Culture
« What is a woman » – entretien avec l’artiste
par Marie-Anaïs Simon publié le 3 avril 2017
« Être une femme », qu’est-ce que ça veut dire? La question peut paraître banale, mais elle soulève énormément. La question peut paraître banale mais elle soulève énormément d’enjeux : genre, tradition, religion, modernité, identité… Il n’y aura jamais de réponse absolue et l’artiste Ethel Karskens l’a bien compris. A travers le monde, lors d’un voyage presque initiatique, elle est partie à la rencontre de femmes de tous les horizons pour explorer les enjeux auxquels elles sont confrontées.
Lors de son exposition, organisée par le comité FPS de Nivelles (en collaboration avec le Forum André Flahaut et le PAC), la photographe a pris quelques instants pour nous parler de « What is a Woman ». Entretien.
Quel a été votre parcours artistique jusqu’à ce projet ?
Si on devait remonter aux origines, j’ai commencé à écrire à l’âge de 16-17 ans, j’ai gagné plusieurs concours de nouvelles et de photographie.

J’ai seulement commencé à allier les deux lors de mon projet « American Macadam », pour lequel j’ai traversé les Etats-Unis en bus. Ce projet explorait déjà le concept d’identités, mais au travers de rencontre avec des marginaux américain. Durant ce voyage, j’ai tenu un blog qui mêlait écriture et photographie parce que, pour moi, ces deux expressions sont très complémentaires. Même si l’écriture est très visuelle, la photographie permet de supporter ce moyen d’expression et de lui donner vie. Ce projet a finalement été adapté en livre.
Après les Etats-Unis, j’ai continué à écrire énormément. J’ai notamment gagné le prix du jeune écrivain francophone à Paris, j’y ai été publiée deux fois pour des nouvelles et ensuite j’ai fait ce voyage « What is a Woman » qui a débuté il y a un peu plus d’un an.
Quel a été l'origine du projet « What is a woman » ?
« Le projet « What is a Woman » est né quand j’étais en Australie dans des milieux très machos qui m’ont permis d’évoluer dans ma conception du féminisme ».Le projet « What is a Woman » est né quand j’étais en Australie dans des milieux très machos qui m’ont permis d’évoluer dans ma conception du féminisme. J’étais déjà féministe intellectuellement, mais pas passionnément comme aujourd’hui. Vivre dans ce milieu m’a bouleversée et m’a donné envie de réaliser quelque chose de concret au niveau de la lutte des femmes.
C’est aussi un projet qui s’inscrit dans une questionnement plus global sur l’identité. Cette thématique traverse toute une série de projet que je réalise, que ce soit dans mes nouvelles ou dans « American Macadam ». Je trouve important d’explorer tous les aspects qui tournent autour de la question « où est-ce qu’on se situe dans la société ? ».

L’origine du projet vient donc d’un questionnement personnel ce que cela signifie « être une femme ». A mon âge, avant et même après, beaucoup de femmes se posent la question : « Comment est-ce que je devrais être ? ». Nous sommes dans une société où on demande beaucoup aux femmes : on leur demande d’être indépendantes, mais très traditionnelles à la fois. Ce sont plein d’injonctions contradictoires qui nous sont imposées en même temps. Je trouvais donc intéressant de s’intéresser à la manière dont les femmes se réapproprient ou challengent ces injonctions.
Quels sont les grands thèmes qui traversent le projet ?
Pour chaque pays, j’ai travaillé sur un sujet spécifique, cela permettait de segmenter la question qui était très vaste. On aborde ainsi différents thèmes qui touchent au féminisme aujourd’hui.
Au Vietnam, on a beaucoup parlé de la maternité. Il y avait le thème du « transgenrisme » que nous avons abordé avec les femmes cambodgiennes et celui de l’impact de la culture sur le corps en Thaïlande. Avec les nonnes à Myanmar, on s’est interrogées sur la place des femmes dans le bouddhisme, mais aussi, sur la féminité et la tradition.
©Ethel KarskenEnsuite, c’est tout l’aspect du mariage et du système matrilinéaire que nous avons exploré en Chine. En Iran, le sujet c’était les femmes sur le marché du travail et, en abordant cette thématique, on a également pu parler des enjeux entre tradition et modernité qui touche particulièrement les femmes là-bas. Et enfin, on a travaillé sur la question de la précarité en Belgique.
Est-ce qu’il y a des sujets que vous n’avez pas eu le temps d’explorer et qui « manquent au tableau » selon vous?
"Moi, ce qui me touche très fort, c’est l’injustice et les violences. J’aurais aimé prendre plus de temps pour pouvoir explorer ces sujets"Moi, ce qui me touche très fort, c’est l’injustice et les violences. J’aurais aimé prendre plus de temps pour pouvoir explorer les violences conjugales, la précarité ou le trafic des êtres humains (notamment au Vietnam). Ce sont des sujets très douloureux qui touchent énormément les femmes mais qui sont tellement délicats ! Ces sujets demandent énormément de temps, d’investissement et surtout ils faut réussir à établir un rapport très fort avec les personnes. J’ai travaillé avec une ONG qui lutte contre le trafic des êtres humains quand j’étais à Saigon et même en un mois, le seul contact que j’ai pu avoir, c’était en observant le lieu dans lequel les victimes dormaient, je ne pouvais même pas les rencontrer. C’est tout à fait compréhensible, mais cela rend donc le travail sur ces thématiques très difficile, voire impossible. Ce sont des thèmes qui me parlait énormément mais que je n’ai pas pu aborder en profondeur pour toutes ces raisons.
Comment peut-on en découvrir plus sur votre projet ?

Pendant tout le voyage, j’ai tenu un site, qui est toujours en ligne et qui s’appelle « What is a woman ». Pour chaque pays, chaque ville, j’ai écrit un article de fond sur les rencontres, sur l’atmosphère, sur les questions qui surgissaient, etc. Le tout est accompagné de photos et de vidéos réalisées sur place. Et puis, il y a l’exposition qui circule.
Pour aller plus loin :Son siteL'interview de Alphabeta Magazine