Société
Un genre à soi – identité de genre et transidentités
par Eva Cottin publié le 24 mars 2020
De quel genre parle-t-on ?
Les penseuses féministes ont avancé le concept de « genre » comme outil pour penser la construction sociale du masculin et du féminin : dans nos sociétés, les êtres humains sont répartis de manière binaire en deux groupes sociaux, les hommes et les femmes. Sur base d’un sexe identifié à la naissance, on attribue à la personne tout un tas de caractéristiques et rôles sociaux qui vont l’enfermer dans une position. Ces rôles sociaux de genre et stéréotypes de genre sont culturels, construits, enseignés aux enfants dès la naissance par la société dans son ensemble. Pourtant, ils sont souvent justifiés comme étant naturels, biologiques. Par exemple : une femme serait naturellement douce, aimerait naturellement prendre soin des autres, etc. et un homme serait naturellement plus doué pour commander, faire des tâches abstraites, accomplir des tâches physiques, etc. Parler de genre comme construction sociale, c’est pouvoir mettre à jour les mécanismes de domination, décrypter les hiérarchies et ouvrir la possibilité pour chacun·e de se définir et se vivre hors de ces attributs imposés.
À la naissance, lorsque notre « sexe » est inscrit sur nos documents, c’est en réalité notre genre qui est assigné et déclamé à la ronde : « C’est une fille ! » ou « C’est un garçon ! ».Le genre peut cependant aussi désigner une réalité qui n’est pas binaire et qui est déterminée personnellement, intimement : quand quelqu’un·e affirme s’identifier comme homme, comme femme, comme non-binaire (ni homme ni femme ou pas totalement homme ou femme) ou genderfluid (de genre variant). Il s’agit d’un ressenti intime, indiscutable, difficilement explicable. Ce sentiment personnel n’a que peu à voir avec les goûts et le caractère. On peut se sentir « fille » ou « femme » tout en ayant un caractère aventureux et agressif ou en aimant porter des pantalons, on peut se sentir « garçon » ou « homme » en jouant aux poupées et portant du rose !
L’étiquette qu’on nous colle à la naissance
À la naissance, lorsque notre « sexe » est inscrit sur nos documents, c’est en réalité notre genre qui est assigné et déclamé à la ronde : « C’est une fille ! » ou « C’est un garçon ! ». Et pour une majorité des personnes, cette adéquation entre sexe et genre ne pose pas question : ce sont des personnes cisgenres. Mais c’est loin d’être le cas de tout le monde. Certaines personnes ne se sentent pas en adéquation avec le genre assigné et se sentent plus à leur place en étant reconnues dans un autre genre : ce sont des personnes transgenres. Par exemple, un individu assigné « fille » à la naissance mais qui se sent homme est un homme transgenre. Cette inadéquation peut engendrer un grand sentiment de mal-être, que l’on nomme dysphorie de genre. Pour exprimer leur identité de genre véritable, ces personnes peuvent avoir besoin de changer de prénom, de pronoms (par exemple, passer de « il » à « elle », employer des pronoms neutres comme iel ou ille, ou encore al…) et changer le « sexe » indiqué à l’état civil pour avoir des papiers d’identité cohérents. Cette transition peut aussi passer par un changement d’apparence physique.
Une multitude de possibilités
On parle désormais de spectre des genres, parce que les ressentis ne sont pas binaires. Il existe une multitude de termes formés par les personnes concernées pour exprimer leur identité, se décrire, se définir. On peut aussi être non-binaire, agenre (sans identité de genre), ou hors du genre. Les trajectoires de personnes non cisgenres sont toutes diverses et variées, il n’existe pas une seule manière d’être trans. On peut aussi s’en rendre compte à tout âge : beaucoup de témoignages laissent entendre que l’on « sait » son genre dès un très jeune âge, avant l’âge primaire. Mais il existe aussi des personnes qui découvrent leur transidentité bien plus tard : parce qu’elles ne savaient pas que cela existait, parce que les mots manquaient, parce qu’il y avait d’autres problèmes plus pressants… et leur expérience est tout aussi légitime. Enfin, le ressenti peut varier : on peut passer d’un genre à l’autre ; ne pas être sûr·e ; changer de ressenti. Cela ne rend pas pour autant moins valide le ressenti à un moment X, ni facultatif le droit d’être respecté·e dans le genre annoncé.
Est-ce que le genre se voit ?
Nous sommes habitué·e·s à classer les personnes en deux genres et à les identifier comme fille ou garçon, femme ou homme, selon leur apparence. Les attributs physiques propres à chaque genre sont codifiés socialement et, au-delà des parties génitales, sont très variables d’une culture à une autre : chez nous, les cheveux longs, le maquillage, des habits comme les jupes, les robes, etc. sont principalement vus comme féminins, mais ce n’est pas le cas partout. On appelle expression de genre la manière dont une personne utilise divers codes sociaux (vêtements, attitude, langage…) et corporels (prise d’hormones, opérations…) attribués à un genre particulier. Si les personnes adoptent généralement une expression de genre conforme à leur ressenti (exemple : si l’on est un homme, on va avoir les cheveux courts, porter des pantalons, adopter telle gestuelle ou telle démarche, parce que c’est ce que la société voit comme « masculin »), ce n’est pas toujours le cas, et il existe une grande variété de possibilités d’expression des féminités, masculinités et non-binarités (toutes les personnes de genre fluide ou non-binaires n’ont ainsi pas forcément l’air « androgynes » !).
Chaque personne devrait avoir la liberté d’adopter une expression de genre confortable pour elle. Quant à ce qu’elle a dans le slip… ça ne regarde qu’elle !
Ainsi, il n’existe pas de personne « plus » ou « moins » trans selon son apparence : chaque personne devrait avoir la liberté d’adopter une expression de genre confortable pour elle. Quant à ce qu’elle a dans le slip… ça ne regarde qu’elle ! Les personnes trans en particulier font souvent face à des questions intrusives sur leur corps et leurs parties génitales. Or une transition peut se faire de diverses manières, il existe des personnes trans qui ne veulent pas ou ne peuvent pas avoir recours à un traitement hormonal, des opérations… et leur identité de genre est tout autant valide !
Pour cela, on évitera désormais les termes de « transsexuel » et « transsexualité », qui
- sont issus du vocabulaire médical et psychiatrique et sont ressentis comme pathologisants par les personnes transgenres,
- entretiennent une confusion avec la notion de sexualité (qui n’a rien à voir : une personne trans peut être homosexuelle, hétérosexuelle, bisexuelle, asexuelle… comme une personne cis) et
- font référence aux organes génitaux et aux « transformations physiques » (prise d’hormones, opérations de la poitrine, du visage, etc.), qui sont une affaire privée.
Rappelons que jusqu’en 2018, la loi exigeait que les personnes trans soient passées par des traitements médicaux, des opérations chirurgicales et la stérilisation pour obtenir un changement d’état civil. On ne considérait leur identité de genre légitime que s’il y a avait changement de « sexe ». Cette médicalisation de la transidentité a été dénoncée comme contraire aux droits humains, et la procédure a récemment changé en Belgique, ainsi qu’en France.
…et si on en profitait pour apprendre à s’adresser aux individus comme à des personnes uniques, hors des rôles sociaux de genre, quelle que soit leur apparence ?
Pour aller plus loinAnalyse FPS "LGBTQIA quoi ? Quels mots employer pour parler de relations et de sexualités ?"Analyse FPS "GBTQIA quoi ? Quels mots employer pour parler de sexes et de genres ?"Glossaire de Genres Pluriels