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Politiques familiales et féminisme : quels enjeux communs ?

Article mis à jour le 19 mars 2020

Créances alimentaires : des défauts de paiement menaçants

par Laudine Lahaye publié le 17 mars 2020 (c) fabian Blank pour Unsplash

Élever ses enfants sous le même toit que le père ou la mère de ceux-ci devient moins fréquent qu’auparavant. La séparation peut mener un des deux parents à devoir verser de l’argent à l’autre pour l’éducation et les soins donnés aux enfants. Hélas, ces versements ne se font pas toujours avec facilité…

Les deux types de créances alimentaires

Une créance alimentaire permet à une personne de demander une intervention financière à une autre personne, la·le débitrice·teur, pour subvenir à ses besoins. Il existe deux types de créances alimentaires : la pension alimentaire et la contribution alimentaire. Elles se distinguent par la personne à laquelle elles s’adressent :

  • La pension alimentaire : il s’agit d’une somme d’argent due par un·e ex-conjoint·e à l’autre ex-conjoint·e en situation de besoin après le divorce. C’est la personne aux revenus les plus élevés qui sera amenée à porter cette forme de secours et assistance promise lors du mariage.
  • La contribution alimentaire : il s’agit d’une somme d’argent versée par un des deux parents à l’autre pour couvrir les dépenses liées aux enfants (exemple : frais scolaires, alimentation, vêtements, loisirs, etc.).

Le non-versement des créances : une problématique aux conséquences multiples

Près de 40% des personnes ayant normalement droit à une créance alimentaire ne perçoivent rien du tout ou seulement une partie de la somme due. Ne pas recevoir une créance alimentaire alors qu’on y a droit augmente directement le risque de tomber dans la pauvreté. Selon une étude réalisée par la K.U.Leuven en 2009, « lorsque les familles monoparentales touchent une pension alimentaire, le taux de pauvreté s’élève à 22,8%. Sans cette pension, il grimpe à 42,6% ».
Les créances alimentaires sont un moyen de lutter contre la précarité des familles monoparentales, et donc par extension, la précarité des femmes. En effet, que ce soit en Wallonie, à Bruxelles ou en Flandre, au moins 80% des familles monoparentales ont à leur tête une femme. Dans un ménage où une mère élève seule ses enfants, l’ensemble des dépenses est
supporté par un seul revenu. Et comme, en moyenne, les femmes perçoivent une rémunération plus faible que celle des hommes (23,7% d’écart en 2019), il est financièrement plus compliqué pour elles de se retrouver seules avec un ou plusieurs enfants à charge.
(Re)trouver du travail après la séparation, de préférence à temps plein, n’est pas simple. Paradoxalement, cela peut coûter de l’argent alors que c’est précisément à ce moment-là que les mères en ont le moins. Trouver du travail implique, par exemple, de devoir trouver une crèche, entamer une formation, acheter une voiture ou un abonnement pour les transports en commun. Pour travailler et subvenir aux besoins de sa famille, il faudra donc d’abord être capable de débourser certaines sommes. Dans ce contexte, les pensions et les contributions alimentaires sont loin d’être des aides superflues pour aider les mères de famille à boucler les fins de mois.

Le SECAL : un service public pour endiguer la problématique

Malgré leur inscription dans le Code civil, ces droits ne sont pas toujours respectés.
Les défauts de paiement sont fréquents et ce sont les femmes qui en pâtissent. En 2009, 94% des dossiers du SECAL ont été introduits par des femmes… Mais qu’est-ce que le SECAL, le Service des Créances Alimentaires ? C’est un service public qui assure le rôle d’intermédiaire entre les parents pour avancer et récupérer l’argent des créances alimentaires, dans les cas de
paiements incomplets ou inexistants de la part des débitrices·teurs. Ce service a été mis en place suite à la mobilisation conjointe de plusieurs associations de femmes, réunies au sein d’une plateforme associative des créances alimentaires en 2000.
La demande initiale de ces associations portait sur la création d’un fonds universel qui assurerait les avances et le recouvrement des pensions et des contributions alimentaires, sans conditions particulières d’accès. Les avances sont des montants des pensions ou des contributions alimentaires que le SECAL verse lui-même aux bénéficiaires pour en assurer le paiement. Le recouvrement consiste à récupérer auprès des débitrices·teurs les montants non-payés (arriérés).
La loi du 21 février 2003 instaurant le SECAL devait répondre à ces préoccupations. Par la suite, des modifications de cette loi ont entraîné une réduction des missions et de l’accessibilité du SECAL, au détriment des potentiel·le·s bénéficiaires du service.

Le SECAL : des dysfonctionnements qui alimentent la problématique

Le fonctionnement interne du SECAL ne facilite pas son utilisation par le grand public. Les associations de terrain notent un engorgement des services du SECAL. Le personnel, en nombre insuffisant, est débordé. Le traitement des dossiers s’éternise et provoque des crispations entre le personnel et les bénéficiaires qui peinent à obtenir réponse à leurs questions. Davantage de moyens humains permettraient d’augmenter le taux de recouvrement des avances sur contributions alimentaires et d’assurer ainsi une meilleure stabilité financière du service.
Par ailleurs, les revendications initiales de la plateforme lors de la création du SECAL portaient notamment sur son caractère universel, accessible à tou·te·s sans restriction. Ce n’est malheureusement pas le cas. Un plafond de revenus conditionne l’octroi des avances sur les contributions alimentaires. Depuis janvier 2020, le plafond est passé de 1800€ à 2200€ nets par mois. Cela signifie que seules les personnes gagnant moins de 2200€ nets par mois peuvent demander des avances au SECAL. Le relèvement du plafond est une victoire car cela permet à davantage de familles de prétendre à l’aide du service. Il s’agit toutefois d’une victoire en demi-teinte, puisqu’à l’origine, ce plafond n’aurait pas dû exister, comme le demandait la plateforme. La contribution alimentaire étant un droit universel, son obtention ne devrait pas être conditionnée par les revenus du parent demandeur.
La suppression du plafond d’accès suppose au préalable la mise en œuvre d’une politique budgétaire saine pour l’ensemble du SECAL. En effet, la suppression du plafond entraînerait une hausse probable du nombre de demandes d’aide que la situation financière actuelle du SECAL ne permettrait pas de supporter.
Nous appelons le pouvoir politique à augmenter dès que possible le budget et les moyens alloués à cet organisme.

Plus qu’une question d’argent

Une réflexion plus globale devrait être menée sur ce que ces contributions alimentaires nous disent de la paternité. Le recours aux créances alimentaires est un autre exemple qui illustre la perpétuation, à travers le temps, des rôles parentaux stéréotypés. L’importance de déconstruire le modèle de « l’homme gagne-pain » est évidente : la paternité est bien plus large que le fait de pourvoir aux besoins économiques de sa famille. Sans pour autant sortir du cadre de l’aide financière, les créances alimentaires représentent une opportunité d’ouvrir le débat sur la répartition des rôles parentaux stéréotypés, dialogue dont notre société a grandement besoin
aujourd’hui.

Cet article est tiré de l’étude FPS de Laudine Lahaye« Politiques familiales et égalité femmes-hommes font-elles bon ménage ? »Pour aller plus loinInfos FPS sur les pensions créances alimentairesAxellemag : Le SECAL, un service qui gagne à être visible et accessibleRTBF : Des milliers de familles ne touchent pas leurs pensions alimentaires Tags : créance alimentaire - Secal - politique familiale - inégalité
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