Nous, vous & elle
Fallait demander ! – Entretien avec EMMA
par Mélissa Martin publié le 28 mars 2018
Emma a 36 ans, elle vit à Paris, elle est ingénieure informaticienne de formation, bloggeuse, maman et en couple. L’année dernière, elle a secoué la toile (mais pas que…) en publiant sur Facebook une BD sur la charge mentale. Ce concept n’est pas neuf, il existe depuis plus de trente ans dans la littérature sociologique et dans les milieux féministes mais Emma a su le populariser en l’illustrant avec humour. Si le succès réside dans la simplicité, ce sont sans aucun doute des propos chargés d’émotions qui ont permis à tant de femmes de se reconnaître de par le monde !
D'où vient votre engagement ?
"Je me suis politisée car j’ai estimé que ça n’était pas à moi seule de trouver les solutions à un problème global que toutes les femmes vivaient".Je me suis engagée quand ma vie professionnelle en tant que femme ingénieure est entrée en collision avec ma vie de mère. J’avais vécu le sexisme comme tout le monde mais je n’avais pas réalisé ce que c’était… Je me suis retrouvée dans un poste à responsabilités avec des collègues qui se sont comportés de manière très sexiste (remarques déstabilisantes, attouchements ,…) et à côté de ça j’avais mon enfant à gérer et c’était devenu invivable. Alors au lieu de renoncer, d’acheter des bouquins de développement personnel ou de foncer chez le psy, je me suis politisée car j’ai estimé que ça n’était pas à moi seule de trouver les solutions à un problème global que toutes les femmes vivaient.
La charge mentale touche-t-elle toutes les femmes et peut-on la faire disparaître ?
"La question est de savoir comment allons-nous pouvoir se répartir cette charge mentale ? "La plupart des femmes souffrent de cette charge mentale chaque jour et quasiment tout au long de leur vie ! Et malheureusement non, on ne peut pas se passer de gérer les tâches ménagères et l’organisation du foyer, mais la question est de savoir comment allons-nous pouvoir se répartir cette charge mentale ? Les célibataires ou les couples de même genre la portent également mais dans les couples hétérosexuels, la façon dont nous sommes conditionnés poussent vraiment les femmes à gérer cela et les hommes à sortir ces préoccupations de leurs têtes sans aucune forme de culpabilité?
Avoir des enfants amplifie-t-il le phénomène ?
La charge mentale est présente pour les couples sans enfant mais dès que vous devenez parent cela vous explose à la figure. Il y a une vie humaine en jeu et dans les premières années de vie il y a beaucoup plus de choses à faire. Ce qui peut sembler supportable avant l’arrivée d’un enfant peut par la suite devenir invivable !
Et c’est tout aussi difficile pour les femmes qui ne travaillent pas à l’extérieur et qui élèvent leurs enfants ?
Depuis votre BD la charge mentale est-elle plus équilibrée dans votre couple ?
"J’aimerais pouvoir rétablir l’équilibre pour toujours, mais c’est optimiste surtout dans une société qui nous rappelle sans cesse que notre rôle n’est pas celui-là".C’est toujours compliqué [rires], c’est d’ailleurs pour cela que je plaide pour définir de nouveaux cadres et non pour des solutions individuelles. Mon compagnon est féministe, on peut discuter de cela sans se disputer. Il a acquis la responsabilité de certaines tâches mais c’est un effort permanent car il n’a pas été élevé comme cela… J’aimerais pouvoir rétablir l’équilibre pour toujours, mais c’est optimiste surtout dans une société qui nous rappelle sans cesse que notre rôle n’est pas celui-là. Je crois qu’il faut vraiment travailler sur l’éducation afin d’obtenir une répartition plus naturelle. Pour notre génération, ça semble compromis mais si je parviens à parler aux parents d’aujourd’hui, c’est en bonne voie pour la génération de nos enfants, d’autant que beaucoup d’hommes semblent prêts à changer les choses…
Pour aller plus loin :Lire la BD en entierL'interview originale
L'interview en entier, dans le magazine de Solidaris
L'étude FPS consacrée à la charge mentale
Un entretien publié dans le Solidaris magazine et partagé sur ce site avec l’aimable autorisation de son autrice.