Société
Politiques familiales et féminisme : quels enjeux communs ?
Allocations familiales : qu’est-ce qui change pour moi ?
par Damien Hachez publié le 19 mars 2020
La 6e réforme de l’État a engendré le transfert des allocations familiales de l’État belge vers plusieurs de ses entités fédérées. Désormais, c’est une première : différents systèmes d’allocations familiales coexistent sur le territoire belge. Pas toujours évident d’y voir clair pour les citoyen·ne·s! Petit tour d’horizon des nouveautés en la matière et des enjeux pour les familles.
Une (r)évolution de fond
Avant de s’intéresser aux spécificités des modèles bruxellois et wallon, arrêtons-nous sur deux changements majeurs dans la modernisation des allocations familiales qui représentent des avancées positives aux yeux de la Ligue des familles et des FPS :
- Le montant versé par enfant dépendait de son rang dans la famille : les parents recevaient un montant pour leur 1er enfant, qui devenait plus important pour le 2e, était encore majoré pour le 3e, etc. L’objectif était de soutenir la natalité et les familles nombreuses. Dans tous les nouveaux modèles d’allocations familiales, le montant reçu pour chaque enfant est identique (au sein d’un même territoire Flandre, Bruxelles, Wallonie ou Communauté germanophone) quel que soit son rang, et sera important dès le 1er enfant. Une évolution adaptée aux réalités des familles d’aujourd’hui, quand on sait que 84% d’entre elles comptent seulement un ou deux enfants.
- Les éventuels suppléments sociaux étaient accessibles en fonction du statut professionnel des parents – selon que l’on ait un emploi ou non, par exemple. Ce n’est plus le cas aujourd’hui, et il s’agit d’une bonne nouvelle. En effet, de nombreuses personnes ont un emploi mais ont néanmoins besoin d’une aide financière : ce sont les travailleuses·eurs dit·e·s « pauvres ». En outre, avec les évolutions de la société et du marché du travail, chacun·e peut changer rapidement de statut, entre formations, CDI, CDD, intérim… Les suppléments sociaux pour motif économique sont désormais conditionnés aux revenus de la famille, quelle que soit la situation professionnelle des parents. Une évolution en phase avec les trajectoires de vie actuelles, beaucoup plus souvent soumises aux changements et ruptures qu’au siècle précédent.
Et concrètement, quels changements pour les familles ?
En pratique, désormais, le modèle d’allocations familiales est déterminé par le territoire où est domicilié l’enfant.
- Si l’enfant est domicilié à Bruxelles
Dans ce cas, le montant pour chaque enfant a été fixé à 150€. Avec une nuance : de 2020 à 2026, les enfants nés avant 2020 bénéficieront d’un montant légèrement plus faible de 140€, pour permettre aux pouvoirs publics d’absorber le choc budgétaire et de faire basculer pleinement tous les enfants dans le nouveau modèle. Ce montant de base peut être majoré par différents compléments : pour les familles monoparentales, pour les ménages dont les revenus annuels bruts imposables sont inférieurs à 45 000€, pour les enfants en situation de handicap, pour les orphelin·e·s, en fonction de l’âge des enfants… Des primes de naissance sont toujours prévues : 1100€ pour le 1er enfant, 500€ pour les suivants. Et une prime est également versée lors de la rentrée scolaire.
Et si le nouveau modèle venait à donner droit à moins d’argent qu’avant aux parents, ils conserveraient l’ancien montant qui était plus élevé : c’est un droit acquis, qui ne pourra être raboté.
- Si l’enfant est domicilié en Wallonie
Dans ce cas, le montant pour chaque enfant est désormais de 155€, mais seuls les enfants nés à partir de 2020 bénéficient de ce montant ; les autres, nés précédemment, restent dans l’ancien modèle. Les deux modèles (l’ancien et le nouveau) vont donc continuer à coexister pendant les 25 prochaines années. Les familles qui sont sur les deux systèmes en même temps (car elles ont des enfants nés avant et à partir de 2020) sont appelées les « familles à cheval ».
Elles dénoncent à juste titre un manque à gagner potentiellement important puisqu’elles n’auront ni les avantages de l’ancien système (montants plus élevés à partir du 3e enfant) ni les avantages du nouveau (montants plus élevés pour les deux premiers enfants). Pour la Ligue des familles, il est urgent que le Gouvernement wallon mette en place une solution pour ces familles.
À ce montant de base de 155€ s’ajoutent potentiellement différents suppléments : en cas de revenus annuels bruts imposables inférieurs à 50 000€, pour les familles nombreuses et/ou monoparentales, pour les enfants en situation de handicap, pour les orphelin·e·s, en fonction de l’âge des enfants, etc. La prime de rentrée scolaire devient un supplément annuel, qui varie selon l’âge de l’enfant et l’octroi éventuel d’autres suppléments sociaux. La prime de naissance subsiste à hauteur de 1100€ pour tous les enfants.
Dois-je faire quelque chose ?
Le basculement des familles dans le nouveau système se fait automatiquement. Mais en ce qui concerne les suppléments, il importe aux parents d’être certains qu’ils reçoivent le montant auquel ils peuvent prétendre. En effet, durant deux ans, les administrations n’auront pas encore accès aux données (fiscales notamment) leur permettant d’octroyer automatiquement ces suppléments. En 2022, les administrations examineront quels montants les parents ont reçus et pourront, le cas échéant, leur rembourser les sommes qu’ils auraient dû percevoir, ou a contrario, leur demander de rembourser les suppléments indûment perçus depuis le 1er janvier 2020. Pour éviter de telles situations, nous recommandons de se renseigner (voir entre autres le site de l’AVIQ pour les parents dont l’enfant est domicilié en Wallonie, et Iriscare pour les parents dont l’enfant est domicilié à Bruxelles), de s’adresser directement à sa caisse d’allocations familiales pour toute question et de se manifester aussi souvent que possible auprès de sa caisse en cas de changement de situation (revenus, séparation, déménagement…) pour que le calcul du montant à percevoir soit adapté au plus vite par rapport à ces modifications. Exemple : un parent change de travail et ses nouveaux revenus ne lui donnent plus droit à un supplément social. Il doit avertir sa caisse afin qu’elle cesse de lui verser ce supplément, sous peine, en 2022, de devoir le rembourser pour toute la période où il lui aura été versé alors qu’il n’y avait plus droit. Il faut également notifier tout changement à sa caisse car un parent pourrait avoir droit à un supplément social suite à une modification de sa situation familiale et financière.
Concernant le choix de la caisse d’allocations familiales, il n’y a aucune différence entre elles au niveau des montants et du moment de versement. Les différences peuvent se situer dans la capacité de la caisse à répondre de manière rapide, complète et adaptée à chaque situation. Les parents ayant déjà des enfants avant le 1er janvier 2020 ne peuvent pas changer de caisse (sauf dans des cas de reconfiguration familiale) avant le 1er janvier 2022. Le choix de la caisse concerne donc principalement les familles fondées à partir de 2020.
Quels enjeux pour les mois à venir ?
Le premier enjeu est évidemment la réussite de la mise en place des nouveaux modèles d’allocations familiales et en premier lieu, le versement en temps et en heure du juste montant d’allocations familiales à chaque famille.
Il faudra également rester attentives·tifs à la situation des familles qui déménagent d’une région à l’autre, afin qu’elles soient bien informées des conséquences en ce qui concerne les allocations familiales et que le suivi administratif se fasse sans accrocs.
Enfin, le système d’allocations majorées liées aux revenus représente une avancée majeure mais reste un point d’attention pour la Ligue des familles, en raison du risque qu’une famille se voie réclamer le remboursement d’allocations indûment versées. Face à ces enjeux d’importance, la Ligue des familles veillera à défendre les intérêts de toutes les familles concernées.