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La santé mentale au féminin

TW: TCA, boulimie, hyperphagie, orthorexie

Quand manger fait mal : les troubles du comportement alimentaire

par Eva Cottin publié le 27 novembre 2017 ©Florent Marloye target="_blank"

« T’as bon appétit, tu risques pas de devenir anorexique !» ; « Olala je me suis resservie du gâteau, je suis complètement boulimique ! ». Quand j’entends de ces phrases qui stigmatisent les personnes sur leur comportement alimentaire ou leur corpulence et confondent (manque d’)appétit et maladie, je bondis. De nombreuses idées reçues entourent encore les troubles du comportement alimentaire. La méconnaissance de la complexité et de leur gravité, les raccourcis souvent faits, ou encore les jugements mal posés sur une personne selon sa corpulence contribuent à épaissir le silence et la honte autour de celles/ceux qui en sont touché-e-s. Après vous avoir parlé de l’anorexie mentale dans cet article, focus sur d’autres troubles mal connus.

La boulimie

"Les boulimiques sont soumis-es à des « crises » pendant lesquelles elles/ils consomment sans plaisir une grande quantité de nourriture en peu de temps, de manière compulsive, irrépressible, jusqu’à ce que le malaise physique les stoppe".

La boulimie n’a que peu à faire avec de la gourmandise : les boulimiques sont soumis-es à des « crises » pendant lesquelles elles/ils consomment sans plaisir une grande quantité de nourriture en peu de temps, de manière compulsive, irrépressible, jusqu’à ce que le malaise physique les stoppe. Les boulimiques adoptent suite à la crise ce qu’on appelle des « comportements compensatoires » visant à se soulager et éviter la prise de poids : jeûne, sport intensif, vomissements, prise de laxatifs… Mais les définitions médicales ne recouvrent hélas pas toute l’étendue de la réalité, réduisant souvent la personne touchée à l’obsession de son poids et de son image ; on sait aujourd’hui que les raisons du cercle vicieux de la boulimie sont beaucoup plus complexes, et qu’il s’agit du trouble le plus difficile à guérir… et même juste à repérer.

Le poids restant plus ou moins stable, les personnes boulimiques peuvent souffrir pendant des années sans jamais alarmer leur entourage. Mais comme l’anorexie, les conséquences sur la santé sont graves et parfois irréversibles, surtout en cas de vomissements : perte de l’émail des dents voire déchaussement, inflammation de l’œsophage, fuites de potassium pouvant mener à un arrêt cardiaque, diabète… Plus qu’une simple question d’alimentation, la boulimie est toujours signe d’une difficulté profonde de vivre et d’une grande anxiété : elle présente aussi une comorbidité élevée avec d’autres troubles de l’humeur ou de la personnalité, étant alors un symptôme visible. Si la boulimie est si difficile à traiter, c’est que les crises, que ce soit l’ingestion de nourriture ou le soulagement apporté par les vomissements, agissent sur l’individu comme une véritable toxicomanie (comparable à la consommation de drogues dures !).

Les compulsions alimentaires (binge eating disorder) et l’hyperphagie

On peut souffrir de compulsions alimentaires sans adopter de « comportement compensatoire », ce qui se solde souvent par une prise de poids importante, et sur une longue durée augmente le risque d’obésité et de développer un diabète de type II. Les compulsions répondent à une grande souffrance intérieure, une angoisse ou un trop-plein d’émotions, et engendrent chez la personne qui en est touchée honte, culpabilité et perte d’estime de soi, ce qui la maintient dans un cercle vicieux et empêche souvent d’en parler.

L’hyperphagie, elle, est caractérisée par l’impossibilité de ressentir la sensation de rassasiement : le besoin de nourriture constant est d’origine émotionnelle. L’hyperphagie n’en est pas moins une véritable maladie, lourde à assumer pour les personnes qui en sont touchées, doublement jugées sur leur surpoids et leur consommation importante d’aliments. Tout le monde peut, à un moment ou un autre de sa vie, avoir des compulsions alimentaires, ou se nourrir de manière hyperphagique, par ennui ou manque d’attention, sur une période. Aujourd’hui, plus qu’aux quantités avalées ou la fréquences des compulsions, le corps médical cherche plutôt à se fier à la souffrance induite chez le ou la patient-e . Attention : toute personne maigre ou en surpoids n’est pas atteinte de TCA, et il arrive couramment à tout un chacun de terminer le paquet de biscuits sans faim, sans pour autant que ce soit d’une compulsion alimentaire!

L’orthorexie : l’obsession pour l’alimentation « saine »

"Les personnes orthorexiques présentent de véritables phobies alimentaires (elles sont incapables de toucher ou regarder une catégorie d’aliments, par exemple), se nourrissant exclusivement d’après des règles strictes, n’ingérant que des repas qu’elles ont pu préparer ou contrôler."

L’orthorexie se caractérise par l’impératif de « manger sain « . Où se situe la limite entre l’importance accordée à une nourriture saine et l’orthorexie ? Là aussi, les facteurs de la souffrance – souvent niée – et de l’isolement social sont déterminants : l’hypercontrôle peut faire perdre tout appétit… de vivre. Les personnes orthorexiques présentent de véritables phobies alimentaires (elles sont incapables de toucher ou regarder une catégorie d’aliments, par exemple), se nourrissant exclusivement d’après des règles strictes, n’ingérant que des repas qu’elles ont pu préparer ou contrôler. Le contrôle de l’alimentation vire à l’obsession, aucune miette n’est laissée au hasard ; en fonction des croyances et valeurs attribuées aux aliments ou à la manière de les consommer, les règles d’un-e orthorexique peuvent être nocives pour sa santé, menant à d’importances carences.

Le plus souvent, une personne touchée par des TCA connaît différents troubles : une partie des anorexiques souffre aussi de crises de boulimie, tout comme les boulimiques adoptent aussi des comportements anorexiques sur certaines périodes ; l’orthorexie peut être associée à un trouble anorexique ou boulimique… Ce sont des troubles complexes et encore tabous, qui sont pourtant très bien traités si l’on réagit vite. À noter enfin : les femmes sont bien plus touchées que les hommes par les troubles du comportement alimentaire, d’où l’importance de comprendre les origines du trouble et de questionner la responsabilité sociale.

Tags : santé