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Article mis à jour le 20 août 2019

Plan SACHA : la musique me touche déjà, garde tes mains pour toi !

par Elise Voillot publié le 20 août 2019 (c) Elodie Grégoire pour Esperanzah !

Remarques sexistes, agressions, violences… Selon un sondage de Plan International réalisé en 2018, 1 femme sur 6 a déjà été harcelée en festival. C’est pour lutter contre ce sexisme ambiant qu’est né le Plan SACHA. Initiative réalisée pour la première fois au festival Esperanzah ! en 2018, le Plan ne cesse de croitre et sera cette année aux Solidarités. Outre sa fonction de chargée de projets au sein des FPS, notre collègue Mathilde Largepret s’implique également en tant que bénévole au Plan SACHA. Nous l’avons rencontrée à quelques jours des Solidarités.

Comment es-tu rentrée dans le Plan SACHA ?

Je vais souvent en festival en tant que bénévole, mais c’est la première fois que je le faisais dans une démarche engagée et autour de ces questions. Comme le féminisme m’anime au quotidien, j’ai décidé de combiner les deux ! Je suis rentrée dans le Plan SACHA en 2018 en tant que bénévole à Esperanzah ! et cette année, j’ai rejoint l’équipe de coordination du Plan. Cette année, avec des collègues, on a trouvé important de s’atteler à la problématique du harcèlement et des agressions aux Solidarités. Quand on a pensé y implanter le Plan SACHA, il y a eu un retour positif de la part des organisatrices/eurs du festival. Dans ce cadre, je donne un coup de main à mes collègues de Latitude Jeunes qui chapeautent le Plan SACHA des Solidarités, soutenu également par la Fédération des Centres de Planning des FPS.

C’est un projet sur lequel j’adore travailler ! Les échanges que l’on a au stand sont très enrichissants, qu’ils soient réalisés avec des personnes curieuses, septiques ou qui ont plein de choses à raconter sur le sujet… Ca transforme ! C’est assez paradoxal car c’est un sujet qui peut paraître très lourd, mais, l’année dernière, quand j’étais au stand, j’ai adoré…alors qu’en parlant 3 heures par jour de harcèlement je pensais que ça allait plomber l’ambiance et m’impacter pas mal ! Je ne me suis jamais sentie aussi bien et aussi « safe » en festival. C’est un peu comme un coaching en plus d’être une action bénévole : tu reçois aussi beaucoup en échange. Par la suite, je me sentais puissante pour répondre aux gens qui m’emmerdaient dans la rue, etc.. C’était une bonne grosse dose d’empowerment !

Formation des bénévoles SACHA des Solidarités (c) Mohamed Houssein

Mais le Plan SACHA…c’est quoi au juste ?

SACHA c’est un prénom mixte et l’acronyme pour Safe Attitude Contre le Harcèlement et les Agressions en milieu festif. On a utilisé un prénom car on a voulu jouer sur la notoriété de la campagne BOB contre l’alcool au volant. Le Plan est né en 2018 à Esperanzah ! Chaque année, une campagne est menée sur le festival. En 2018, c’était Le déclin de l’empire du mâle, un gros clin d’œil pour aborder les enjeux féministes et la domination masculine. L’occasion idéale de mettre en place le Plan SACHA ! Celui-ci se décline en trois axes : la formation, la prévention/sensibilisation et la prise en charge des victimes/témoins dans les cas de harcèlementset d’agressions en milieu festif.

Pourquoi s’intéresser au harcèlement en milieu festif ?

Selon l’enquête de Plan International, 6 personnes sur 10 considèrent que le harcèlement est présent, voire très présent en festival. Et parmi les festivals analysés, tous ont connu des cas d’agressions et de harcèlement. Il s’agit donc d’un phénomène qui touche les milieux festifs et les festivals de manière globale avec évidemment des disparités, des spécificités en fonction du festival.

Le harcèlement et les agressions sont fréquent-e-s dans l’espace public. Les festivals représentent un type spécifique d’espace public car on y retrouve les paramètres alcool et désinhibition. On est un peu dans une autre dimension et ça, ça peut faciliter des propos ou des comportements déplacés et oppressants envers les gens qui nous entourent et les femmes en particulier. Cela peut prendre plein de formes et au lieu de fermer les yeux et d’attendre que ça se résolve tout seul, je pense qu’il faut mettre des actions sur pied.

" Du début à la fin, le Plan est pensé dans une optique féministe. Nous vivons dans une société pensée par et pour les hommes, une société patriarcale où l’on culpabilise parfois les victimes. "(c) asbl z !

Qu’est-ce qui vous distingue des autres initiatives existantes ?

La thématique du harcèlement et des agressions est souvent abordée, mais cela se limite généralement à de la prévention via des stands de sensibilisation. Le Plan SACHA, lui, se décline en plusieurs axes, dont la prise en charge par des professionnel-le-s de santé spécifiquement formé-e-s pour réagir face à des situations traumatiques, qui accompagneront les témoins ou victimes d’harcèlement et d’agressions. Des expert-e-s, comme le Centre de Prise en Charge des Violences Sexuelles, nous outillent régulièrement. On renforce également d’années en années nos contacts avec les services de sécurité et la police parce que ce sont des acteurs qui sont sollicités dès qu’il y a un souci. On les informe du Plan SACHA, de ce qu’il y a derrière…

Il est important de noter que, du début à la fin, le Plan est pensé dans une optique féministe. Nous vivons dans une société pensée par et pour les hommes, une société patriarcale où l’on culpabilise parfois les victimes en les encourageant à faire attention à leurs comportements, leurs tenues… et où les professionnel-l-es amené-e-s à travailler avec des victimes ne s’adressent pas toujours de façon adéquate aux victimes et aux témoins. Or, quand tu es victime ou témoin, ça change tout d’être pris-e en charge par quelqu’un-e qui a cette conscience-là.

L’axe formation consiste à sensibiliser les équipes de bénévoles. On essaie de sensibiliser toutes les équipes que ce soit la communication, les gens qui accueillent les artistes, qui tiennent des stands associatifs, le bar, etc. Les festivalier-e-s sont également invité-e-s à rejoindre les stands où l’on parle notamment de la notion de consentement. Et cette année, grande nouveauté aux Solidarités : il y aura des bénévoles qui vont déambuler sur la plaine pour parler du Plan SACHA aux festivalières et festivaliers !

Formation des bénévoles SACHA des Solidarités (c) Mohamed Houssein

Justement, comment s’organise la journée type d’un-e bénévole Plan SACHA aux Solidarités ?

L’équipe de coordination fait tous les jours des briefings et débriefings avec les bénévoles ainsi qu’avec les psychologues. Nos stands sont ouverts dès l’ouverture des portes des Solidarités. Les déambulatrices/teurs commencent alors à se déplacer sur les lieux du festival. Les psychologues gèrent des permanences dans une zone safe aménagée spécifiquement pour les victimes et les témoins. C’est un endroit cocoon, un peu isolé pour les personnes qui ont besoin d’être prises en charge. Les psys répondent également au numéro d’urgence qui est accessible jusque 22 heures (+32 493 40 52 00).

Après 22 heures et le reste de l’année, quand le numéro d’urgence n’est plus accessible, il existe un chatbot sur le site www.plansacha.be. Ça ressemble à une conversation Messenger. Le chatbot provient d’une application française avec laquelle on a travaillé en partenariat qui s’appelle Elle Caetera, active dans la région parisienne. Le chatbot va lui proposer d’identifier le type de harcèlement qu’elle a vécu. En fonction des questions posées et des réponses obtenues, le robot va l’orienter vers une structure qui peut la prendre en charge dans sa région : ça peut être un suivi psychologique ou en planning familial, mais aussi un stage d’autodéfense dans une régionale FPS, par exemple.

Mathilde et Eléonore à la formation des bénévoles SACHA des Solidarités (c) Mohamed Houssein

Comment est perçu le Plan SACHA ? Avez-vous des retours ?

On a beaucoup de retours très positifs sur nos stands. Ce qu’on entend souvent ce sont des témoignages de femmes qui nous disent qu’elles se sentent en sécurité sur le festival, qui sont soulagées et qui nous remercient. On a aussi des prises de conscience des hommes qui ne se rendaient pas forcément compte du phénomène ou de leurs propres comportements.

On a aussi entendu certaines personnes sensibilisées dire que tel ou tel comportement « n’est pas très SACHA », lorsqu’elles faisaient face à une phrase sexiste ou un comportement déplacé entendu-e plus tard sur le festival… C’est une première étape. Peut-être que l’étape suivante, c’est qu’avant de sortir ce genre de choses, les gens se diront qu’il ne faut pas le faire. Le Plan SACHA commence à s’ancrer dans les mentalités !

Il ne faut pas non plus être utopiste, mais garder à l’esprit que les purs machos ne sont pas dans notre radar, ils ne viendront pas à notre stand. Ceux qui y viennent sont peut-être parfois sexistes, mais ont une volonté de changer ou en tout cas de s’ouvrir à la question. Il y aura encore du sexisme en festival pendant longtemps j’imagine, mais en un an on peut observer les effets du Plan.

Hier à Esperanzah !, aujourd’hui aux Solidarités et demain ? Pensez-vous étendre le Plan SACHA a d’autres structures ?

La couverture médiatique autour du harcèlement en festival est bien plus grande qu’avant. Pour une fois, on écoute ce que les femmes ont à dire…et elles ont beaucoup de choses à dire sur ce qu’elles vivent notamment sur les questions de sexisme.

La coordinatrice du Plan SACHA a été fortement sollicitée par d’autres milieux festifs. Cette année, en plus d’Esperanzah ! et des Solidarités, le Plan sera présent au Jiva’zik, aux 24 heures vélo de Louvain-la-Neuve et l’an prochain à l’ULB. Comme médiatiquement, on a beaucoup parlé de harcèlement en festival, il est fort probable que l’année prochaine, le plan soit importé ailleurs…mais ça prend du temps !

Envie de t'investir, contacte le Plan SACHA : infoplansacha@gmail.com Tags : Festival - harcèlement
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