en disant que je ne m’épilais pas, et grosso modo leur crainte c’était « Et il a dit quoi ? ». J’ai toujours répondu en souriant qu’on était bien trop occupés à d’autres choses plutôt qu’une inspection de mon corps, du nombre de poils, de leur emplacement à un centimètre près ! C’est aussi un petit test malicieux de ma part, pour voir ce qui compte pour la personne en face. Et si cela le choque et qu’il s’en va ? Bon débarras! Mais finalement, je n’ai jamais eu le cas ; quand le désir monte, tous les sens sont en éveil, et l’alchimie des relations sexuelles touche à un milliard de choses, dont l’apparence physique fait partie, évidemment, mais qui n’est qu’un seul ingrédient dans tout un repas éminemment complexe et raffiné. Se focaliser juste sur ce dernier, c’est nier tous les autres et se priver de la joie de les découvrir. La libération sexuelle n’est pas synonyme d’une multitude de partenaires, de découvertes avec des hommes et des femmes, d’un cahier du Kâma-Sutra dont on raye chaque position une fois qu’on l’a accomplie… Pour moi, la libération sexuelle ne se compte et ne se décline pas. Elle se ressent en sourires intérieurs, en bien-être avec son corps, en connaissance de soi sans se préoccuper de ce que les autres pensent. C’est un état d’esprit, une sérénité, être en phase avec ses propres besoins et tenter d’y répondre, en bienveillance, ni plus, ni moins.
"Les sensations de mon corps sont revenues, à travers le désir retrouvé, renouvelé pour les femmes." M. ,50 ans
Pour moi, la sexualité est intiment liée au corps, à son appropriation et à sa représentation, à la manière dont on investit ce dernier. Au fond, lorsque l’on découvre son corps changeant à l’adolescence, je pense que c’est bien de mimer ce que l’on voit autour de soi et qui semble refléter ce à quoi l’on « devrait ressembler », ce qui doit être pour nous. Je trouve personnellement que c’est une bonne chose à condition de comprendre comment tout ceci fonctionne : les codes, les limites, etc. Dans mon cas, j’ai grandi dans un environnement à fonctionnement communautaire où les savoirs se transmettent par mimétisme justement, par les pairs ou par d’autres formes d’organisation qui n’impliquent pas forcement une verbalisation à outrance, où l’écart par rapport à une norme supposée est quasi impossible au risque de se voir reléguée, mise à part du groupe, de la lignée de la famille. Donc pour ma part, c’est simple, lorsque j’étais jeune fille, je faisais ce que les filles de mon âge faisaient, mais jusqu’à un certain point. On s’explorait ensemble, mutuellement, et puis plus tard chacune se ‘maquait’ avec un mec. Etait-ce là une forme de sexualité ? Sans doute oui, puisque c’est comme cela qu’il fallait faire. Mais moi je n’avais pas compris les règles, cela m’a pris énormément de temps de comprendre tous les codes.
« La question de la sexualité n’avait pas sa place dans mon univers aussi bien réel que fantasmé ».Par la suite donc, je suis devenue comme amnésique de mon propre corps et je ne l’ai plus ressenti qu’à travers une activité physique intense. J’avais fait siège dans ma tête et mon corps n’était plus qu’outil, que je façonnais pour qu’il me supporte. Je le ressentais uniquement à travers l’activité physique intense. La question de la sexualité n’avait pas sa place dans mon univers aussi bien réel que fantasmé.
Plus tard, ma plastique d’athlète a attisé les regards. Je me suis alors rendu compte de ce que ce corps suscitait chez les uns et les autres. Les lectures notamment m’ont aidée à comprendre ce que je pouvais ressentir avec mon propre corps, elles m’ont permis d’en explorer personnellement la mécanique, sans pour autant aller jusqu’à m’adonner au plaisir solitaire. Cela restait encore très très cérébral. Puis, je me suis reconnectée à moi-même. Les sensations de mon corps sont revenues, à travers le désir retrouvé, renouvelé pour les femmes. Depuis lors, la sensualité, le désir, le plaisir, la poésie et l’esthétique de la sexualité gouvernent désormais ce corps travaillé, réinvesti et assumé de la jeune cinquantenaire que je suis.
« Je suis bien dans ma tête et dans mon corps aujourd’hui, mais il m’a fallu beaucoup de temps. Chaque personne avance à son propre rythme ».Au risque de paraître vieux jeu, j’ai envie de dire que je ne changerais pas grand-chose à ma propre trajectoire. C’était un contexte, une époque. Les parents font toujours ce qu’ils peuvent, ce qu’ils croient être le meilleur pour leur progéniture. Je suis bien dans ma tête et dans mon corps aujourd’hui, mais il m’a fallu beaucoup de temps. Chaque personne avance à son propre rythme. J’imagine que cette réflexion me traverse parce que j’ai cinquante ans, j’ai eu le temps de voir. Je suis en train de mûrir et j’ai moi-même des enfants dont une jeune fille de 24 ans, et beaucoup de neveux et de nièces de ces âges que je vois cheminer au quotidien.