Société
Sécu et solidarité
Assurances privées : la bourse ou la vie ?
par Laudine Lahaye publié le 15 avril 2019
Quel est le lien entre « Femina » en Belgique, « e.Warda » en Algérie, « Protección Cáncer Mujer » au Mexique ou simplement « Cancer insurance » en Inde ? Ce sont les noms de contrats d’assurance rédigés par des compagnies privées, pour les femmes en particulier. Ces compagnies proposent aux femmes de souscrire à une assurance contre les risques de cancer du sein, des ovaires, de l’utérus, du vagin ou de la vulve. Quelle est la face cachée de cette offre intrigante ?
Pour pouvoir bénéficier de ces assurances privées, les clientes sont invitées à verser de façon régulière une somme d’argent à la compagnie qu’elles auront choisie. Lorsque le cancer se déclare, celle-ci redistribue aux assurées une somme d’argent plus élevée pour acheter par exemple une perruque ou payer une aide-ménagère.
Des apparences trompeuses
Ce système, d’apparence généreuse et bienfaisante, est en réalité conçu pour ne pas « coûter trop cher » aux compagnies. Ainsi, l’une de ces compagnies donne accès à cette assurance aux femmes âgées de 18 à 50 ans. Or, il est scientifiquement prouvé que l’âge est un facteur aggravant dans le risque de développer un cancer. Selon la Fondation contre le Cancer, 75 % des cas de cancer du sein apparaissent après l’âge de 50 ans. En conditionnant l’ouverture de ces contrats aux femmes de moins de 50 ans, la compagnie limite le nombre de femmes pour lesquelles une intervention financière sera nécessaire. Une autre restriction d’accès est posée par certaines compagnies : elles refusent les clientes ayant déjà eu un cancer par le passé. Parce qu’avoir déjà eu un cancer du sein augmente la probabilité d’en développer un autre.
La scandaleuse technique du “profilage”
Les « bonnes clientes » sont donc des femmes aisées (ayant les moyens de payer la prime mensuelle ou annuelle) et avant tout des femmes en bonne santé (qui ne risquent pas de tomber malade trop vite). Établir le profil du « bon client » est une pratique courante des assureurs privés. Ils peuvent refuser d’assurer des personnes sur base de leur dossier médical, surtout lorsque celui-ci indique des problèmes de santé. Ils peuvent aussi proposer différents barèmes d’intervention financière : plus la prime mensuelle sera élevée, plus la protection finale sera grande. À moins de s’endetter, les personnes à faibles moyens ne peuvent dès lors, au mieux, qu’accéder à la couverture minimale. En bref, au plus vous disposez d’argent, au plus vous pourrez vous soigner !
La privatisation nous met en danger
C’est malheureusement la logique vers laquelle tendent de plus en plus nos services publics: il s’agit de la « privatisation » et de la « marchandisation ». En principe, les services publics organisent une série de domaines de notre quotidien comme la santé, les transports en commun, la poste ou l’enseignement. Cela permet aux citoyen-ne-s de se soigner, de se déplacer, de s’instruire via des services d’intérêt collectif, c’est-à-dire avec des prix raisonnables et une exigence de qualité. Les opérateurs privés n’ont pas toujours les mêmes objectifs. Guidés par une philosophie libérale, ils cherchent d’abord à rendre leur activité lucrative, à faire du profit… pour rémunérer leurs actionnaires. Au contraire des mutualités, leurs activités sont peu réglementées. Laisser l’assurance maladie aux mains des compagnies privées mettrait beaucoup de monde dans l’incapacité de se soigner correctement. Nous basculerions dans un système à deux vitesses, comme aux USA. Là-bas, les mieux nantis peuvent suivre la hausse du montant des factures d’hôpital et des honoraires des médecins dues à la libre concurrence. Les autres ? Ils n’ont qu’à se priver de quelques repas pour acheter des médicaments. Ne laissons pas la Belgique sombrer dans cette déplorable et injuste réalité. Il nous faut plus que jamais réaffirmer l’importance du modèle mutualiste et solidaire ! Une politique budgétaire saine et durable doit être appliquée au financement de la sécurité sociale. Sans elle, nous serions presque 1 personne sur 2 (45 %) à avoir des fins de mois impossibles à boucler.