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Article mis à jour le 25 août 2022

Travailleuses·eurs de l’ATL : un secteur sous-valorisé

par Laudine Lahaye | Laurène Trévisan – FILE ASBL | Marie-Emilie Tylleman – FILE publié le 1 septembre 2022 © Markus Spikse

Quel est le quotidien d’un·e accueillant·e extrascolaire ? Comment s’organiser avec un horaire coupé et un faible salaire ? Quelles perspectives dans la fonction quand les contrats sont si précaires ? Cette précarité de l’emploi, dans un secteur essentiellement occupé par les femmes, est propice au maintien des inégalités entre les femmes et les hommes. Une revalorisation de la fonction serait bénéfique à une meilleure égalité entre tou·te·s.

Des chiffres qui démontrent le poids du secteur

Le secteur ATL et ses professionnel·le·s accueillent chaque année des milliers d’enfants. En 2019, pour prendre l’exemple d’une année « hors Covid », 75 598 enfants en moyenne ont été accueillis chaque jour dans un accueil extrascolaire agréé et subventionné. En tout, cela correspond à plus de 2 300 lieux d’accueil et plus de 10 000 accueillant·e·s extrascolaires !

En 2019, plus de 17 000 enfants et jeunes ont quitté quotidiennement l’école pour se rendre dans l’une des 369 Écoles de Devoirs (EDD) reconnues par l’ONE. Près de 4 000 animatrices·teurs, dont la moitié sont volontaires, les ont accueillis et ont fait vivre les 4 missions des EDD : leur développement intellectuel ; leur émancipation sociale ; leur ouverture à la créativité, aux cultures, à l’expression ; leur participation citoyenne. Pour les centres de vacances, 3 798 activités se sont déroulées en Fédération Wallonie-Bruxelles en 20193.

Ce sont donc plusieurs centaines d’animatrices·teurs, d’accueillant·e·s, formé·e·s et motivé·e·s, qui accueillent chaque jour des milliers d’enfants dans toute la Fédération Wallonie-Bruxelles.

Des travailleuses·eurs de l’ombre

Malheureusement, ce secteur, bien qu’indispensable et largement fréquenté par les enfants et leur famille, demeure invisible et peu reconnu dans la sphère publique et politique. Les travailleuses·eurs sont sous conditions d’emploi et de contrats précaires (CDD de quelques heures par semaine, statut ALE4, etc.) et ont des horaires décalés et coupés, c’est-à-dire viennent pour quelques heures avant l’école et reviennent ensuite après l’école. Les subsides sont insuffisants, il faut souvent composer avec des « bouts de ficelle ». Les familles sont peu informées de ce qui se passe derrière les murs de l’accueil extrascolaire. La terminologie est aussi mal utilisée… Ce secteur semble être considéré comme « parascolaire », englué dans les matières de l’école, comme une « garderie » alors que cela ne correspond pas à la réalité des opératrices·teurs, des travailleuses·eurs et des enfants qu’ils accueillent. Le personnel scolaire peut se montrer réticent à collaborer avec ces travailleuses·eurs qui partagent parfois leurs locaux.

Cette situation ne rend pas justice aux structures et aux personnes qui oeuvrent quotidiennement pour offrir un accueil de qualité, mission d’utilité publique. Deux animateurs extrascolaires témoignent :

 

« Le mot “garderie” pose toujours problème ! Ça a évolué, nous ne sommes plus du tout là-dedans, on ne garde plus les enfants ! On est en activité ! »« Au niveau des médias, ce sont toujours les écoles et les instituteurs qui sont mis en avant et on ne pense pas à ce qu’il se passe avant et après pour l’enfant. Même au niveau des activités extrascolaires, on entend parler de la musique, des scouts, mais jamais à proprement dit de l’accueil extrascolaire ! Alors que nous sommes formés et qu’on est peut-être même parfois plus formés au niveau psychologique de l’enfant et pourtant, c’est comme si on n’existait pas tout simplement. Le politique, les parents ou même le monde en soi devraient s’intéresser à ce qu’on fait et à tout le travail réalisé. »

Dans le quotidien d'une accueillante extrascolaire

Dans les faits, quelles implications sur les plans professionnel et personnel de travailler dans l’ATL ? En quoi consiste « tout le travail réalisé » ? Quel parcours professionnel sur le long terme ? Pour l’illustrer concrètement, voici la journée type d’une accueillante extrascolaire :

« Myriam se lève à 5 h du matin pour arriver à l’accueil extrascolaire à 6 h 30 et préparer les locaux : aménager les jeux, un coin doux, préparer des activités… Les enfants arrivent dès 7 h. Myriam accueille les parents et leurs enfants, gère les transitions et séparations parfois difficiles, rassure les enfants en les portant dans ses bras, les accompagne vers un jeu pour commencer la journée en douceur. Myriam observe et est disponible pour les enfants. Elle accueille leurs émotions, gère les conflits et respecte leurs besoins. Elle est garante de leur sécurité. Elle propose des activités et du jeu libre. Une fois l’heure de l’école, elle assure la transition avec les enseignant·e·s, range le matériel parfois lourd et rentre chez elle. Elle reviendra quelques heures plus tard, dans certaines écoles pour le temps de midi, et selon son contrat, pour l’accueil extrascolaire de fin de journée lors duquel un goûter est proposé ainsi que des activités. Myriam a un contrat à temps partiel et à durée déterminée de trois mois avec un salaire médiocre. Son contrat s’arrête en juin et elle devra trouver un autre CDD en septembre ».

De manière générale, les métiers du « prendre soin » (care en anglais) — dont l’Accueil Temps Libre fait partie —
s’exercent dans des conditions de travail difficiles en raison d’un manque de valorisation sociale et financière. Résultat, ce sont les travailleuses, majoritairement des femmes dans ce domaine, qui en paient le prix. Faibles salaires, temps partiel subi, problèmes de santé dus à la pénibilité, difficultés d’articulation vie privée-vie professionnelle sont caractéristiques de ces métiers. Ces facteurs continuent d’alimenter les inégalités femmes-hommes à l’échelle de la société. Néanmoins, ils représentent autant de pistes sur lesquelles plancher en vue d’améliorer la situation, pour le secteur et pour les droits des femmes globalement.
En outre, depuis peu, des efforts importants ont été déployés pour professionnaliser le secteur et rendre son financement plus structurel. La plateforme de la valorisation de l’extrascolaire, initiée par la FILE et dont les FPS sont membres, se bat aujourd’hui pour valoriser ce secteur et pour améliorer les conditions de travail des travailleuses·eurs.

Tags : ATL - familles - care - précarité