Société
L’emploi, un choix?
par Françoise Claude publié le 17 mars 2017
On diminue l’indemnisation des chômeuses-eurs, on les désigne comme fraudeurs, on exige d’eux de constituer des dossiers kafkaïens et culpabilisants, pour un peu on les rendrait responsables de la crise, du trou de la Sécurité sociale, de tous les dysfonctionnements de notre société ultra-libérale. De plus en plus, le même état d’esprit vise les (pré-)pension-né-e-s, les travailleuses-eurs à temps partiel, les bénéficiaires du RIS (revenu d’intégration sociale, délivré par les CPAS).
Certaines victimes du manque d’emplois subissent en plus des discriminations, en principe interdites par la loi, mais encore bien présentes, et même fréquentes.Tout le monde sait bien, pourtant, que les offres d’emploi sont bien moins nombreuses que les demandeurs, et que cette pénurie touche toute-s les chômeuses-eurs. Mais ce n’est pas seulement cela qui rend impossible à certain-e-s de trouver ou de garder leur emploi. Certaines victimes du manque d’emplois subissent en plus des discriminations, en principe interdites par la loi, mais encore bien présentes, et même fréquentes. Elles peuvent émaner soit des employeurs (ou parfois des collègues), soit des pouvoirs publics eux-mêmes, comme dans le cas du statut de chômeuse-eur cohabitant-e, qui octroie des allocations différentes selon le mode de vie privée des personnes.
LES DISCRIMINATIONS SONT MULTIPLES ET PEUVENT PRENDRE DIFFÉRENTS VISAGES
- Caroline reçoit son préavis après avoir annoncé sa grossesse. Bien que ce soit
illégal, plusieurs études dans différents pays européens démontrent que 6 à 10% des femmes enceintes ont été licenciées pour cette raison. D’autres discriminations touchant les femmes enceintes sont plus nombreuses encore : retrait d’une promotion précédemment prévue, harcèlement destiné à pousser la travailleuse à démissionner, changement dans les tâches et les horaires… - Chantal a un diplôme d’ingénieure obtenu au Sénégal.Elle ne peut pas exercer son métier. Car sans équivalence de diplôme, et alors que ses compétences lui permettraient de travailler dans de nombreux emplois techniques, elle est femme et noire.
- Valérie travaille à temps partiel dans la grande distribution. Le temps partiel permet une flexibilité plus grande qui arrange son employeur. Certains emplois de ce type (vendeuse, caissière, technicienne de surface…), exercés très majoritairement par des femmes, ne sont plus offerts à temps plein. Et le salaire suit…
- Bernard a 56 ans. L’usine où il travaillait a fermé. Il ne trouve pas de nouvel emploi, on lui donne toujours la même réponse : trop âgé.
- Irma travaille depuis deux mois dans les titres-services. Les contrats de travail titres-services n’apportent pas les mêmes droits que les autres. Irma subit une grande précarité, a des horaires variables et parfois très faibles (moins d’1/3 temps).
- Hélène se déplace en fauteuil. Sur base de son CV, un employeur se dit prêt à l’engager, mais quand il la rencontre, il lui dit qu’il ne le peut pas car ses locaux ne sont pas adaptés.
- Ahmed est au chômage depuis plus d’un an, malgré son diplôme d’électricien. Il n’ose pas mettre sa photo sur les CV qu’il envoie. Il sait que son visage est « trop arabe ». Il a déjà envisagé de franciser son nom, car lui aussi révèle ses origines supposées.
- Mélanie doit prendre un congé parental, car il n’y a pas de place d’accueil pour son bébé. Comme elle gagne moins que son conjoint, et comme celui-ci n’envisage pas de quitter son emploi, c’est elle qui voit donc diminuer (encore) son revenu et ses chances de promotion.
- Julie vit avec une autre femme. Elle n’a jamais osé le dire à son travail, par peur des conséquences, mais un collègue le découvre par hasard. On lui avait promis une promotion, qui lui est maintenant refusée, et de plus elle subit en permanence blagues et sous-entendus lourdauds de la part de ses collègues et de sa hiérarchie.
- Isabelle doit abandonner son emploi car son père, devenu impotent, a besoin d’une présence permanente. Elle a bien deux frères, mais aucun ne lui propose de partager cette charge. Alors qu’elle était autonome financièrement, elle tombe maintenant sous la dépendance de son mari.
Et cette liste n’est pas exhaustive...
« Les discriminations dans l’emploi ont un réel impact sur les travailleuses-eurs et sèment de véritables obstacles sur leur chemin vers l’emploi. D’autant plus que certain-e-s cumulent les causes d’exclusion (femme, étrangère, enceinte…) »On le voit, les discriminations dans l’emploi ont un réel impact sur les travailleuses-eurs et sèment de véritables obstacles sur leur chemin vers l’emploi. D’autant plus que certain-e-s cumulent les causes d’exclusion (femme, étrangère, enceinte…). D’autant plus, aussi, que les pouvoirs publics n’assument pas suffi samment leurs responsabilités en matière de services : crèches, centres de jour pour personnes handicapées, soins et services à domicile, hébergement des personnes dépendantes etc. Ces services collectifs sont pourtant essentiels, car en plus de leur haute valeur sociale, ils représentent un véritable gisement d’emplois, directs ou indirects : l’emploi qu’ils créeraient s’ajouterait au maintien dans l’emploi des nombreuses femmes (majoritairement), qui aujourd’hui se voient contraintes de réduire leur temps de travail ou même de se retirer du marché de l’emploi pour assurer la bonne marche de leur famille et le bien-être de leurs proches.