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Militance

De l’insulte à l’affirmation de soi – Réappropriation du mot queer et Marche des fiertés

par Eva Cottin publié le 7 juillet 2020 (c) freepik

Les personnes qui s’éloignent des normes de genre grandissent avec l’insulte, se voient définies par l’insulte avant même, souvent, de savoir elles-mêmes qui elles sont. On les traite de folle, pédé, tapette, gouine, etc. On prononce des mots durs, on ostracise, parfois on agresse et on frappe.

Au-delà de l’insulte

Comme réponse à la stigmatisation sociale, un procédé courant est la réappropriation et la resignification sémantique ( = donner de nouvelles significations au mot) de l’insulte. C’est un « retournement du stigmate » : pour désamorcer la charge infamante du mot, on se le réapproprie, on le revendique.

C’est l’exemple du mot « queer » qui, en anglais, signifie « bizarre » et est un mot insultant. Des personnes LGBTQIA+ se sont réapproprié ce mot, il désigne même au-delà des pays anglophones toute une mouvance artistique, culturelle et politique, et recouvre un spectre d’identités diverses et non figées. Une traduction francophone sur le même modèle de réappropriation de mots insultants envers les LGBTQIA+ est parfois employée, ce sont les « transpédégouine ». Autre exemple, on retrouve le même procédé dans le nom de l’organisation de lesbiennes féministes radicales « Les Gouines rouges », créée dans les années 1970 en France.

Cette transformation d’un mot insultant en une affirmation identitaire ne fonctionne qu’entre personnes concernées, dans un entre-soi.

Ce procédé n’est pas propre aux personnes queer : des femmes l’ont aussi fait, en se réappropriant par exemple l’insulte « salope ». Il s’agit de reprendre le pouvoir sur le langage et son identité personnelle, de se reconstruire à partir de l’endroit même de la blessure. Cela dit, cette transformation d’un mot insultant en une affirmation identitaire ne fonctionne qu’entre personnes concernées, dans un entre-soi. Et le vocabulaire ne fait pas l’unanimité : certaines personnes concernées peuvent continuer à rejeter ces mots, ayant été trop marquées voire traumatisées par l’insulte ; ou préfèrent inventer leurs propres expressions, qui ne portent pas en mémoire l’oppression.

De la honte à la fierté

On entend parfois des personnes dire qu’il n’y a pas de quoi être « fier·e » : on est comme ça, c’est tout. Alors pourquoi s’exhiber et revendiquer ce qui n’est qu’une part de notre identité qu’on n’a pas choisie ? La fierté, dans le cas de personnes opprimées, est une réaction au sentiment de honte et de culpabilités imposés de l’extérieur. La fierté, c’est simplement l’affirmation de l’amour de soi, de l’acceptation de soi. Non, les personnes LGBTQIA+ qui défilent lors des Marches des fiertés ne cherchent pas à « convertir » les personnes cisgenres (dont le genre correspond au genre assigné à la naissance) et hétéros, mais à défendre leur droit à la vie et au respect comme tout être humain.

Dans ce combat, personnes trans, travesti·e·s et drag-queen étaient au premier rang, prenant des risques réels en endossant des vêtements, rôles et comportements qui étaient condamnés.

Dans nos pays européens du XXIe siècle, certain·e·s ne voient en la Marche des fiertés qu’une caricature des identités queer. C’est oublier que les Pride sont nées en réaction à une violente répression policière aux États-Unis, qui a fait de nombreuses victimes. Dans ce combat, personnes trans, travesti·e·s et drag-queen étaient au premier rang, prenant des risques réels en endossant des vêtements, rôles et comportements qui étaient condamnés.

Et, bien sûr, dans l’affirmation de soi, la revendication à la liberté d’être et de se montrer, il y a aussi une forme de joie, qui est bien légitime à être exprimée lors de telles célébrations.

Tags : pride - queer - Manifestation - LGBTQIA+