Société
Mutilations personnes intersexesIntersexuation – Ah bon, il n’y a pas que deux sexes ?
par Eva Cottin publié le 25 février 2020
Si le genre, c’est social, le sexe, c’est bien une réalité biologique, non ? avancent la plupart des gens. On voit bien que l’on naît avec un vagin et une vulve ou un pénis et des testicules. Pas très compliqué de déterminer qui est « biologiquement fille » et « biologiquement garçon », et ce souvent même des mois avant la naissance. La nature l’a prévu ainsi. Euh… vraiment ?
Quand ce n’est pas binaire
On estime qu’au moins 2% des individus seraient intersexués. Seule une partie de ces 2% posera question au corps médical à la naissance, en raison d’organes génitaux externes ne se présentant pas comme clairement « féminins » ou « masculins ». Certaines personnes ne découvriront que plus tard, à la puberté, ou lors d’essais infructueux de procréation, leur intersexuation. Alors que signifie le « sexe biologique » ? Il n’existe aucune définition claire (eh non, dans les dictionnaires non plus !). Le « sexe » d’un individu est un ensemble de caractéristiques primaires (les organes génitaux et reproducteurs) et secondaires (expression de l’influence des hormones à la puberté : pilosité, masse musculaire et graisseuse, squelette, développement de la poitrine, etc.), visibles extérieurement ou non (organes internes mais aussi chromosomes et taux d’hormones), présents dès la naissance ou se développant à la puberté.
Le « sexe » d’un bébé est déterminé sur seule base de l’aspect de ses organes génitaux externes, ce qui parfois n’est pas représentatif du tableau d’ensemble des caractéristiques sexuelles (et identifier les chromosomes ne permettrait pas non plus à tous les coups une identification binaire !)Or le « sexe » d’un bébé est déterminé sur seule base de l’aspect de ses organes génitaux externes, ce qui parfois n’est pas représentatif du tableau d’ensemble des caractéristiques sexuelles (et identifier les chromosomes ne permettrait pas non plus à tous les coups une identification binaire !). Certain∙e∙s scientifiques comme Anne Fausto-Sterling rejettent ainsi une vision binaire des sexes, et dénombrent plutôt plusieurs sexes (ou une infinité de variations !) naturellement présents comme part de la variété humaine.
Biologie et stéréotypes de genre
Ce que l’on peut remarquer, c’est que même ce qui est présenté comme une évidence n’est en réalité pas clairement définissable et ne fait pas consensus dans la communauté scientifique. La nature est moins binaire que nos catégories de genre ! En fait, la manière dont on délimite ce qui appartient au sexe masculin et ce qui appartient au sexe féminin est largement influencée par les stéréotypes de genre. S’agit-il d’un micro-pénis ou d’un très grand clitoris ? Un vagin doit-il être suffisamment profond pour être pénétré par un pénis de taille moyenne ? Quelle pilosité est « normale » pour une femme ? Les hommes qui ont de la poitrine sont-ils moins hommes ? Est-on une femme si l’on est stérile ? Ou si l’on n’a pas (ou plus) d’utérus ? Sont-ce les chromosomes ou l’apparence corporelle qui déterminent le sexe ? Pourquoi a-t-on besoin de savoir dès l’année zéro le « sexe » de l’enfant, puisque la question de son rôle procréatif ne se posera pas avant la puberté ?
La nature est moins binaire que nos catégories de genre !Dans d’autres cultures, l’acceptation de personnes intersexuées ne pose pas autant problème ; tout comme il y a des cultures où il existe plus de deux genres socialement définis. Preuve que toutes ces histoires de sexe et de genre ne sont pas des vérités intemporelles gravées dans le marbre.
Assignation forcée
Malheureusement, la législation d’un grand nombre de pays obligeant à cocher une case F ou M à la naissance d’un bébé, de nombreux enfants intersexués subissent une assignation forcée à un genre auquel on essaye de faire correspondre le corps. Cela peut mener à des opérations génitales, des traitements hormonaux durables, des interventions chirurgicales répétées, et tout cela évidemment sans le consentement de l’enfant mais aussi parfois sans la juste information à destination des parents. Ces pratiques, courantes alors que superflues médicalement, ont été maintes fois dénoncées par les personnes intersexes comme des maltraitances et une négation de leurs droits fondamentaux.

De plus en plus de personnes qui se revendiquent intersexes se font entendre, en Belgique comme à l’internationale, pour raconter leurs histoires, faire prendre conscience des répercussions graves de la classification forcée et rigide des êtres humains en deux genres/sexes binaires. Entre conséquences sur la santé physique, mentale (perte d’estime de soi, dépression, tentatives de suicide) et la vie sociale et affective, les trajectoires de vies des personnes intersexuées maltraitées peuvent être sombres. Il est temps que la société ouvre les yeux sur ces situations loin d’être rares, et que l’Etat légifère sur ces questions.
Enfin, précisons que pour les personnes intersexes comme pour les personnes dites dyadiques (autrement dit qui rentrent « dans les standards mâles ou femelles, c’est à dire non-intersexe »), sexe assigné et identité de genre sont deux choses différentes : les personnes intersexes peuvent ainsi s’identifier comme femme, homme, non-binaire, etc., quel que soit le corps dans lequel elles sont nées.
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