Culture
Sécu et solidarité
Raccourcissement du séjour en maternité : les hôpitaux contre-attaquent
par Fanny Colard publié le 16 avril 2019
Dans le cadre de sa grande réforme du paysage hospitalier lancée en 2015 et dans une volonté d’économies, la ministre fédérale de la Santé Maggie De Block tente d’insuffler un raccourcissement des durées d’hospitalisation, notamment des séjours en maternité. Pour ce faire, le gouvernement actionne le levier du financement des hôpitaux. Un système complexe qui a de nombreuses répercussions, tant sur l’offre hospitalière que sur les patient-e-s, et tout particulièrement sur les séjours en maternité…
Les hôpitaux sont financés, notamment par la sécurité sociale, sur base de leurs « activités justifiées », c’est-à-dire un système forfaitaire. Le financement des séjours hospitaliers est calculé par rapport à la durée d’hospitalisation moyenne au niveau national, pour chaque type de pathologie (en cas de cancer du sein, en cas de commotion cérébrale,…). Une « activité justifiée » correspond donc à une activité en adéquation avec la moyenne nationale. Le budget national est dès lors réparti entre les hôpitaux sur base de leur nombre respectif d’admissions, pondéré selon la durée moyenne nationale de séjour pour cette pathologie. Du coup, si la durée de séjour d’un-e patient-e est plus courte que la moyenne nationale, l’hôpital est avantagé financièrement, vu que le financement reçu couvre une durée plus longue que la durée réelle. À l’inverse, une hospitalisation plus longue que la moyenne est désavantageuse pour la structure. Une technique qui encourage dès lors les hôpitaux à réduire de manière globale la durée des hospitalisations
Les spécificités des séjours en maternité
Un raccourcissement « naturel » (c’est-à-dire sans incitant financier pour les hôpitaux) des séjours en maternité s’observe en Europe, les hôpitaux se réduisant de plus en plus à des centres de soins et de moins en moins à des centres de repos, comme c’était le cas auparavant. Or, si la durée moyenne des hospitalisations lors d’un accouchement par voie basse sans complication diminue en Belgique (de 4,5 jours en 2010 à 4,1 jours en 2014 ), elle reste plus longue que la moyenne européenne (3,2 jours) . En 2015, Maggie De Block propose donc de réduire d’un demi-jour le remboursement lié aux séjours en maternité, et de faire de même en 2016. Cette diminution d’un jour permettrait, en deux ans, de faire économiser 18,7 millions d’euros à la sécurité sociale, en anticipant le raccourcissement « naturel ».
Les réactions des hôpitaux
De nombreuses structures hospitalières se sont opposées à cette mesure. Selon elles, l’économie estimée ne reflète pas du tout la réalité de terrain, car elle est calculée sur un tarif forfaitaire à la journée. Or, le coût réel d’une hospitalisation dépend de nombreuses variables (examens médicaux, soins spécifiques apportés,…). Dans le cas d’un séjour en maternité, l’essentiel des soins (et donc des dépenses) sont concentrés sur les 2 premiers jours après l’accouchement. Cette réaction solidaire du secteur hospitalier a porté ses fruits : la durée du séjour en maternité n’a pas été rabotée en 2016, mais n’a pas d’effet rétroactif, la diminution de 2015 reste donc d’application. L’économie prévue sur deux ans, qui avait déjà été budgétée, n’a pas pu être annulée. Mais celle-ci a été transformée en économie linéaire à appliquer sur le budget de tous les hôpitaux et non uniquement sur les maternités, afin de mieux répartir l’effort.
Et pour l'avenir ?
Depuis ces faits, le sujet se fait rare dans les médias et à l’agenda des politiques. Il est pourtant probable qu’il revienne prochainement car, en 2016, Maggie De Block a lancé des projets-pilotes de deux ans visant à tester un séjour (encore plus) écourté en maternité, dont l’évaluation devrait être publiée prochainement. Affaire à suivre…