Culture
Cyberactivisme
Cinq vidéastes pour mieux comprendre le féminisme
par Lola d’Estienne d’Orves publié le 7 novembre 2017
Il est parfois difficile de verbaliser ses arguments quand on débute son parcours de féministe. S’identifier comme tel-le, c’est déclencher bon nombre de débats avec des ami-e-s, d’interrogations face à des éléments de la vie quotidienne qui ne nous paraissaient pas problématiques auparavant, et des remises en question vis-à-vis de son propre comportement. On aurait bien envie d’un coup de pouce par moment, qui ne soit ni trop chronophage, ni trop complexe. C’est pourquoi de nos jours, des femmes ont décidé de vulgariser, chacune à leur manière, les fondements de leur féminisme grâce aux plateformes de partage de vidéos. Gratuites, souvent divertissantes et pédagogiques, ces ressources sont un premier pas pour réussir à se lancer dans un mode de vie féministe. Pour commencer, en voici 5 qui méritent toute votre attention.
Ginger, ses cookies et ses pavés
© GingerForce (Sa chaîne youtube)Si vous trainez sur YouTube ou Twitter, vous avez déjà entendu parler de Ginger, et ce pour deux raisons : elle fait partie des premières qui, chez les vidéastes francophones, a décidé de parler de féminisme en profondeur avec sa série Un pavé dans la mare. Et, plus tristement, elle fait partie de ces femmes qui ont été « blacklistées » par tous les masculinistes qu’internet peut contenir, à l’image de Marion Seclin ou Buffy Mars, dont on parlera plus tard. Elle a appris à ses dépens la complexité d’être une femme, féministe de surcroît, sur un internet aux tendances patriarcales, sans jamais lâcher l’affaire.
Ses vidéos ont un vrai but pédagogique. Lassée de devoir toujours répéter le même discours aux mêmes personnes pour qu’enfin, elles comprennent que le féminisme est aujourd’hui toujours et encore nécessaire, elle a créé deux séries de vidéos : Un pavé dans la mare, destinée à aller plus en profondeur sur des thématiques spécifiques (l’humour, les violences conjuguales, la parité, les legos…) et Un cookie ?, elle destinée à répondre de manière brève aux questions et attaques régulièrement posées envers les militantes de l’égalité femmes-hommes.
Sur sa chaîne, vous trouverez aussi sa série « Adaptation« , qui parle… d’adaptations de livres et ouvrages au cinéma, où le féminisme s’immisce ça et là.
Naya, pour comprendre l'afroféminisme et l'intersectionnalité
©Naya Ali (Sa chaîne)Vous connaissez les discriminations liées au fait d’être une femme. Vous connaissez les discriminations liées au fait d’être noir-e-s. Et bien figurez vous qu’il existe aussi des discriminations spécifiques quand on est une femme noire. En réponse à ce que certain-e-s appellent un « féminisme blanc », qui ne s’attarde qu’aux problématiques de personnes non-racisées, le mouvement de l’afroféminisme est né et Naya, ancienne rédactrice en chef de Noir et Fier et l’une des rares femmes noires du youtube francophone, a décidé d’en faire l’une des thématiques de sa chaîne. Elle parle aussi, de manière plus large, de féminisme intersectionnel, terme qui désigne une lutte qui rassemble les croisements entre sexisme et d’autres discriminations, liées par exemple à l’âge, à l’orientation sexuelle ou encore à l’identité de genre.
Quelle que soit votre couleur de peau, il est aujourd’hui plus que nécessaire de s’attarder à ces problématiques et d’être capable, en tant que personne privilégiée ou non par sa pigmentation, d’être un-e allié-e de ces causes trop souvent invisibilisées, et de laisser la parole aux concerné-e-s. Pour cela, Naya peut vous enseigner les bases de « pourquoi aller voir Aladin avec Kev Adams c’est soutenir le white-washing » et « en quoi décider de garder ses cheveux au naturel est dangereux pour la vie professionnelle d’une femme noire ».
Anna Akana, pour son humour et sa réalisation soignée
© Anna Akana (Activez les sous-titres français si vous avez du mal avec la langue de Shaquille O'Neal)Outre-atlantique vit une illustratrice, réalisatrice, graphiste, actrice, productrice, scénariste, humoriste et féministe de talent : Anna Akana. Sa plus-value, c’est son humour et sa capacité à faire comprendre en peu de temps des enjeux importants comme la culture du viol, le white washing (étant d’origine asiatique), le syndrome de l’imposteur qui touche bon nombre de femmes ou encore l’empowerment en moins de dix minutes. Ce qui est intéressant avec elle, c’est l’empathie qu’elle provoque, et au fil de ses vidéos on assiste à son évolution, à son éveil féministe, et le fait qu’elle soit passée par autant d’étapes donne un rendu très compréhensif, pédagogique et motivant.
Outre ses vidéos en face-caméra, elle a aussi réalisé des courts-métrages et des sketchs, dont certains sous-titrés en français, qui traitent des mêmes thématiques. En bref, c’est celle qu’il vous faut quand il s’agit d’inculquer *l’air de rien* des notions fondamentales du féminisme au premier venu.
Marinette, pour ses reportages qualitatifs
© Marinette (Sa chaine)Marinette, journaliste de métier, vous propose des reportages et éditos dans une atmosphère calme et avec une qualité d’écriture rare sur le youtube français. Elle vous emporte en voyage, vous fait connaitre son vécu, parle de thématiques qui la touchent sans manquer d’objectivité et de réflexion. Les témoignages qu’elle récolte sont touchants, authentiques et enrichissants.
Les vidéos de Marinette vous permettent d’entrer dans une bulle pendant une quinzaine de minutes, et de comprendre de manière concise des thématiques complexes et souvent méconnues ou mal-connues : la musculature chez les femmes, les obstacles auxquels celle qui voyage seule se confronte ou encore la pilosité féminine en font partie.
Marinette n’a encore « que » 19 000 abonnés, mais au vu de la qualité de ses vidéos et le travail qu’elles représentent, elle mérite bien plus. N’hésitez donc pas à faire un tour sur sa chaîne.
Tout est politique, pour déchiffrer la pop culture
©Tout est politique (Sa chaine)Buffy Mars, de la chaîne Tout est politique, vadrouille sur internet depuis un petit bout de temps. D’abord via son blog qu’elle continue d’actualiser régulièrement, et depuis 2 ans sur une chaîne youtube d’analyses et de reviews de la pop culture. Comme a pu le faire Mirion Malle sur son blog-bd, elle examine des tv tropes ou des séries entières, cherchant à comprendre par exemple pourquoi Orange Is The New Black provoque un tel engouement, en quoi le cliché de la peste dans les séries pour ados est nocif ou pourquoi Sweet Vicious est une série primordiale quand il s’agit de parler de violences sexuelles. En bref, sa chaîne vous permettra de comprendre en quoi la culture influence nos perceptions.
Vous avez peut-être entendu parler d’elle l’année dernière, le jour où un technicien Orange a utilisé ses informations personnelles pour la draguer. Elle avait alors subi un acharnement violent vis-à-vis de sa personne sur tous les réseaux sociaux, et en est arrivée au point de changer tous ses identifiants publics, passant de Buffy Mars à Tout est politique. Suivant une formation en sociologie, on comprend tout à fait ce titre qui réaffirme haut et fort ses convictions.