Société
Mon truc en poils
par Rebecca Rotermund publié le 27 juillet 2020
L’été est là, voici venue l’heure des publications du type « chasse, traque et mort aux poils » dans les magazines féminins. Nous allons encore pouvoir y lire et relire comment procéder et même savoir – ô joie ultime – à quelle mode notre touffe sacrée va devoir se plier : ticket de métro, intégrale, années ‘70 ou alors rien qui dépasse du slip ?
Mais dans ce fatras de questions pseudo-existentielles il y a une qu’on ne nous pose jamais : « Avez-vous envie de vous épiler ? »
Une exigence non prononcée
Dès l’âge de 11 ans, en classe de cinquième, j’ai ressenti l’obligation, sans que personne ne m’en parle, de me débarrasser de ma pilosité sur toutes les parties que mon sage maillot de bain une pièce laisserait dénudées. Alors je me suis explosé les jambes, les aisselles et le bikini avec un rasoir, que j’ignorais encore comment manier. Et j’ai tout de suite trouvé ça chiant, long, contraignant et injuste, cette exigence non prononcée, mais à laquelle je devais me plier. Je comprenais que si j’étais arrivée à la piscine poilue, j’aurais été moquée. Il fallait enlever et entretenir tout ça, pour laisser croire à mes camarades de classe et à tout homme que des poils, les femmes n’en avaient quasiment pas. L’homme descend du primate, mais la femme, d’Ève …après son passage chez l’esthéticienne.
Galérer à se déplumer
À force de voir des femmes imberbes dans les publicités ou à la télé, je pensais être un monstre avec ma pilosité. Je me trompais : derrière tout ça, il y avait simplement un combo d’esthéticiennes, de maquilleuses et de retoucheuses·eurs photo, obéissant à un diktat patriarcal pour nous faire complexer et nous rajouter la charge mentale des poils, notamment autour du maillot.
Et j’ai vite compris, en abordant le sujet à demi-mot avec mes copines de classe, que pour elles c’était la même contrainte : on galérait toutes à se déplumer.
Les femmes et la guerre contre les poils, c’est un peu comme un Marvel : le même super-héros en lutte permanente contre le même méchant, impossible à éliminer définitivement et qui revient tout le temps. Mais dans le genre d’un mauvais comics : répétitif.
Un peu plus tard, quand j’ai eu une vie hétérosexuelle active, j’ai senti qu’il ne fallait toujours pas me laisser aller. Je devais être dépoilée et porter en particulier moult attentions à mon maillot. Alors, je me rendais chez une esthéticienne qui, d’office, sans me demander ce que je voulais, partait du principe qu’il me fallait un ticket de métro (oui, c’était la mode au début des années 2000) avec zéro poil sur les lèvres, et que le sillon interfessier (SIF pour les intimes) devait également être apprêté. Elle a fait ce que la mode masculine nous imposait.
Rien à cirer !
Mes partenaires, à l’époque, avaient une idée des femmes et de la féminité à vous faire gerber. Pas seulement sur la pilosité, de manière générale. Je constituais avant tout un objet de désir sexuel, pas une personne entière, donc mon aspect esthétique était à leurs yeux le plus important.
Plus âgée, j’ai eu des partenaires qui s’en foutaient. Mes poils, avec ces mecs bien éduqués, étaient à moi. Ils me respectaient, donc la pilosité, avec eux, ce n’était pas un sujet.
Pourtant, le plus hypocrite, c’est qu’encore aujourd’hui, je continue à m’épiler. J’aime bien la sensation d’avoir les jambes toutes douces, et que ça mette en valeur les tatouages qui les ornent. Même si, par période, je n’en ai rien à cirer. Je commence seulement à assumer ma pilosité sous les aisselles quand j’ai zappé de l’enlever, chose qui me faisait hurler de rire sur les autres femmes lorsque j’étais plus jeune.
Mon seul réel progrès, c’est que, si ça ne plaît pas à mon partenaire, eh bien il y gagne un non définitif : il n’y aura plus jamais de parties de jambes en l’air avec lui.
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