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Femmes sans-abris, enjeux et réalité

par Julie Gillet publié le 25 janvier 2018 ©Davidson Luna on Unsplash

Documentaires poignants par-ci, chiffres-chocs par-là : voilà plusieurs années que les médias relatent une augmentation du nombre de femmes sans-abri dans nos villes. Les discours publics appellent quant à eux régulièrement à la mise en place de mesures spécifiques, tandis que les actions citoyennes, telles les collectes de produits d’hygiène menstruelle, se multiplient. Afin de mieux comprendre les réalités et les enjeux de cette problématique, nous avons rencontré Christine Vanhessen, directrice de l’AMA, la Fédération des maisons d’accueil et des services d’aide aux sans-abris.

Madame Vanhessen, pouvez-vous nous dresser un état des lieux de la situation en Belgique?

"Les discours n'abordent que la question des femmes en rue, et dans les structures d'urgences, alors que la situation devrait être analysée dans l'ensemble."

C’est bien là la première grande difficulté : on ne peut pas quantifier le nombre de personnes en situation de sans-abrisme ou de mal-logement aujourd’hui en Belgique. Il n’y a pas de recensement officiel. On dispose de certains chiffres, comme ceux des centres d’hébergement par exemple, où il est facile de compter hommes, femmes et enfants qui passent la nuit. Et puis, certaines actions menées par des associations comme La Strada permettent d’évaluer le nombre de personnes sans-abri dans les rues. Mais cela reste des évaluations.  Difficile de savoir ce qui se passe dans les logements précaires, dans les squats, de faire un état des lieux général. La définition même de « sans-abri» est assez compliquée. Certaines personnes ont un « abri », mais non un « logement », encore moins un logement « permanent » ou « adéquat ».

Est-ce que l’on constate néanmoins une augmentation des femmes sans-abri?

Certains estiment qu’elles sont plus nombreuses qu’avant. Mais cela s’explique principalement par une augmentation globale du nombre de personnes sans-abri ou mal-logées. Oui, il y a plus de femmes sans-abri aujourd’hui, mais leur proportion ne semble pas plus importante qu’avant. Aussi, souvent, les discours n’abordent que la question des femmes en rue et dans les structures d’urgence, alors que la situation devrait être analysée dans son ensemble, en prenant en compte les femmes qui logent chez des tiers, celles hébergées en maisons d’accueil à moyen et court terme, etc.

Est-ce que les femmes sans-abri ont un profil, un parcours différent de celui des hommes?

"Les femmes sont souvent accompagnées de leur famille : chaque année, près de 3000 enfants séjournent en maison d’accueil."

Chaque personne a son propre parcours, son propre vécu, forcément différent. Mais les parcours des femmes sans-abri présentent néanmoins certaines similitudes. Ainsi, on constate qu’une femme sur deux hébergée en maison d’accueil a été victime de violence intrafamiliale. C’est une problématique très importante dans notre secteur. Et puis, les femmes sont souvent accompagnées de leur famille : chaque année, près de 3000 enfants séjournent en maison d’accueil. Enfin, il y a la question de la migration qui se pose de manière particulièrement prégnante ces dernières années. En Belgique, 30 à 40 % des demandes d’asile sont introduites par des femmes. Or les femmes sans papiers sont particulièrement vulnérables.

©Johann Walter Bantz on unsplash

Les femmes sans-abri ou mal-logées ont-elles des besoins spécifiques?

Oui, nous l’avons vu. Parce qu’elles sont accompagnées de leurs enfants, ou parce qu’elles ont été victimes de violences, elles ont besoin d’un accompagnement particulier. C’est pourquoi nous mettons en place des solutions d’accueil et de soutien spécifiques. Par exemple, en matière de soutien à la parentalité. Nous accompagnons les familles précarisées, dans une dynamique de réinsertion et d’autonomisation. Notre objectif à long terme est de permettre à ces femmes d’acquérir suffisamment de ressources pour pouvoir faire face aux aléas de la vie sans notre aide.

Quelles sont les solutions aujourd’hui pour lutter contre le sans-abrisme?

En dix ans, on est passé de 25 % de personnes qui vivent sous le seuil de pauvreté à plus de 33 %. La solution, elle est là : lutter contre la pauvreté, en amont. Renforcer l’accès à un logement décent pour toutes et tous. Nos services pour les sans-abris, ce sont des sparadraps. Si la plaie n’a pas été soignée, le sparadrap ne sert pas à grand-chose. La blessure est toujours là. Aujourd’hui, la société doit mettre en place des mesures de prévention, accompagner les plus fragiles beaucoup plus tôt.

Tags : logement - précarité - discrimination - réfugié