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Les petitions en ligne ont-elles un réel impact ?

par Stéphanie Jassogne publié le 6 juin 2017 ©Shutterstock

Les réseaux sociaux, Facebook et Twitter en particulier, sont des moyens, pour le/la citoyen-ne ordinaire de diffuser des opinions. Depuis que les pétitions électroniques ont fait leur apparition dans nos vies en 2007, avec la création du site Avaaz, notamment, celles-ci sont devenues, aujourd’hui, avec les réseaux sociaux, une forme nouvelle et incontournable d’intervention dans l’espace public.

L’expression d’une opinion

« Le nombre élevé de pétitions en ligne diminue leur portée et leur valeur. Une sorte d’absence d’intensité, d’engagement derrière. On passe d’un sujet à un autre, sous le règne de l’émotion. Et la durée d’engagement est plus faible. Les pétitions en ligne ont entraîné une perte du lien militant, une atomisation de l’engagement. »

Vous aussi, il vous arrive d’être sollicité-e plusieurs fois par semaine pour signer une pétition électronique  ? Ce n’est pas étonnant, des centaines de pétitions sont mises en ligne chaque jour ! Depuis l’arrivée de ces dernières pétitions en ligne, le nombre de personnes ayant déjà signé aurait doublé. De ce fait, la pétition ne risque-t-elle pas de se banaliser ? Et l’effet escompté de diminuer ? Thierry Libaert , membre du comité économique et social européen, donne son avis sur le phénomène : « Le nombre élevé de pétitions en ligne diminue leur portée et leur valeur. Une sorte d’absence d’intensité, d’engagement derrière. On passe d’un sujet à un autre, sous le règne de l’émotion. Et la durée d’engagement est plus faible. Les pétitions en ligne ont entraîné une perte du lien militant, une atomisation de l’engagement. »

Il est impossible d’évaluer le rôle joué (ou non) par les signatures, mais rappelons que les pétitions n’ont aucune valeur juridique et qu’il y ait dix signataires ou vingt millions, cela ne change rien  ! Il existe néanmoins des dispositifs comme en Suisse où, lorsqu’un certain nombre de citoyens «  pétitionnent  » sur un sujet, cela entraîne l’organisation d’un référendum. En Europe, le traité de Lisbonne donne un droit d’initiative politique. Cette mesure prend effet lorsqu’il s’agit d’un rassemblement d’au moins un million de citoyens de l’UE issus d’au moins un quart des États membres.

Pour aller plus loin :L'initiative européenne citoyenne, une avancée démocratique dans l'UE
« Une sorte de banalisation de la pétition »

Un outil indispensable ?

« Une pétition fonctionne et atteint son but que lorsque le nombre de signatures récoltées est très important et qu’elle est accompagnée d’une importante mobilisation, aussi dans la rue ».

L’association française « Osez le féminisme » a déjà mis en ligne une vingtaine de pétitions. Pour Caroline De Haas, cofondatrice de l’association, cet outil sert, soit pour porter une revendication politique très précise, soit pour interpeler les pouvoirs publics sur un problème à résoudre rapidement. Ce type de pétitions touche plus de gens, car les plateformes de pétitions en ligne ciblent les personnes à atteindre et leur envoient directement un courrier électronique. En effet, si vous signez une pétition sur la thématique de la préservation de l’océan, un algorithme va déterminer que vous pourriez être intéressé par une pétition sur l’environnement et vous l’envoyer. Selon le journal français Libération, qui a analysé l’impact de ce type de méthode, une pétition fonctionne et atteint son but que lorsque le nombre de signatures récoltées est très important et qu’elle est accompagnée d’une importante mobilisation, aussi dans la rue.

©Laura Salaberry - Giphy« Une pétition toute seule ne sert à rien, mais cet outil souple et rapide permet d’établir un lien direct entre les citoyen-ne-s et les politiques ! »

Pour les initiatives citoyennes à petite échelle et qui ciblent une question précise, la mise à disposition d’un tel outil peut devenir une réelle aubaine. Notre collègue, Xénia Maszowez, a récemment lancé une pétition visant à mobiliser les navetteurs de la ligne Mons-Bruxelles sur la problématique des retards récurrents des trains. Cette récolte de 715 signatures et commentaires a été envoyée directement au ministre des Transports, monsieur Bellot, ainsi qu’à plusieurs parlementaires. Selon l’initiatrice de cette démarche, la pétition a été l’outil de départ d’une mobilisation citoyenne : « Une pétition toute seule ne sert à rien, mais cet outil souple et rapide permet d’établir un lien direct entre les citoyen-ne-s et les politiques. À la suite de l’envoi de ma pétition, j’ai reçu une réponse du ministre et depuis, les retards sur cette ligne sont moins fréquents ! »

Le marché de la mobilisation

Tantôt louée en tant que nouvelle forme d’action citoyenne, tantôt dénoncée comme la forme simpliste de l’engagement, cette mobilisation en ligne est, en tout cas, bel et bien devenue un marché lucratif. La plateforme Avaaz est une organisation non gouvernementale (ONG), financée par ses donateurs, mais dont le fonctionnement et le financement restent flous. Les autres grosses plateformes, comme Change.org ou MesOpinions.com, sont des entreprises commerciales qui offrent des services payants pour les organisations caritatives en quête de visibilité. Signer des pétitions en ligne c’est donc soutenir des causes, mais aussi des entreprises. Mais c’est surtout l’utilisation des données personnelles qui sont ainsi communiquées qui doit être surveillée. En tant que citoyen-ne-s, notre responsabilité est mise en jeu et il apparaît difficile de faire un choix dans cette abondance de demandes de signature. La question se pose également sur la provenance de la demande  : devons-nous signer ou pas les pétitions reçues et hébergées par telle ou telle organisation ? Et en tant que militant-e-s associatifs/tives, devons-nous confier nos pétitions à ces mêmes organisations ? Le débat est ouvert.

Pour aller plus loin :Dossier Causette sur le slacktivisme
L'activisme passif digital - Les Inrocks
Si, si, le slacktivisme peut avoir un réel impact - Slate
Pétitions 2.0 : mode d'emploi - Le monde
Les pétitions en ligne: une nouvelle pratique de la démocratie? - Médiapart