Culture
Les femmes dans l’art
Femmes architectes, quelques idées reçues sexistes qui ont la peau dure
par Fanny Colard publié le 6 juin 2018
La première femme architecte belge a été diplômée en 1930. Depuis, les statistiques attestent une féminisation constante et progressive de la profession. Actuellement, en Belgique, 34,72% des architectes sont des femmes. Cela reste peu, mais ce chiffre a augmenté de plus de 2,5% en un peu plus d’un an (32,02% en 2016). Pourtant, voilà bien longtemps maintenant que la majorité des étudiantes en architecture sont des femmes. Comment expliquer alors qu’elles ne soient pas plus nombreuses à exercer leur profession ?
Le statut d’indépendant-e, un obstacle ?
La difficulté inhérente au statut d’indépendant-e pourrait être une piste expliquant le peu de femmes architectes. Trouver un équilibre vie professionnelle/vie privée est difficile pour chacun-e mais peut l’être d’autant plus pour les indépendante-s. Prendre des congés de maternité, de paternité, d’allaitement ou parentaux s’avèrent des choix lourds de conséquences au niveau financier. Beaucoup de femmes indépendantes décident de travailler en binôme ou en groupe plutôt que seules. On observe donc que les femmes architectes sont plus nombreuses à se diriger vers des postes de salarié-e-s ou de fonctionnaires, pour plus de flexibilité. Elles sont, par exemple, de plus en plus nombreuses à enseigner l’architecture.
Pour aller plus loin :Constats de la ligue des familles sur la conciliation vie privée/vie professionnelles des indépendant-e-sDes hauts-talons sur un chantier ?
« Comment envisager qu’une femme exerce un métier en lien direct avec les chantiers et les artisans ? »Une autre piste serait la persistance d’idées reçues sexistes en lien avec la profession, présentes dans l’imaginaire collectif et perpétuées au quotidien, par le milieu, mais également inconsciemment par les femmes elles-mêmes. « Comment envisager qu’une femme exerce un métier en lien direct avec les chantiers et les artisans ? » « Vous l’imaginez essayer de monter sur un échafaudage en jupe et en haut talons ? » « Puis, de toute façon, les femmes ont une moins bonne perception de l’espace et des distances. » De manière générale, le sexisme ambiant au sein de la profession s’illustre fortement sur les chantiers. Les femmes y sont plus couramment désignées par leur prénom, contrairement aux hommes qui sont nommés « messieurs », les femmes sont plus vite considérées comme « hystériques » lorsqu’elles défendent leur client, là où un homme serait perçu comme « ferme », etc.
De toute façon, les maths c’est pour les hommes !
Les idées reçues bien ancrées dans notre société font qu’il est encore difficile d’envisager qu’une femme puisse exercer un métier aussi technique que celui d’architecte.Au niveau de leur style vestimentaire, en réalité, comme dans la majorité des métiers considérés comme « masculins », on constate que les femmes architectes ont tendance à « masculiniser » leur apparence. Dans un contexte majoritairement masculin, les recours à ce que l’on qualifie parfois d’« artifices féminins » sont très rapidement interprétés comme des atouts de séduction. Les idées reçues bien ancrées dans notre société font qu’il est encore difficile d’envisager qu’une femme puisse exercer un métier aussi technique que celui d’architecte. Leur formation se base sur des compétences en sciences dures, particulièrement en mathématiques, et de connaissances nécessaires aux métiers de la construction. Or, il s’agit bien entendu d’un cliché que de considérer que les hommes seraient plus aptes à ce type de compétences.

Architecte… tu veux dire architecte d’intérieur ?
"Notre société nous conditionne à associer instinctivement les femmes à un talent pour la décoration, de par leur « sensibilité accrue »."Les « caractéristiques » communément considérées comme féminines ont des impacts sur la perception du travail des femmes architectes. Par exemple, lorsqu’une femme explique qu’elle est architecte, bien souvent la question qui suit est « architecte d’intérieur ?» En effet, notre société nous conditionne à associer instinctivement les femmes à un talent pour la décoration, de par leur « sensibilité accrue ». Et il parait tellement logique d’associer les femmes avec les espaces intérieurs, privés : laissons aux hommes l’élaboration de bâtiments et buildings imposants. On observe donc qu’au niveau architectural aussi, il est temps de donner aux femmes leur place dans l’espace public et de ne pas les reléguer sans cesse à l’intérieur…