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Seins : on dévoile tout !

On vous laisse la parole ! – Partie 1

par Elise Voillot publié le 15 mars 2023

En décembre 2022, nous avons lancé un appel à témoignages pour que chaque personne concernée puisse s’exprimer à propos de ses seins. Vous avez été nombreuses·eux à répondre à notre appel. Voici quelques extraits de ces échanges [1].

© Mike Murray - Pexels

Inès

Je suis une femme de 22 ans, je me suis fait opérer la veille de mes 20 ans pour une réduction mammaire. La chirurgienne qui m’a opérée a « retiré » 400 gr dans le sein droit et 480 gr dans le sein gauche. Je faisais du F-G à l’époque pour une taille XS de buste, on va dire. Actuellement je ne porte plus vraiment de soutien, mais je fais du C, je pense, pour toujours le même XS. Ma poitrine me complexait énormément. Depuis mon opération, je revis autrement mon rapport à mes seins, mon corps, mes habits et le regard des autres. Ça a été un boost de confiance en moi et de réappropriation de mon corps, grâce à cela j’ai aussi appris à me détacher du regard de l’autre sur moi. J’ai d’ailleurs conseillé la démarche à plusieurs de mes amies qui se plaignaient aussi de leur forte poitrine. Une a décidé de se faire opérer, mais son problème était l’élasticité de ses seins donc elle a mis deux implants au lieu de retirer de la matière. Une autre amie craint cette opération à cause de la question de l’allaitement, quand et si elle aura un ou des enfants.

Leila

Je fais un bonnet E-F c’est contraignant. Au plus je grandissais, au plus mes seins grossissait et au plus je me sentais sale, comme un objet, vis-à-vis des gens.  C’est très difficile pour moi de m’habiller, je dois toujours prendre deux, trois tailles au-dessus. J’ai souvent l’air d’être un sac.

Beaucoup de personnes veulent des gros seins mais c’est un malaise permanent pour moi, ça n’a aucun avantage. Ça dévalorise l’image que j’ai de moi à cause des autres, j’ai l’impression d’être prisonnière de leur regard. Il y a aussi le regard des femmes qui est jugeant, au-delà de la lubricité des hommes.

Je suis triste de ne pas passer de journées à l’extérieur sans soutien-gorge. Aux yeux de la société c’est inacceptable parce que je ne rentre pas dans une norme, je suis harnachée, prisonnière du soutien-gorge.

Marion

Bon, on va pas se mentir, j’ai des gros seins. J’ai aucune idée de leur taille, car ça fait des années que je ne porte plus de soutien-gorge, mais je penche sur un bon D. Et surtout, ils subissent la gravité. On dit toujours que ne pas porter de soutien les fait remonter, ça n’a jamais été mon cas. En soi, ça me gène pas particulièrement, mais parfois c’est un peu gênant dans le métro quand je reçois des coups de coude dans les seins….

En 2017, j’ai voulu me faire un piercing à un téton. C’était un peu une volonté de rébellion après une rupture d’une relation hyper toxique où le gars menaçait de me quitter si je faisais des piercings, tattoos, etc. J’ai d’abord fait un seul téton, puis l’année d’après j’ai fait le second. J’adorais tout particulièrement les bijoux que j’avais posés, ça embellissait vraiment ma poitrine. Quand je me déshabillais devant des gens, j’avais l’impression que ça faisait une surprise très appréciée. En 2018 également, j’ai décidé de faire des tattoos sur mes seins. Pas les tétons ni aréoles, mais vraiment sur le contour. Deux petits cœurs élaborés. Franchement, ça a complètement changé mon regard sur mes seins. Qu’est-ce que j’aimais les regarder dans le miroir !

Malheureusement, j’ai dû subir plusieurs opérations en anesthésie générale cette année, donc j’ai dû enlever mes piercings. Je n’ai malheureusement pas su les remettre à temps, donc j’ai « perdu » les trous. Je compte bien les repercer dès que possible, car ça me manque vraiment d’avoir ces piercings ! C’est vraiment un « accessoire » qui a énormément aidé à ce que j’aime ma poitrine. De façon globale, les piercings et les tattoos m’aident à apprécier mon corps et à le trouver beau, et c’est d’autant plus vrai concernant mes seins.

Manon

Bonjour, je m’appelle Manon (autre prénom que j’utilise) et j’ai 24 ans. Ayant eu mes règles à 9 ans, je me suis formée très rapidement. J’avais donc déjà des petits seins, mais j’avais du mal à les cacher, surtout car je ne comprenais pas pourquoi il fallait le faire. Ayant toujours eu plus d’attrait avec les activités de mon père (ancien garagiste), j’ai toujours voulu me comporter comme lui. Je n’étais pas prête ni préparée à l’arrivée de mes règles à 9 ans. Ma mère ne m’ayant jamais préparée (elle a toujours eu du mal à nous parler de sexualité, d’hormones, de relations sentimentales), ma grand-mère m’a soutenue et ce fut elle qui m’a donné les premiers “conseils/soins”. Me voilà donc dans un corps d’adulte avec diverses envies et hormones dont je ne comprenais l’origine ni même comment les interpréter. Ma relation avec ma poitrine fut dévastatrice, car elle m’a amenée à recevoir moqueries et rejets d’amies camarades jalouses de ses nouveaux regards des garçons.

En refus total d’accepter ce nouveau corps, car cette pression sociale, je ne mis pas de brassières ni de soutien-gorge. Ma poitrine prenait du volume, mais tombait.

Mes premières relations sexuelles se déroulèrent dans le noir complet afin de ne pas “exposer” cette partie de mon corps tant rejetée. À l’âge de 18 ans, je me suis mis en couple avec un homme. Lors de cette relation, j’ai appris à me dévoiler, mais pas à récupérer de la confiance en moi malgré le fait qu’il l’appréciait. Cette relation a duré 5 ans, et s’est terminée en 2021 après plusieurs mois de “confort” difficile à quitter pour la solitude.

Aujourd’hui, je suis en couple avec un homme de 27 ans mon aîné. Amour, tendresse, patience et douceur tels sont les adjectifs de notre relation qui m’ont permis dès le début de notre relation de m’ouvrir à lui…. à moi ! Un soir, en discutant avec mon compagnon, je lui ai indiqué la motivation de me faire percer les tétons pour — rire…. j’ai ainsi pris rendez-vous quelques jours suivants. Avec mes deux tétons percés et suite à une conversation avec une amie, j’ai décidé de faire du no bra durant la cicatrisation. J’ai ainsi continué jusqu’à aujourd’hui selon ma tenue, sans gene particulière.

Et puis, en juillet 2022, pour la première fois, nous avons été avec mon compagnon dans des thermes nudistes. J’ai ainsi marché devant plusieurs dizaines de personnes, nue, seins libres. La libération.

Notre relation, basée sur le libertinage sexuel et l’amour unique, m’a permis d’accepter mon corps au travers de différentes relations sexuelles. C’est bête, mais le sexe me libère et est pour moi, mon meilleur moyen d’expression dans la vie, je suis moi-même tout simplement.

Je vais ainsi prendre 25 ans le mois prochain, et suis heureuse de vous écrire et de voir mon chemin parcouru. Je suis maintenant une femme épanouie, aimant ma poitrine même si elle est très sujette à la gravité. Elle est juste unique.

Manon

Charlie

J’avais 8 ou 9 ans. Je jouais dans la cour. Un garçon de mon âge me court après. Je me retrouve adossé à un mur, lui devant moi. Il met ses mains sur ma poitrine, pince, dit « pouet-pouet ». Quand les activistes LGBTQIA+ parlent d’assignation du genre, c’est de ça qu’on parle. Tu es assigné·e femelle, tu es assigné·e « femme » et dès 8 ans, ton corps est fantasmé et sujet de fantasme. Parce que concrètement, à 9 ans, à cet âge, je n’avais rien à pincer. Mais parce que les gens autour de moi me connaissaient comme une petite fille, ils se sentaient libres d’imaginer le corps que j’allais un jour développer. Ils se sentaient libres de déjà m’en punir (pincer, c’est faire mal). Ils se sentaient libres de le désirer, ce corps, avant que même moi je ne sache si je le voulais ou pas. Même avant d’exister, mes seins, ils n’étaient pas à moi.

Dans le rayon sous-vêtements, il y a eu les chemisettes, les brassières et puis les soutiens. Le passage de l’un à l’autre décidé arbitrairement par les parents. En portant mes premiers soutiens, j’avais l’impression d’indiquer l’espace où mes seins devraient pousser. J’avais l’impression d’indiquer le manque. De pointer du doigt l’espace que le futur avait pour devoir d’envahir. Tout le monde semblait les attendre, mes seins. Moi je m’en fichais un peu. J’étais curieux, je suppose, mais c’est à peu près tout et.  J’étais content de pouvoir porter des sous-vêtements avec des jolis motifs.

Et puis un jour j’ai dû faire le deuil de mon magnifique soutien-gorge Etam, vert pastel et couvert d’un motif de cupcakes. Il est décidément trop usé aux goûts de ma mère, donc on part en acheter un autre. Énorme déception. À ce moment-là, je dois avoir 13 ans, j’ai entamé ma puberté, mes seins ont poussé. Plus question d’acheter une brassière thème bonbon dans le rayon enfant. Les seuls choix qui s’ouvrent à moi sont des affolantes dentelles, qui ont l’air d’être plus là pour révéler que pour soutenir, ou bien des soutiens de couleurs unies – tons chairs ou bleu foncé – rébarbatifs. À nouveau, on la sent, cette assignation « femme ». 13 ans déjà, je n’ai plus le droit d’être un enfant. Soit je me décide à être objet de désir (parce que non, je n’en avais pas envie pour moi de cette dentelle), soit j’accepte d’être puni. J’aurai des sous-vêtements ennuyeux.

Et puis à 15 ans, je me rends compte que si je suis mal à l’aise avec cette constante assignation « femme » c’est peut-être parce que je me sens à l’étroit dans cette case de « fille », toujours ramené à ce que je devrais ou ne devrais pas faire, toujours poussé vers une vision fantasmée de moi-même que je n’arrive pas à m’imaginer. Je me suis rendu compte que je suis non-binaire, que je suis agenre, que j’ai le droit d’être autre chose qu’une fille.

C’était une liberté pour moi, et je l’ai utilisé pour courir dans la direction opposée à celle qu’on m’avait indiqué. J’ai commencé à cacher ma poitrine. Pas sous des soutiens en coton à fleur, mais sous un binder DIY, c’est à dire des couches de vieux bas nylons découpés. Tout ça pour échapper à la femme qu’on essayait de me forcer à devenir.

En vrai, mes seins, je les aime bien. Ils sont petits, ils sont doux, ils tiennent dans mes mains. Et en fait, la féminité, j’aime bien ça aussi, quand on me permet de l’explorer comme je veux plutôt que de m’enfermer dedans.

J’ai abandonné l’idée d’être une femme (je n’y arrivais pas de toute manière, ça n’a toujours été qu’un fantasme) et j’ai abandonné et les soutien-gorges. Mais j’ai aussi abandonné mon binder DIY, qui était encore plus moche que les soutifs rébarbatifs que j’avais porté avant. Parce que je me suis rendu compte que je n’avais pas besoin de cacher ma poitrine pour être autre chose qu’une femme, je n’avais pas besoin de détester mes seins pour prouver que je suis trans.

Mes seins sont assez petits que pour me laisser porter des t-shirts larges sans attirer l’attention. Mais juste assez grand que pour créer une jolie courbe quand je mets un décolleté.

Si ils étaient plus gros, je ne sais pas si j’aurais la même relation avec eux. Je peux me permettre de vivre ma vie sans soutif et sans binder justement parce qu’ils sont petits. Mais si ça n’avait pas été le cas… j’en sais rien. Je comprends les personnes non-binaires et trans qui désirent une torsoplastie. Parce que le regard que la société pose sur les seins est souvent très violent, mais quand il est associé à la violence d’un regard qui nie complètement la personne que tu es et que tu souhaites devenir, c’est encore pire. Parfois, je trouve ma position étrange. Tant de discours sur la transidentité tournent autour de l’inconfort qu’on peut avoir par rapport à son corps qu’au final c’est difficile de faire reconnaître mon corps comme le mien, comme un corps trans. Même dans les communautés trans, il y a certaines formes d’adelphité, certaines formes de solidarité auxquelles je n’ai pas accès parce que je n’ai pas le même parcours par rapport à mon corps. C’est hyper paradoxal. Pour moi, mon corps, il est trans, parce que je suis trans. Mais dans les yeux de beaucoup de gens, j’ai un corps de fille, j’ai des seins, donc je dois être une fille, ou alors je dois vouloir cacher ce corps. En vrai, j’aime mes seins et ma féminité, quand on me permet de l’explorer comme je veux plutôt que de m’enfermer dedans.

Mais bon. Moi j’aime bien mes petits seins. J’aime bien les toucher, j’aime bien qu’on les touche – gentiment, avec mon consentement. J’aime bien les sentir bouger librement sous mon t-shirt. J’aime bien les poils qui poussent dessus, que je refuse d’arracher. Parce qu’ils ont déjà été assez source de douleur, donc j’ai décidé que maintenant ils ne seraient que plaisir. Un plaisir, un corps, un genre DIY. Des seins DIY, je les ai fait pousser moi-même.

Yaëlle

Je suis une femme trans hormonée. Ça fait un an et 6 mois que je suis hormonée et ma poitrine s’est développée ces derniers mois. C’est assez confusant d’avoir le corps d’une jeune pubère de 13, 14 ans alors que je suis une adulte de 28 ans. Beaucoup de personnes cis pensent que les personnes trans n’ont pas une réelle poitrine, que c’est forcément artificiel. On a les mêmes processus physiques que les femmes cis. Certaines femmes trans peuvent même allaiter.

Peu de femmes trans l’expriment car c’est assez gênant. En tant que femme bisexuelle je n’ai jamais vu la poitrine comme un objet sexuel. Je n’ai pas pensé à faire d’augmentation mammaire car pour moi les seins ne représentent pas ma féminité.

Je constate qu’il existe peu d’informations liées à la santé des seins des personnes trans. Si mon médecin, membre de la communauté LGBT est attentif à ces questions, c’est parce qu’il fait partie de la communauté LGBT mais c’est un peu une l’exception.

J’ai beaucoup d’interrogations par rapport au cancer du sein car plus ma thérapie hormonale avance, plus je suis à risque. C’est pas évident d’aborder ces questions parce qu’on ne sait jamais comment les médecins vont réagir face à ce développement de poitrine « pas ordinaire ». Elles·ils ne sont pas toujours safe et inclusif. Il y a des questions déplacées du personnel soignant. Je n’ai pas envie d’aller chez le médecin pour faire un débat sur mon existence. J’ai de la chance, je n’ai pas connu de problème de santé vis-à-vis de ma poitrine. Certains dosages hormonaux peuvent générer des effets secondaire. J’ai un développement de croisière par rapport à ma puberté. Si on peut parler de croisière quand on parle de puberté ahah (rires) !

J’ai de la chance, je n’ai pas connu de problème de santé vis-à-vis de ma poitrine. Certains dosages hormonaux peuvent générer des effets secondaire. J’ai un développement de croisière par rapport à ma puberté… Si on peut parler de croisière quand on parle de puberté ahah (rires) ! Il y a des faits physiques qui ne sont jamais évoqués. Les femmes cis sont écartés de la médecine, tout comme les femmes trans. Il y a peu de recherche à notre sujet.

[1] L’ensemble des noms a été modifié par souci de confidentialité.

Tags : parole - cancer du sein - Seins - Soralia - témoin - témoignages - corps - santé