Militance
Article mis à jour le 6 juin 2018Quelles alternatives médicales sécurisées pour les femmes interdites d’IVG ?
par Eloïse Malcourant publié le 27 décembre 2016
Certaines femmes résidant dans des pays où l’avortement est illégal choisissent de faire appel à des associations, à des réseaux féministes et à des plateformes en ligne pour obtenir des pilules abortives. Retour sur ces initiatives engagées dans la lutte pour le droit à l’avortement et prônant la liberté des femmes à disposer de leur corps.
Les femmes souhaitant interrompre une grossesse qui ont les moyens trouveront toujours un médecin, des informations, de l’aide pour avorter ou elles se rendront dans des pays où l’IVG est autorisée. Pour d’autres, accéder à l’information et aux services de délivrance de pilules abortives peut leur sauver la vie et leur éviter de recourir à un avortement clandestin dangereux pour leur santé. Des associations bravent l’illégalité afin de permettre aux femmes résidant dans des pays où l’avortement n’est pas autorisé d’accéder à une IVG médicalement sûre.
Avorter sur un bateau
Le navire de l’association Women on Waves accueille des femmes provenant de pays où l’IVG est interdite et les emmène vers les eaux internationales. « Des avortements médicalisés précoces (jusqu’à six semaines et demi de grossesse) y sont pratiqués en toute sécurité, de manière professionnelle et légale. L’application des législations pénales nationales, et donc des lois sur l’avortement, s’étend seulement aux eaux territoriales. Au-delà de 12 miles (ou 2 heures de navigation) c’est la loi néerlandaise qui s’applique à bord du bateau », explique Rebecca Gomperts, fondatrice de l’association Women on Waves.
Trailer de "Vessel", le film sur Women on waves ©FilmBluffTrouver l'aide pour avorter sur internet
Aujourd’hui, le site internet de l’association « Women on Web » et celui de « Women Help Women » proposent des consultations en ligne concernant l’avortement et donnent des renseignements dans différentes langues sur les législations en vigueur relatives à l’IVG dans tous les pays du monde. Ces sites web expliquent aussi où et comment se procurer et utiliser des pilules abortives. Pour finir, ils délivrent des numéros de lignes téléphoniques d’aide à l’avortement et réorientent les femmes vers les services qui sont disponibles dans leur pays si l’avortement y est autorisé.
"Ces sites web expliquent aussi où et comment se procurer et utiliser des pilules abortives. Ils délivrent des numéros de lignes téléphoniques d’aide à l’avortement et réorientent les femmes vers les services qui sont disponibles dans leur pays si l’avortement y est autorisé."Après avoir rempli un questionnaire de consultation en ligne et sans contre-indication du médecin, la femme reçoit des informations sur la manière de se procurer les molécules abortives dans son pays. Si les pilules abortives ne sont pas accessibles où elle réside, la femme reçoit à domicile un kit d’avortement médicamenteux (avec la Mifépristone et le Misoprostol) moyennant paiement. En Belgique, la méthode médicamenteuse est pratiquée jusqu’à 7 semaines de grossesse. Ce kit coûte 90 euros chez « Women on Web » et 75 euros chez « Women Help Women ». Si la femme n’a pas les moyens de payer cette somme, un don inférieur est accepté et dans certain cas aucun don n’est demandé. Le Misoprostol est disponible dans de nombreux pays car il est utilisé pour les maux d’estomac, les ulcères et l’arthrite. Il est peu onéreux. Il permet une IVG sûre (75 à 90% d’efficacité) jusqu’à 12 semaines de grossesse (combiné au Mifépristone, son efficacité grimpe à 98%).


Au Brésil : paquets confisqués et femmes poursuivies
Selon ces mouvements associatifs, seule la législation relative à l’IVG peut mettre fin à la mort et aux souffrances inutiles des femmes souhaitant avorter.Au Brésil, « Women on Web » et « Women Help Women » ont arrêté leurs activités car les colis avaient 90% de chances de rester bloqués à la douane. « Certaines femmes ont été appelées par la police et accusées d’avoir importé des molécules interdites. L’accusation n’a pas tenu car elles n’ont pas pu avoir recours à l’avortement. Celle-ci n’a pas abouti mais elles ont tout de même été poursuivies », indique Cecilia Vieira da Costa, co-fondatrice de « Women Help Women ». Depuis les années 2000, le pays interdit de vendre du Cytotec en pharmacie. Les marchés noirs pullulent de faux médicaments ou de molécules de mauvaise qualité. Cette limitation récente a pour conséquence l’augmentation du recours à des réseaux clandestins d’avortements dangereux pour la santé des femmes.
Selon ces mouvements associatifs, seule la législation relative à l’IVG peut mettre fin à la mort et aux souffrances inutiles des femmes souhaitant avorter. Cependant, utiliser le monde virtuel pour dégager l’individu de la contrainte sociale et travailler en dehors du cadre juridique et médical comme le font ces associations offre une réponse provisoire aux inégalités de santé.
Pour aller plus loin : Notre analyseFemmes interdites d'IVG, quelles alternatives médicales?