Nous, vous & elle
Le monde en crise, la lutte féministe continue !
Qu’en est-il de la pratique de l’interruption volontaire de grossesse en temps de crise sanitaire ?
par publié le 4 mai 2020
Fin avril, après près d’un mois et demi de confinement, nous avons interviewé Manuela Da Palma, accueillante IVG au Centre de Planning familial des FPS de La Louvière. Elle fait le point sur le quotidien de son travail en cette période particulière.
En période de confinement, l’accès à l’interruption volontaire de grossesse (IVG) est-il plus difficile ? Si oui, quelles sont les difficultés rencontrées par les femmes ? Les demandes d’IVG ont-elles augmenté ou, au contraire, diminué ?
Il est impossible actuellement de faire un lien entre la fluctuation de l’activité des centres IVG et le contexte sanitaire lié au Covid-19. Nous n’avons pas encore assez de recul par rapport à la situation. Finalement, nous ne sommes qu’à un peu plus d’un mois de confinement. Actuellement et dans les 3 centres de notre ASBL (Charleroi, La Louvière et Courcelles), l’activité liée à l’IVG se maintient ou augmente, sans que nous puissions à ce stade affirmer que cela est lié à la crise actuelle. Nous constatons aussi que les appels sont variables en fonction des semaines.
D’autres centres extra-hospitaliers auraient de leur côté constaté une diminution de leurs activités. Certaines hypothèses pourraient expliquer cela. Premièrement, les femmes en demande d’interruption de grossesse remettraient à plus tard la gestion de leur situation afin de répondre aux recommandations invitant à restreindre au maximum les déplacements pour ne pas prendre le risque de contaminer d’autres personnes ou d’être contaminées. Deuxièmement, les femmes n’auraient pas les informations par rapport à la continuité des prises en charge en ce moment de crise. On se pose donc la question : y aura-t-il des effets rebond après le déconfinement ?
Ce qui importe est de transmettre le message que les centres extra-hospitaliers pratiquant des IVG poursuivent l’accompagnement conformément aux dispositions sanitaires liées au Covid-19 et dans le respect des patientes et du personnel accompagnant.Ce caractère aléatoire en fonction des centres est peut-être une spécificité locale. Dans la région du Centre, le CHU de Tivoli a demandé de relayer les prises en charge d’IVG dans les structures extra-hospitalières. Pour le centre de Charleroi, l’Hôpital Civil Marie Curie a fait de même. Peut-être que dans les autres zones, le contexte de renvoi vers l’extra-hospitalier n’est pas identique, ce qui pourrait influencer le nombre de besoins d’IVG.
Ce qui importe est de transmettre le message que les centres extra-hospitaliers pratiquant des IVG poursuivent l’accompagnement conformément aux dispositions sanitaires liées au Covid-19 et dans le respect des patientes et du personnel accompagnant. Les femmes nous disent principalement qu’elles ont trouvé l’information sur internet ou auprès de médecins référent·e·s. Il s’agit donc de poursuivre ce travail par ces vecteurs et via les services du réseau psycho-médico-social.
Quelles nouvelles dispositions avez-vous dû prendre pour accueillir les femmes en demande d’IVG ?
Afin de répondre aux recommandations gouvernementales et dans le souci de chacun·e, il est important de rappeler que les patientes doivent d’abord appeler le centre afin de fixer les rendez-vous.
Trouver un planning familialDes mesures sanitaires ont été prises par les équipes de professionnel·le·s :
- Avant la consultation prévue, l’équipe appelle la patiente pour s’assurer qu’elle ne présente aucun symptôme en lien avec le virus. Si c’est le cas, le rendez-vous est reporté de deux semaines.
- À son arrivée, la patiente est invitée à se désinfecter les mains. Un masque lui est fourni et une distanciation physique est prévue dans la salle d’attente, dans le bureau de consultation médicale ainsi que dans celui de l’accueillant·e. Une désinfection des locaux est prévue entre chaque patiente.
- Lors des interventions « par aspiration », la patiente porte un masque, la·le médecin et l’accueillant·e portent un masque, un tablier, des gants, etc.
- Concernant les IVG médicamenteuses, on privilégiera le processus au domicile de la patiente sauf s’il est plus confortable psychiquement pour elle de rester au centre ou que les conditions socio-familiales ne se prêtent pas à ce qu’elle reste chez elle.
La situation actuelle met en lumière et rend encore plus complexe certaines situations dites « limites » comme :
- Les grossesses dont le délai légal pour avorter en Belgique est dépassé, avec le cas échéant, les relais vers les Pays-Bas où les délais pour avorter sont plus longs (demande d’autorisation de quitter ou de rentrer dans un territoire lors du passage de frontières) ;
- Les femmes présentant des symptômes liés au coronavirus (diagnostiqués ou non confirmés) avec des risques de dépassement du délai légal si le rendez-vous est reporté deux semaines plus tard ;
- Les femmes en demande de prise en charge en sédation profonde (les anesthésies générales ne peuvent être pratiquées qu’à l’hôpital).
Les autres missions des centres continuent-elles à être assurées ? De quelle manière avez-vous adapté les autres types de consultations (psychologiques, sociales, juridiques, etc.) ?
Hors de la pratique IVG, les centres ont adapté leurs services afin de rester disponibles et de répondre au mieux aux demandes du public. Ils restent joignables par e-mail et par téléphone. Toutes les consultations, qu’elles soient juridiques, psychologiques et/ou sociales, restent possibles par téléphone. Pour les consultations médicales, il est demandé aux patient·e·s de téléphoner aux centres afin d’éclaircir la demande avec les professionnel·le·s. Le cas échéant, les médecins reprendront contact avec les patient·e·s afin d’évaluer l’urgence et d’assurer le suivi (prescription de contraception ou d’une médication spécifique, demande de contraception d’urgence, etc.).
Concernant les questions en lien avec la vie relationnelle, affective et sexuelle, les équipes restent disponibles par téléphone et relaient vers les sites internet et les brochures de référence. Quant aux animations EVRAS (Éducation à la Vie Relationnelle, Affective et Sexuelle), elles ont été reportées à des dates ultérieures. Elle reprendront probablement, compte tenu des retards dans les programmations scolaires, à la rentrée.
En Belgique, à l’heure actuelle, y a-t-il des changements dans la pratique de l’IVG ou des assouplissements/modifications de la loi relative à l’IVG qui pourraient être envisagé·e·s afin de faciliter son accès ?
Dans les trois centres de notre ASBL (La Louvière, Charleroi et Courcelles), concernant le protocole de prise en charge, les équipes privilégient la pratique de l’IVG médicamenteuse à domicile pour réduire le temps sur place et ce, afin de répondre aux recommandations fédérales de minimisation des risques. Cependant, les équipes, lors des consultations pré-IVG, dans une concertation médecin-accueillant·e, tiennent compte des spécificités socio-familiales et psychiques des femmes. Ainsi, chaque équipe s’adapte et propose une prise en charge la plus adéquate possible à la patiente (processus à la maison, dans les centres, contrôle médical téléphonique ou sur place).
Chaque équipe s’adapte et propose une prise en charge la plus adéquate possible à la patienteAvez-vous des besoins particuliers ? En matériel par exemple ? Vous sentez-vous accompagné·e·s par les autorités ?
Au moment où nous vous répondons, sur le terrain, la situation se régularise. Les équipes disposent du matériel nécessaire pour garantir les mesures sanitaires recommandées (masques, tabliers, gel hydroalcoolique, désinfectant). Les Fédérations respectives de Centres de Planning familial et l’Agence pour une Vie de Qualité fournissent régulièrement les centres en matériel. Ce matériel doit être garanti dans les prochaines semaines ainsi qu’après la période de confinement.
