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Culture

Les femmes dans l’art

Article mis à jour le 12 septembre 2018

L’étrange disparition – Ou pourquoi les écoles d’art ne forment pas de femmes artistes.

par Lola d’Estienne d’Orves publié le 31 mai 2018 © Autumn Goodman - Unsplash

Il existe un étrange phénomène dans le milieu de l’art. Une disparition passée sous silence, et qui surprend une fois qu’on a mis des mots dessus. Elle se résume en une seule question : pouvez-vous citer le nom d’au moins trois grandes artistes contemporaines ? Difficile, et pourtant on connait tou-te-s des femmes qui étudient dans des filières artistiques.

À l’entrée du marché du travail, aussi dur soit-il pour tou-te-s les artistes de trouver sa place, les femmes tout particulièrement disparaissent. Une évaporation en douceur qui pourrait bien commencer son processus dès l’entrée en auditoire. Nous avons recueilli trois témoignages d’étudiantes en art, qui nous expliquent comment elles perçoivent le sexisme dans leurs disciplines, ainsi que les causes de ce dernier.

Se détacher de l’image de muse

“Il m’a dit que vu que j’étais jolie, j’allais sans doute réussir".

Quand on demande à Julia, étudiante en peinture à La Cambre, si elle a déjà rencontré du sexisme au cours de son parcours, la réponse est directe : « oui ». Suit une série d’anecdotes et d’explications, comme cette exposition à laquelle elle avait pris part et où un homme l’avait complimentée, non pas sur ses oeuvres, mais sur son physique : “Il m’a dit que vu que j’étais jolie, j’allais sans doute réussir. Personnellement, je n’ai pas vraiment envie d’être appréciée pour mon apparence physique, ou qu’on achète mes œuvres parce que j’ai une prestance féminine.”

Une attitude qu’elle rencontre aussi dans ses ateliers :  “Au sein de mon école, on a cette référence de l’homme artiste, philosophe, alors que la femme reste une sorte de muse, plutôt qu’une penseuse.” Une image qui se répercute jusque dans la relation entre professeur-e et élève. “Une femme ne doit pas avoir une démarche trop brute, pas trop folle et ne pas se prendre pour Pollock non plus. On ne peut pas s’énerver et lancer de la peinture partout”.

Pour aller plus loin :LES FEMMES AU MUSÉE : DES MUSES MAIS AUSSI DES ARTISTES -

Une incompréhension de la part de professeurs majoritairement masculins

"J’ai l’impression de toujours devoir me justifier, de faire comprendre que ce n’est pas parce que j’ai mis une robe à fleurs que je suis allée photographier des meufs en bikini dans des coquelicots".

Marie, elle, étudie la photographie depuis bientôt trois ans au 75. Une école spécialisée dans le documentaire et le reportage, qui a la particularité de n’avoir quasi que des hommes professeurs dans les ateliers pratiques. Un manque de parité qui résulte en une attitude biaisée vis-à-vis des jeunes femmes. Cela a aussi des conséquences dans le choix des sujets et la manière de les présenter. Marie explique : “J’ai l’impression de toujours devoir me justifier, de faire comprendre que ce n’est pas parce que j’ai mis une robe à fleurs que je suis allée photographier des meufs en bikini dans des coquelicots. Je vois aussi les autres filles de ma classe, quand elles présentent leur sujet, qui donnent l’impression de s’excuser d’être là. Il faut dire aussi que la majorité ne se voit pas photographe plus tard, en sortant des études.”

Quand le féminisme s’intègre dans l’art

"Je tombe souvent sur des gens qui disent que ça doit être drôle de me voir faire une performance, que je dois être toute nue et que donc ils ont envie de voir ce que je fais".

Face aux agressions quotidiennes subies, certaines décident d’en faire le fer de lance de leur démarche artistique. C’est le cas de Camille, qui étudie la performance à l’Académie Royale des Beaux-Arts de Bruxelles. Une discipline propre à sa vision : “Comme historiquement, c’est un milieu qui vient des luttes féministes ou de minorités exclues, je pense que ça crée un climat plus progressiste, où le sexisme vient du public et de la société, plus que du milieu en lui-même. Par exemple, je tombe souvent sur des gens qui disent que ça doit être drôle de me voir faire une performance, que je dois être toute nue et que donc ils ont envie de voir ce que je fais.”

©Camille Dejean (découvrir son travail)Pour aller plus loin :La performance au service du féminisme - IOgazette

Comment lutter contre le sexisme dans les études artistiques ?

Hélas, peu de solutions existent en Belgique pour sensibiliser à la cause des femmes artistes. Il y a bien quelques événements qui font exception, certes, comme la biennale Voix de Femmes qui a lieu chaque année à Liège et qui met en avant les créations de femmes artistes, le projet Art’mazone qui n’expose que des femmes artistes dans le but de les visibiliser et les soutenir, ou le festival Elles Tournent mais il n’existe pas d’organisation ou de lieu d’écoute spécifique pour les étudiantes qui auraient besoin d’un soutien.

Peut-être peut-on espérer que le changement viendra du milieu en lui-même, et qu’un jour on comprendra qu’être femme ne devrait pas limiter son champ artistique, et ce via une remise en question des milieux culturels.

Tags : sexisme - discrimination - art - stéréotypes