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Sang, sexe and fun

par Rosine Herlemont publié le 29 novembre 2018

« La femme qui souffre ce qui dans l’ordre de la nature arrive chaque mois sera séparée pendant sept jours.[…] Si un homme s’approche d’elle lorsqu’elle sera dans cet état qui vient chaque mois, il sera impur pendant sept jours ; et tous les lits sur lesquels il dormira seront souillés» (Lévitique, 15 :19-20 ; 24) . Selon certaines estimations, le livre dont provient cet extrait se vend à hauteur d’environ 25 millions d’exemplaires par an et serait traduit en plus de 531 langues. Autant dire que pour colporter une rumeur et entretenir un tabou, on ne fait pas mieux !

En effet, dans son troisième livre, qui établit les rites et les préceptes moraux, la Bible, consultée depuis plus de 2000 ans, nous véhicule une double injonction : les règles, on les vit seule dans son coin (parce que c’est sale, probablement contaminant et qu’il ne faut pas l’infliger aux hommes) et on n’envisage surtout pas d’approcher un-e potentiel-le partenaire sexuel-le durant cette période du mois. (Parce qu’en plus de ne pas être pure, on est moins fertile et que le sexe a pour unique intérêt de se reproduire.)

Un double tabou

"79% des femmes renoncent au plaisir charnel durant leurs règles"

Aujourd’hui, dans notre société occidentale, les raisons pour lesquelles certaines personnes ne désirent pas avoir de rapport sexuel durant la période des règles ne sont majoritairement pas religieuses, mais les idées reçues autour d’une activité sexuelle pendant cette semaine du mois, en dépit de près de cinquante ans de « libération sexuelle », ont la peau dure !

Selon une enquête menée par les marques Tampax et Always, ce ne sont pas moins de 79% des femmes qui renoncent au plaisir charnel durant leurs règles. Si l’argument religieux de l’impureté des femmes durant la période des règles peut sembler désuet, son influence sur les clichés qui entourent le corps des femmes et la féminité est toujours bien présente. L’argument qui impose aux rapports sexuels de n’avoir qu’un objectif de reproduction, lui, nous ramène à une question trop peu souvent abordée, celle du plaisir féminin.

La question de la sexualité pendant les menstruations nous amène donc à vaincre un double tabou : celui qui entoure les règles, couplé à celui de la sexualité féminine.

Pour aller plus loin :Les femmes et leurs règles : tabous et révélations

Couvrez ce sang que je ne saurais voir

Le tabou qui règne autour des règles est très représentatif des carcans dans lesquels se situe encore la vision du corps et de la sexualité des femmes dans notre société occidentale. Nous sommes sans cesse confrontées à l’idée qu’il existe une façon « acceptable » d’exprimer sa féminité. Une façon discrète et élégante, mais qui saurait aussi être à la fois sexy et signifier la disponibilité sexuelle. Cette ambivalence oppose également, dans le cas des menstruations, la noblesse de la fertilité à la honte et au dégout du sang qui la représente une fois par mois.

C’est évident, le corps des femmes demeure soumis à de multiples contraintes, en attestent d’ailleurs les normes strictes qui régissent la « beauté féminine » aujourd’hui : il faut être jeune, svelte, sans caractéristique spécifique (c’est-à-dire sans « difformité »). Ces critères, qui semblent faire l’objet d’un consensus social, nous prouvent que l’on est toutes imprégnées par des dictats sociaux de représentations et cela également à propos du sang des règles ! En témoigne l’usage de senteurs artificielles servant à couvrir l’inévitable puanteur de nos menstruations.

Le tabou des règles est également entretenu par la culture populaire, en particulier dans les séries et les films actuels. Il est en effet très rare d’y retrouver des allusions aux règles sauf quand elles permettent d’aborder le sujet d’une éventuelle grossesse.

Pour aller plus loin :Le tabou des règles - un moyen efficace de contrôler le corps des femmes

Jouir sans entrave

"La sexualité et le plaisir féminin sont, à l’instar des règles, des choses dont on parle peu. On les entoure de culpabilité, de honte parfois. Les fausses croyances qui y sont associées sont nombreuses!"

La sexualité et le plaisir féminin sont, à l’instar des règles, des choses dont on parle peu. On les entoure de culpabilité, de honte parfois. Les fausses croyances qui y sont associées sont nombreuses! Cette première fois dont on devrait avoir tellement peur, mais aussi cet orgasme vaginal qui ne vient pas, et pourtant on essaie ! Et puis il y a la pornographie mainstream (puisqu’aujourd’hui se développe une pornographie féminine et parfois aussi féministe), qui ne montre pratiquement qu’une sexualité pénétrante et dédiée au plaisir masculin.

Contrairement aux films et séries actuels, les règles existent sur les écrans pornos. On appelle ça le « period porn ». Mais, comme nous l’explique Camille Emmanuelle dans son excellentouvrage, « Sang Tabou »: « ces vidéos pornos s’adressent aux fétichistes. […] Elles mettent en avant des femmes […] qui sont des salopes, car elles aiment « ça » même pendant leurs règles ».

La honte et le tabou qui entourent à la fois les règles et le plaisir féminin sont le fruit d’une construction sociale patriarcale. Diffuser les savoirs liés à la sexualité, aux corps et à leurs fonctionnements participe à l’émancipation des femmes. C’est en en parlant que la honte disparait et que, petit à petit, une réappropriation s’opère : celle de soi, de son corps, de son plaisir, mais aussi de ce que l’on accepte de l’autre.

Le choix, la joie, la liberté !

Même si nous tentons ici de démystifier la sexualité pendant les règles, il est important de rappeler que celle-ci est toujours une question de choix et de consentement mutuel. Notre objectif est de normaliser un phénomène qui touche la moitié de la population, pas de systématiser ou d’imposer des relations sexuelles pendant les règles. Il est temps de reprendre la liberté de vivre nos corps comme nous l’entendons.

Se protéger : aucune exception à la règle autorisée !

Attention cependant à certaines idées reçues ! Connaitre son corps et se l’approprier est également primordial pour prendre sa santé en main. Alors, même s’il n’existe aucune contre-indication médicale à faire l’amour pendant les règles, notons que le sang peut favoriser la transmission d’une IST à votre partenaire, il ne faut donc surtout pas oublier de se protéger dès le début des ébats ! Autre mythe à déconstruire absolument : faire l’amour pendant les règles, bien que cela réduise les possibilités, n’empêche pas de tomber enceinte. Si on ne désire pas d’enfant, on ne se dispense surtout pas d’une contraception pendant cette période.

Faites l’amour, pas la grève !

Pour dissiper le malaise des indécis-es et rassurer les plus réfractaires, il existe des alternatives qui permettent des rapports avec pénétration vaginale sans écoulement. Flex Company a lancé un disque menstruel qui se place dans le fond du vagin, sur le col de l’utérus et permet la pénétration. L’éponge de mer pour règles menstruelles est également une possibilité, bien que selon un article de Vice, les risques d’infections seraient élevés. Soulignons ici que faire l’amour sans pénétration est tout à fait possible. La pénétration n’a rien d’obligatoire ! Il existe d’innombrables façons de faire l’amour, l’important est de respecter les limites de chacun-e. Et puis, l’amour sans pénétration permet aussi de faire fonctionner son imagination afin d’atteindre l’orgasme, qui, rappelons-le, peut soulager les douleurs menstruelles et avoir un impact bénéfique sur nos ventres douloureux !

Pour aller plus loin :Résultat du sondage Cyclique sur les règles
Le sexe pendant les règles : un tabou à abattre
Sexe et menstrues : est-ce vraiment si incompatible ? - Simonae
Le sexe pendant les règles - Slate
Tags : menstruations - santé - vie affective et sexuelle - Sexualité
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