Culture
FILM – Woman at war, pépite aux accents féministes et écologistes
par Mathilde Largepret publié le 9 janvier 2019
Saga islandaise aux accents écologistes et féministes, le film Woman at war dresse le portrait d’une Amazone des temps modernes. Au milieu des étendues verdoyantes de l’île, la première scène nous plonge dans le récit d’Halla (jouée par Halldora Geirhardsdottir) qui, munie de son arc et de ses flèches, procède à un sabotage minutieusement préparé d’une usine d’aluminium. Cheffe de chorale le jour et activiste climatique la nuit, cette quinquagénaire nous emmène dans son combat solitaire contre les industries étrangères qui exploitent les ressources énergétiques du pays.
La cible ? L’entreprise Rio Tinto, qui grâce à l’énergie hydroélectrique bon marché produite sur place, fabrique de l’aluminium à exporter. Dans cette fiction, il est question de nouveaux contrats entre l’Islande et des investisseur-ses chinois-es. Même si rien n’indique que le scénario s’inspire de faits réels, les désastres environnementaux dus à la présence croissante de ce type d’industries sur le sol islandais ne sont plus à prouver. Pour qu’elles puissent fonctionner, on construit d’importants barrages qui assèchent des lacs, favorisent l’érosion et provoquent des tremblements de terre. Et pour qu’elles arrivent à constituer 40% des exportations du pays, on surexploite la capacité d’extraction géothermique des terres sans que le stock ait le temps de se renouveler. Les paysages majestueux se retrouvent défigurés par ces sites industriels, la faune qui y vit s’appauvrit, et les populations s’en voient impactées socialement. Mais qu’à cela ne tienne, Rio Tinto a une conscience écologique ! Son site internet nous le confirme : en Islande, « l’usine réutilise l’eau de ses circuits de refroidissement pour alimenter un terrain de golf à proximité de l’usine ». Un terrain de golf.
Actuellement, 80% de l’énergie produite est vendue à de multiples fabricant-es d’aluminium, ce qui a causé l’augmentation de 25% des gaz à effets de serre de l’île et donne aux Islandais-es une des plus grandes empreintes carbone au monde. Aujourd’hui, le gouvernement n’oserait plus affirmer que « l’Islande est le meilleur petit secret de l’industrie aluminium mondiale » comme l’a fait son ministère de l’industrie il y a quelques années. Pourtant, il continue de passer des accords avec de grandes puissances économiques qui vont en ce sens.
Face à cela, des voix s’élèvent. Halla, informée du double discours que tiennent les ministres sur la question, et sachant qu’une attitude passive n’empêchera pas le contrat d’être signé, décide de passer à l’action. Son énergie, tantôt joyeuse, tantôt furieuse, la pousse à agir selon sa conscience, quitte à désobéir à la loi. Même si le côté engagé de ce film peut laisser les plus militant-es d’entre nous sur leur faim, le réalisateur Benedikt Erlingsson, à de nombreuses reprises, fait subtilement passer son message politique. Dans cette scène particulièrement prenante, on découvre l’entièreté de la déclaration de l’héroïne et toutes ses revendications. On notera au passage que lorsque qu’un ministre coupe la parole à son homologue féminine pour lire ledit manifeste (#manterrupting), celle-ci l’interrompt à son tour et reprend où elle en était. Tout simplement.
Un peu plus tard, on se rend compte de la récupération politique de ces « attentats » qui seraient commis par de dangereux-ses extrémistes. On rit face à la démesure du dispositif sécuritaire mis en place pour résoudre l’affaire, qui frise l’absurde paranoïa. L’espace d’un instant, on se demande si on n’a pas déjà vécu cette scène… Plus loin encore, on entend les discours des médias et de l’entourage d’Halla qui critiquent ouvertement ces sabotages. Sans imaginer une seconde que celle qui est derrière tout ça n’agit pas dans son propre intérêt mais plutôt pour une cause qui les concerne tou-tes. En découvrant les petits tracas quotidiens de cette activiste, sa personnalité rayonnante et ses occupations de la vie de tous les jours, le film déconstruit l’image qui colle à la peau, parfois et par erreur, des adeptes d’action directe.

Et en ce qui concerne nos attentes féministes, on peut dire que ce film ne déçoit pas. Et ça, ça mérite d’être souligné ! Ce long métrage passe le test Bechdel les yeux fermés, avec une belle représentativité de femmes ministres, scientifiques, journalistes, policières… L’héroïne, experte de la disqueuse, des traques en mode survie lorsqu’elle est recherchée par la police, ou encore du tir à l’arc sur drone, inspire. Alors que d’autres scénarii auraient fait de la vie de cette quinqua célibataire (ou de cet agriculteur solitaire qu’on découvre à plusieurs reprises) un amas de clichés sexistes, rien de tout cela ici. Etrange sensation de légèreté quand, à la sortie du cinéma, on n’a pas à débriefer des scènes machistes…
Enfin, enrobé de détails – comme la bande originale jouée en live tout au long de l’histoire, mais on n’en dira pas plus ! – qui font de ce film une pépite drôle, forte et légère à la fois, Woman at war donne une bonne dose d’empowerment féministe et activiste comme on en veut plus souvent !