Militance
Non, le festival afroféministe Nyansapo n’est pas raciste !
par Marie-Anaïs Simon publié le 30 mai 2017
Surprise, incrédulité, colère… Je découvre la nouvelle hier matin : la Licra (Ligue Internationale Contre le Racisme et l’Antisémitisme) et la mairesse PS de Paris, Anne Hidalgo relaient les intoxs du Front National concernant le festival afroféministe Nyansapo organisé fin juillet dans la capitale française. Sans vérifier leurs sources, ils s’offusquent que s’organise un événement qui serait « interdit aux blancs ». Anne Hidalgo annonçait même se réserver « la possibilité de poursuivre les initiateurs de ce festival pour discrimination»... Bon, vraiment, je pense qu’il est temps de remettre les pendules à l’heure!
Oui, il serait important de vérifier vos sources
Comme l’a souligné Libération, dans son article Aux origines de la polémique sur le festival afroféministe Nyansapo, « la formulation «interdit aux Blancs» provient d’un article publié sur le site de LCI le vendredi après-midi. Un article où Alain Jakubowicz, le président de la Licra, estime que «Rosa Parks doit se retourner dans sa tombe» (il avait déjà dit cela à propos du camp d’été de 2016) et où il appelle la mairie de Paris à désapprouver le festival. Et si cet article utilise cette formulation, c’est parce que Wallerand de Saint-Just, trésorier du Front National, a été un des premiers à s’emparer du sujet en parlant, vendredi matin, d’un «festival interdit aux « Blancs». »
Si l’on remonte les sources, on retrouve à l’origine de cette polémique le site d’extrême droite Fdesouche et le forum 18-25 ans sur le site jeuxvideo.com bien connu pour ses « raids » à l’encontre des féministes sur les réseaux sociaux. Comme le défini Médiapart, ces « raids » sont des opérations « de dénigrement collectif et continu sur plusieurs jours visant notamment, à l’aide de hashtags ciblés, des figures ou supports féministes jugé-e-s dérangeant-e-s et ayant une certaine visibilité sur les réseaux sociaux ».
Il aurait pourtant suffi à la Licra et la mairesse de Paris d’un peu de recherches (recouper et vérifier ses sources) et d’un brin de bonne foi pour éviter de propager des informations eronnées et de sombrer ainsi platement dans le jeu détestabe de l’extrême-droite.
Je leur conseille donc ce petit guide pour leurs prochains tweets hâtifs!
Nous apprenons qu'une team antiraciste-de-gauche-pas-raciste, est en plein G20 pour lancer un twitter raid contre notre festival pic.twitter.com/JlrY5W0o9t
— Mwasi-Collectif (@MwasiCollectif) 26 mai 2017
Un Festival avec des espaces interdits aux Blancs (MàJ : la salle appartient à la Mairie de Paris) https://t.co/MQP0GQjwd6 via @f_desouche
— Pierre Sautarel (@FrDesouche) 25 mai 2017
Festival "interdits aux blancs": #RosaParks doit se retourner dans sa tombe. Le combat antiraciste devenu l'alibi d'un repli identitaire. pic.twitter.com/XXgvyQHOTh
— LICRA (@_LICRA_) 26 mai 2017
Je condamne avec fermeté l'organisation à #Paris de cet événement "interdit aux blancs". https://t.co/DKJmdPry5v
— Anne Hidalgo (@Anne_Hidalgo) 28 mai 2017
Non, ce festival n'est pas "interdits aux blancs" !
La formulation « interdit aux blancs » empruntée au FN relève de la pure diffamation et modifie la réalité de cet événement en appuyant un discours fachiste. Comme on peut le lire directement sur le site de Mwasi qui organise l’évènement, seule une partie des activités est organisée en non-mixité dans locaux privés. L’espace ouvert à tous est quant à lui, organisé à La Générale, une “coopérative artistique, politique et sociale” du 11ème arrondissement (bâtiments publics).

Par ailleurs, considérer que toutes les personnes non-noires sont forcément blanches, c’est faire preuve d’une binarité affligeante… Le tweet ci-dessous le souligne avec justesse.
Traduire "zone non mixte femmes noires" par "événement interdit aux blancs" en dit long sur l'ethnocentrisme de certain.e.s #JeSoutiensMwasi https://t.co/EvPokRmM6l
— Rachid l'instit (@rachidowsky13) 28 mai 2017
Oui, parler de racisme anti-blanc est complètement ridicule
Je n’ai pas grand chose à ajouter…
Non, la non-mixité ce n'est pas de la ségrégation !

Comme Emma et Maeril l’expliquent dans leurs BD, la non-mixité qu’elle soit basée sur le genre ou l’origine ethnique n’a rien à voir avec la ségrégation. C’est un moyen politique utilisé depuis le début des luttes féministes pour permettre aux groupes minorisés de créer des espaces émancipatoires. Comme on le rappelle souvent : « c’est une étape, pas une finalité ». Comparer la non-mixité à la ségrégation c’est méconnaître l’histoire de nos luttes et les moyens encore mis en oeuvre aujourd’hui pour mettre fin aux oppressions.


Oui, #JesoutiensMwasi
Je trouve inacceptable qu’en 2017 encore, au lendemain d’une élection qui a vue l’extême droite comptabiliser plus de 10 millions de votant-e-s FN (pratiquement la Belgique toute entière), ni La Licra ni la Mairie de Paris ne s’indignent autant face aux groupes identitaires et racistes qui, depuis plus de 40 ans, s’affichent et s’organisent, sans attirer autant la polémique.
Pire, en relayant de manière aussi irresponsable, les allégations du FN, La Licra et Anne Hidalgo, mettent en danger le festival afrofeministes Nyansapo, initiative bien utile et si nécessaire pour justement lutter contre le racisme. Heureusement, ce 29 mai 2017, le collectif Mwasi a contacté la préfecture de police qui lui a confirmé que le festival ne pourra pas être interdit !
Apres contact ac la préF de police et le cabinet de la Maire de Paris,le festival NE PEUT NI ETRE INTERDIT NI ÊTRE ANNULÉ. #JESOUTIENSMWASI https://t.co/cLxVQMdAaS
— Mwasi-Collectif (@MwasiCollectif) 29 mai 2017
#jesoutiensMwasi parce qu’en tant qu’alliée, j’ai conscience de l’importance du travail du collectif Mwasi qui enrichit les luttes afroféministes et par là donc, plus globalement, toutes nos luttes féministes.
Pour aller plus loin :Confrontation de points de vue sur le festival Nyansapo dans Causette