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Article mis à jour le 16 mai 2018

Les mutilations génitales féminines

par Keisha Strano | Amandine Michez publié le 16 mai 2018

Cet article s’inspire de l’analyse « Les mutilations génitales féminines ? » réalisée par Amandine Michez en 2017 à consulter ici.

Alors que l’assemblée plénière des Nations unies s’est prononcée solennellement pour l’éradication des mutilations génitales féminines en décembre 2012, la lutte contre cette forme de discrimination sexuelle est encore loin d’être généralisée et le nombre de filles et de femmes concernées ne cesse d’augmenter.

En 2016, l’Unicef estimait qu’au moins 200 millions de femmes et de filles étaient mutilées dans le monde. Elles résident principalement sur le continent africain, 27 pays formant une large bande centrale de l’ouest à l’est du continent, dans quelques régions du Proche-Orient et de l’Asie du Sud-Est, mais aussi dans les pays du Nord d’immigration africaine, notamment en Europe, en Amérique du Nord et en Australie.

©Blog Combatsdroitshomme (A consulter sur le site)

Comprendre le phénomène

"La provenance exacte de ces pratiques est inconnue mais elles sont profondément ancrées dans les traditions de nombreux groupes où elles sont associées à la chasteté, la pureté ou l’intégrité, et constituent un rite de passage à l’âge adulte".

L’OMS (Organisation mondiale de la Santé) définit les mutilations génitales féminines (MGF) comme « toute intervention aboutissant à une ablation partielle ou totale des organes génitaux externes de la femme et/ou toute autre lésion des organes génitaux féminins pratiquée à des fins non thérapeutiques ». La provenance exacte de ces pratiques est inconnue mais elles sont profondément ancrées dans les traditions de nombreux groupes où elles sont associées à la chasteté, la pureté ou l’intégrité, et constituent un rite de passage à l’âge adulte. Les opérations sont habituellement organisées par des femmes plus âgées dites exciseuses traditionnelles, par souci d’honneur, de fierté voire d’obligation sociale. Les victimes elles sont le plus souvent des filles âgées de 4 à 12 ans ; cette pratique constitue donc une violation des droits des enfants. Cela dit, une fois l’excision passée, pas de garantie de ne plus subir à nouveau à cette torture. En effet, il est tout à fait possible qu’une femme soit excisée plusieurs fois à différents degrés et à tout âge. Il est important de souligner le caractère destructeur des MGF, tant au niveau psychologique que physique. La violence de l’opération est vécue comme un traumatisme par les femmes qui s’y soumettent/y sont contraintes.

De plus, ces pratiques n’ont aucun bénéfice connu pour la santé. En revanche, les complications sont nombreuses, parmi les plus récurrentes figurent : infections urinaires, règles douloureuses, douleurs chroniques, hémorragies lors d’opérations, diminution du plaisir sexuel et problèmes durant l’accouchement.

Pour aller plus loin :Témoignage d'une double excision"Les MGF touchent à des enjeux de discriminations, de droits humains et de droits à la santé. Elles soulèvent également des questions de santé publique en termes de prévention des risques pour les petites filles et de santé sexuelle/reproductive pour les femmes ayant subi ce type de violence".

Bien que concentrées dans certaines régions du monde, il serait imprudent et erroné de cantonner ces pratiques à l’Afrique, l’Asie ou l’Amérique du Sud. En effet, ces dernières années, des cas de MGF ont été constatés en occident, aux Etats-Unis et en Europe notamment. Sur notre continent on dénombre 180.000 femmes à risque (4.000 en Belgique) et 13.000 femmes excisées se trouveraient sur le territoire belge. Les MGF touchent à des enjeux de discriminations, de droits humains et de droits à la santé. Elles soulèvent également des questions de santé publique en termes de prévention des risques pour les petites filles et de santé sexuelle/reproductive pour les femmes ayant subi ce type de violence. Ainsi, la législation belge interdit et condamne l’auteur-e de tels faits, à condition qu’il-elle se trouve sur son territoire. Il y a également intervention lorsque qu’une personne résidant en Belgique est emmenée dans son pays d’origine pour subir une excision (par ses parents le plus souvent). Ainsi, le Code Pénal prévoit un emprisonnement de 3 à 5 ans pour « quiconque aura pratiqué, facilité ou favorisé toute forme de mutilation des organises génitaux d’une personne de sexe féminin, ou tenté de le faire, avec ou sans consentement de celle-ci ».

De plus, depuis 2014, loi punit également les personnes ayant incité à la pratique des MGF ou en ayant fait la publicité (de 8 jours à 1 an). Le délai de prescription peut aller jusqu’à 10 ans en cas de circonstances aggravantes, telle que la minorité de la victime. Hélas, peu de plaintes sont enregistrées et encore moins de condamnations recensées.  C’est entre autre pour cela que la lutte contre cette violence de genre doit perdurer, l’information sur ces pratiques doit circuler et la sensibilisation des publics demeure primordiale.

Une lutte de tous les instants

Sur notre territoire, plusieurs associations œuvres activement pour réprimer ces actes de barbarie. Fondé en 1996 par Khadidiatou Diallo, le GAMS (Groupe pour l’Abolition de Mutilations Sexuelles) aujourd’hui présent à Anvers, Liège, Namur et dans la capitale, vise un abandon des MGF en Belgique et dans le reste du monde à travers l’éducation et la sensibilisation des personnes à risque. Il s’agit aussi de réduire les conséquences psychologiques, sociales et sanitaires des MGF via une prise en charge globale des filles et femmes ayant été victimes. Cette prise en charge va du suivi psychologique à la chirurgie réparatrice si voulue/nécessaire. Elle est complètement remboursée par l’INAMI.

INTACT quant à elle est une association bilingue qui fournit une aide juridique sur les MGF, les mariages forcés et les violences liées à l’honneur et mène également des actions de sensibilisation et de plaidoyer en collaboration avec des partenaires nationaux et internationaux. D’une part, le groupe s’adresse aux professionnel-le-s en relation avec les personnes concernées, par le biais de conseils, d’activités et de la diffusion d’outils destinés à renforcer leurs compétences pour prévenir les MGF en Belgique et protéger adéquatement les filles et les femmes. D’autre part, elle tend la main aux femmes/filles et leur entourage nécessitant un soutien juridique dans leurs démarches liées à l’asile et à la protection en Belgique des filles et femmes exposées ou victimes d’une MGF ou d’autres violences de genre.

À Liège, 3e ville belge la plus concernée par le problème des MGF, le Centre de Planning familial s’occupe de l’accueil des victimes et propose une aide pluridisciplinaire, qui va de la rencontre aux soins spécifiques. De par son expérience en santé sexuelle/reproductive, le CPF FPS met en place une permanence d’accueil psychosocial sans rendez-vous, des consultations gynécologiques, un soutien et un accompagnement psychologique gratuit (individuel ou de couple), des consultations sociales gratuites et des consultations juridiques gratuites. Coté prévention, des animations de sensibilisation contre l’excision sont organisées pour les écoles, les publics à risque et les professionnels confrontés au problème. Enfin, dans cette ville, un service d’accueil des FPS est présent au CHR  de la Citadelle afin d’aller à la rencontre des jeunes parents, tant pour ouvrir un dialogue sur les MGF que pour répondre aux besoins des mamans victimes de celles-ci.

Des femmes pour ouvrir la voix

Waris Dirie, mannequin internationale, a été excisée à 5 ans en Somalie. Lors d’une entrevue pour le magazine Marie Claire dans les années 1990 elle a livré un témoignage bouleversant sur l’excision. Elle est l’une des première femme à avoir parlé publiquement des MGF.

« J’ai regardé entre mes jambes et j’ai vu une femme se préparer. Elle ressemblait n’importe quelle vieille Somalienne; elle portait un foulard coloré autour de la tête, une robe de coton de couleur vive, mais elle ne souriait pas. Elle m’a fixée durement avant de plonger la main dans un vieux sac en toile. Je ne l’a quittais pas des yeux par ce que je voulais savoir avec quoi elle allait me couper. Je m’attendais à un grand couteau mais elle a sorti un minuscule paquet enveloppé dans une étoffe de coton. Avec ses longs doigts, elle y a pêché une lame de rasoir cassée et en a examiné chaque côté. Le soleil était maintenant assez haut et il y avait suffisamment de lumière pour voir les couleurs, mais pas les détails. Pourtant j’ai vu du sang séché sur les bords déchiquetés de la lame. Elle a craché dessus et l’a essuyée sur sa robe. C’est alors que tout est devenu noir, car Maman m’avait mis un bandeau sur les yeux. Ensuite j’ai senti qu’on coupait ma chair, mes organes génitaux. J’entendais le bruit de la lame aller et venir. Sincèrement, lorsque j’y repense, j’ai vraiment du mal à croire que cela m’est arrivé. J’ai l’impression de parler de quelqu’un d’autre. Il m’est tout à fait impossible d’expliquer ce que je ressentais. »

En 2009, le biopic de Waris Dirie « Fleur du Désert » sort au cinéma. Ce long métrage raconte l’histoire de la mannequin et a pour but de sensibiliser le plus grand nombre sur la gravité de cette pratique qu’est l’excision. La mannequin devenue ambassadrice de bonne volonté de l’ONU dirige sa fondation « desert flower » qui se bat contre les mutilations sexuelles subies par les filles du monde entier.

Inna Modja, chanteuse franco-malienne est également engagée dans la lutte contre l’excision. Elle a été excisée à l’âge de 5 ans lors d’un séjour chez des proches, et à l’insu de ses parents qui étaient contre. La chanteuse affirme aujourd’hui revivre, et ce notamment grâce à une opération chirurgicale réparatrice qui lui permet à présent de se sentir en paix.

« J’ai longtemps porté cette blessure en silence, jusqu’à ce que je découvre, à 22 ans, qu’on pouvait se faire réparer. Je me suis fait opérer immédiatement, et depuis, je l’évoque sans problème pour que les jeunes filles concernées sachent que c’est possible, qu’elles ont le droit de le faire »

Elle est aujourd’hui marraine de l’association Tostan qui œuvre pour le respect de la dignité de tous-te-s, par le renforcement des capacités des communautés en Afrique  pour un développement durable et une transformation sociale positive dans le respect des droits humains.

Madina Bocoum Daff a fait de la lutte contre l’excision, le combat de sa vie. Excisée dans son enfance, elle n’a pu empêcher l’excision de deux de ses filles. Agée de 60 ans, elle est la coordinatrice du projet de lutte contre l’excision pour Plan International au Mali. Aidée par l’association, elle sillonne plusieurs pays d’Afrique et fait passer son message à l’aide de causeries éducatives et d’assemblées générales où petit-e-s et grand-e-s sont invité-e-s à participer. À ce jour, ces initiatives ont abouti aux promesses d’abandon de l’excision dans 74 villages!

L’importance d’une implication masculine

"Les hommes détiennent une part pouvoir non négligeable et ont par conséquent un rôle important à jouer dans la lutte".

Les GMF, bien que majoritairement pratiquées par des femmes de l’entourage de la victime s’inscrivent dans la tradition d’une société patriarcale. En effet, il est encore une fois question de main mise et de contrôle de la sexualité et plus globalement du corps féminin. Conjointement avec le GAMS Belgique, la fondation néerlandaise HIMILO et FORWARD UK, l’Institut de Médecine tropicale (IMT) d’Anvers a mené une étude, basée sur diverses méthodes, pour comprendre l’implication des hommes en matière de MGF en Belgique, aux Pays-Bas et au Royaume-Uni. Le rapport indique que les hommes sont rarement impliqués dans les actes de MGF, mais l’existence de ces pratiques reste cependant aidée par les comportements de certains individus : refuser d’épouser une femme non excisée, céder à la pression de la société pour y soumettre une fille/femme, laisser faire sous prétexte qu’il s’agit d’histoire de femmes… Les hommes détiennent une part pouvoir non négligeable et ont par conséquent un rôle important à jouer dans la lutte. C’est dans cette lignée que s’inscrit Men Speak Out. L’action principale de l’association est d’impliquer des hommes dans la prévention des MGF en Europe, mais également promouvoir une équité des genres dans le respect des droits humains pour éradiquer les violences faites aux femmes.

Même son de cloche en Afrique, où Ole Lelein Kanunga s’efforce de changer les mentalités de son pays : le Kenya. Ce guerrier maasai âgé de 30 ans a pris conscience de la gravité du problème après une participation à un séminaire sur la santé, qui l’a d’après ses dires « bouleversé » et aurait changé sa vie.

« Lorsque que j’ai entendu le témoignage d’une jeune fille qui avait frôlé la mort suite à des saignements intenses [dus à la mutilation] j’ai tout de suite pensé à ma fille. Et si ça avait été elle ? Je ne pouvais plus me résoudre à l’idée de lui infliger de telles souffrances. J’ai donc décidé de rompre avec cette tradition et de militer pour que ma communauté fasse de même ».

Une tâche loin d’être aisée étant donné le conservatisme dans lequel baignent ses congénères. Mais Ole Lelein ne démord pas et continue, dans le cadre de sa campagne, d’informer les jeunes hommes des dangers des mutilations génitales féminines.

Sa détermination et son travail sont porteurs de fruits. En effet, l’Amref (Association pour la médecine et la recherche en Afrique) qui travaille sur le continent sur des questions de santé, dont la lutte des MGF, agit désormais avec lui en le finançant et en le formant. L’idée est de collaborer avec un membre de la société, qui plus est un chef de tribu, pour véhiculer des messages importants, afin qu’ils aient plus d’impact auprès des personnes. Ole poursuit « Ces jeunes hommes sont en âge de se marier, il est donc crucial de les éduquer sur cette question. Comme c’est à eux que revient la décision d’opérer ou non leurs enfants, ils ont énormément de pouvoir dans cette lutte contre ces violences. La balle est clairement dans leur camp. »

© 28 Too Many (La campagne choc de 28 Too Many détourne des drapeaux européens pour faire passer un message fort )Pour aller plus loin :Relire l'analyse d'Amandine MICHEZ- "Les mutilations génitales féminines"
Pourquoi l'excision est-elle pratiquée?
Témoignage d'Inna Modja sur son excision
Agir avec le GAMS
Tags : santé - violence - lutte