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Article mis à jour le 10 janvier 2018

Rencontre avec les fondatrices du Poisson Sans Bicyclette, café féministe bruxellois

par Marie-Anaïs Simon publié le 9 janvier 2018

Le Poisson Sans Bicyclette, ce n’est ni une animalerie, ni magasin de vélo ! Non, c’est un café féministe qui vient de s’ouvrir à Schaerbeek ! Pour Charlotte et Amandine qui ont lancé le projet, choisir d’ouvrir un tel espace pour parler de féminisme, c’est aussi une forme de clin d’œil au monde très masculin des cafés. En général, tout ce qu’on peut y consommer est produit par des hommes, on y regarde des matchs de foot où ce sont des hommes qui courent sur le terrain et, en général, ce sont aussi des hommes qui les gèrent… Elles ont donc voulu se réapproprier ce lieu de loisir pour en faire un espace d’échange sur les thématiques féministes.

Comment est né votre projet ?

"On a toutes les deux commencé notre cheminement féministe dans des associations. Du coup, on voulait sortir un peu de ce cadre-là en créant un endroit qui permette une autre forme de rencontre. Le café répond justement à cela ! On bavarde, on a le temps, on rencontre des gens qui ne font pas forcément partie de notre cercle…"

Amandine : À la base, on était trois (dont une qui est partie voyager autour du monde), on avait envie de créer un lieu qui rassemble nos valeurs et en particulier le féminisme dans lequel on était engagées toutes les trois. Il y a plusieurs raisons qui nous ont poussées à ouvrir un café plutôt que n’importe quelle autre ASBL. D’abord, parce que les cafés ce sont encore des lieux de loisir très masculin, que ce soit en termes de fréquentation ou de gestion. Ensuite, on voulait un lieu qui puisse rassembler plusieurs personnes et associations intéressées par le féminisme et créer ainsi des synergies. Finalement, c’est aussi un endroit où les personnes que cela intéresse peuvent venir parler de féminisme de manière informelle. Dans notre café, il y a donc, tant au niveau des produits que des activités, une attention particulière aux enjeux féministes. Par exemple, dans les produits proposés, beaucoup sont produits par des femmes. En effet, encore aujourd’hui, le domaine du vin et de la bière restent encore très masculins. On décide alors d’encourager les femmes qui se lancent dans ce milieu.

Charlotte : En fait, on a toutes les deux commencé notre cheminement féministe dans des associations. Du coup, on voulait sortir un peu de ce cadre-là en créant un endroit qui permette une autre forme de rencontre. Le café répond justement à cela ! On bavarde, on a le temps, on rencontre des gens qui ne font pas forcément partie de notre cercle… On voulait en faire un espace sécurisant parce que ce ne sont pas toujours des endroits où l’on se sent à l’aise en tant que femme. Nous voulions aussi que le féminisme y soit ouvert, il y a quelques repères de base, mais on peut être en désaccord sur des choses et on ne doit pas forcément se positionner sur tout, contrairement, parfois, aux associations.

Qu'est-ce qu'on y fait, au Poisson Sans Bicyclette ?

Amandine : Au quotidien, il y a l’activité de café du mercredi au samedi. Et puis il y a les activités socioculturelles qu’on essaie d’organiser au moins une fois par semaine. Parmi celles-ci, il y a deux types d’activités.

D’un côté, il y a toutes les activités qui visent à valoriser les talents et les compétences des femmes ; que ce soit dans les domaines artistiques, sportifs, culturels ou citoyens. Parmi celles-ci, on retrouve la diffusion de match de foot ou de basket avec des femmes qui jouent. C’était le cas notamment avec les Red Flammes. En fait, il n’y a aucun autre café qui les diffusait alors qu’elles étaient en train de jouer leur qualification pour le mondial 2017 en novembre ! On a réparé ça !

D’un autre côté, il y a aussi toutes les activités de déconstruction, d’analyse et de sensibilisation aux rapports de domination et donc de sexisme, mais aussi d’autres systèmes de domination ; donc le racisme, le capitalisme et toutes les autres formes d’oppression qui peuvent être vécues par les personnes. Les apéros féministes font partie intégrante de ce type d’activités, mais on est aussi en train de réfléchir à d’autres formats comme des ateliers, des conférences…

Dans toutes ces activités, on essaie d’avoir une attention sur la convergence des luttes, parce que même si on est féministes, ça n’empêche pas que l’on puisse reproduire d’autres types de domination.

Charlotte : On essaie d’être un maximum inclusive depuis la position qu’on a. C’est clair qu’on ne parle pas de la même manière du racisme si on est blanche ou si on est racisée…

Pourquoi avoir choisi le nom Poisson Sans Bicyclette ?

Amandine : Ça vient d’un slogan des années septante qui dit « Une femme sans homme, c’est comme un poisson sans bicyclette ». Ce nom on l’a trouvé en brainstorming. On avait aussi pensé à plein d’autres, notamment en se réappropriant des insultes qu’on associe soit aux femmes soit aux féministes, mais on trouvait que c’était un peu agressif et que ça n’allait pas vraiment avec l’image qu’on voulait donner du café. Finalement, le Poisson Sans Bicyclette c’est bien, ça interroge pas mal les gens qui ne connaissent pas le slogan, ils nous posent la question et c’est déjà l’occasion de lancer toute une discussion sur le féminisme, et sur pourquoi ce slogan.

"Finalement, le Poisson Sans Bicyclette c’est bien, ça interroge pas mal les gens qui ne connaissent pas le slogan, ils nous posent la question et c’est déjà l’occasion de lancer toute une discussion sur le féminisme"

Charlotte : Du coup, ça reste intrigant et heureusement qu’on n’est pas parti sur nos autres idées. En effet, c’est déjà assez compliqué de justifier le fait qu’on est ouverte à tous les genres, que c’est un café féministe, mais que ça ne veut pas dire qu’il n’y a que des femmes qui sont admises et, malgré le fait qu’on le mentionne partout dans ce sens, on a tout le temps les mêmes réactions : « et les hommes ? Et les hommes ? Et les hommes ? » Ils ont besoin d’être rassurés tout le temps que oui, ils sont les bienvenus, que oui, ils peuvent venir. Si on avait choisi un nom plus clairement féminin ou avec la mention « femmes » dedans ça aurait été encore plus difficile de faire comprendre cela !

Est-ce qu’il y a des gens qui ne sont pas du tout féministes qui viennent ici ?

Amandine : Je pense qu’il faut déjà être intéressé par le féminisme sinon faire le pas d’entrer dans un café féministe, ça ne doit pas être évident autrement. Mais, clairement je pense qu’il y a des gens qui ne se disent pas féministes, qui sont intéressés par la question de l’égalité, mais qui ne sont pas impliqués dans la lutte ou dans un collectif. Et par contre, il y a des personnes qui sont déjà plus informées, avec des clés de lecture et d’analyse par rapport à tout ça. Et c’est chouette d’avoir une diversité à ce niveau !

Au point de vue de la gestion, comment est-ce que le café fonctionne ?

Amandine : On est en gouvernance partagée, donc on est une vingtaine de bénévoles avec différents sous-groupes qui fonctionnent par thématique ou par mandat. Il y a, par exemple, un sous-groupe qui s’occupe des activités socioculturelles, il y en a un qui travaille sur la communication, il y en a un pour le bar et la cuisine, pour la bibliothèque féministe que l’on va bientôt créer… Il y a aussi une bulle qui s’intéresse à l’ancrage local et qui a pour objectif d’aller créer des liens avec d’autres acteurs du quartier que ce soit des associations, des habitant-e-s, ici la maison des femmes, pour ne pas toujours viser que le même public.

Les personnes peuvent vraiment choisir les bulles (les sous-groupes) qui les intéressent. Une fois par mois, on organise une réunion avec au moins une porte-parole de chaque sous-groupe pour rapporter ce qui a été discuté et le valider, ce qui permet d’avoir une vision globale et une ligne directrice du projet.

Vous parliez de la bibliothèque féministe, qu’en est-il ?

Amandine : C’est un petit plus qui fait aussi que ce café est féministe. Dans un premier temps, ce sera à consulter sur place, mais on aimerait aussi à terme que les gens puissent les emprunter. C’est aussi l’avantage de venir dans un café, de pouvoir prendre un bouquin et le lire. Il y aura des livres plus accessibles que d’autres… Il y aura des BD, des petits livres d’introduction au féminisme, mais aussi des ouvrages de référence.

Et si quelqu’un est motivé par le projet et à envie de s’investir, c’est possible pour lui/elle ?

"On organise encore régulièrement des sessions d’information, environ une fois par mois et on est toujours ouvertes aux forces vives".

Amandine : Oui ! Le groupe est encore ouvert. On organise encore régulièrement des sessions d’information, environ une fois par mois et on est toujours ouvertes aux forces vives. Il y a encore des personnes qui nous rejoignent et qui peuvent vraiment choisir le type d’engagement qu’elles souhaitent. Il y en a qui peuvent s’investir dans un shift au café et dans les différents sous-groupes, puis il y en a d’autres qui n’ont pas le temps de faire des shifts, mais qui s’investissent dans un ou plusieurs sous-groupes… c’est assez modulable en fait. En plus de ça, on est toujours ouvertes aux dons de livres, de BD, d’affiches ou de CD féministes.

Tags : Féminisme