Culture
Sale pub !
par Be Cause Toujours ! publié le 10 août 2017
Certains annonceurs-euses publicitaires ou dirigeant-e-s de chaînes médiatiques, lorsqu’ils-elles sont attaqué-e-s par les citoyen-ne-s au sujet d’une publicité qui dérange, répondent que leur publicité n’est que le reflet de la réalité. Or nous savons qu’une infime partie de la population est représentée dans les publicités : toutes les couleurs de peau ou types de corps n’y sont pas. Ce que nous voyons, dès lors, à la télévision, par exemple, n’est pas un simple reflet mais bien un choix de ne diffuser qu’UNE réalité. Il est nécessaire, si nous voulons un monde où chacun-e a sa place, d’exiger que ce choix soit repensé, et que des images plus proches de nos réalités se retrouvent enfin sur nos écrans.
PUB’FICTION LA PUBLICITÉ, PRODUCTRICE DE MENSONGES OU REFLET DE LA RÉALITÉ ?
« Il nous est dès lors impossible de prendre du recul par rapport à ces messages, tant leur abondance est grande, leur présence envahissante, et tant le temps nous manque pour y réfléchir ».D’après Arnaud Pêtre, chercheur en neuromarketing à l’UCL, nous recevons 1200 à 2200 messages publicitaires par jour (ce nombre varie fortement que nous habitions aux Etats-Unis ou en Europe, en milieu urbain ou à la campagne, que nous utilisions Internet ou non,…). Il nous est dès lors impossible de prendre du recul par rapport à ces messages, tant leur abondance est grande, leur présence envahissante, et tant le temps nous manque pour y réfléchir. Nous les intégrons passivement tous les jours.
Pourtant, les publicités impriment bien notre inconscient de leurs couleurs, leurs musiques, mais aussi des valeurs qu’elles défendent, du mode de vie qu’elles nous invitent à suivre… enfin, si nous voulons être « heureux »! La multiplicité des lieux où elles se trouvent, des canaux sur lesquels elles circulent, fait qu’elles nous habitent, inconsciemment, qu’on le veuille ou non. La répétition de leur contenu nous amène à considérer celui-ci comme normal, et tout le reste, ce qui n’est pas montré par la publicité, devient alors hors norme, anormal, sujet d’exclusion sociale.

Eh oui, alors même que certain-es nous feraient croire que si on combat la publicité, on combat la liberté d’expression, il faut plutôt considérer que c’est la publicité elle-même qui, en nous imposant une norme, nous prive de tout ce qui serait hors de celle-ci et donc d’une richesse inouïe: de la diversité propre à l’humain. Et puis n’oublions pas que la publicité a pour but de nous faire acheter. Quoi de plus vendeur dès lors que de se montrer indispensable ? Si vous pensez que vous avez besoin de ces baskets pour ne pas perdre la face auprès de vos ami-e-s, vous ferez tout ce que vous pourrez pour avoir ces baskets. Et quoi de plus vendeur encore que de choquer, de marquer les esprits, par des images qui y resteront gravées, qui seront le sujet de conversation le lendemain à l’école ? C’est bien le but des publicités et de la publicité sexiste en particulier.
La publicité sexiste, c’est quoi ?
« Dans ces publicités, on nous présente des corps irréels, stéréotypés et un monde saturé de sexualité ».La publicité sexiste est non seulement une stratégie de communication qui met en scène l’inégalité entre les sexes et les représentations stéréotypées du féminin et du masculin, mais également une propagande commerciale qui utilise les stéréotypes sexuels, le corps des femmes, la nudité et la sexualité, sinon la culture porno, dans le but de capter l’attention et d’accroître les ventes d’un produit, ou d’un service.
Dans ces publicités, on nous présente des corps irréels, stéréotypés et un monde saturé de sexualité.
D’une part, une norme de beauté unique et universelle, humainement impossible à atteindre! Ces injonctions esthétiques, bien qu’elles touchent les hommes, sont plus nombreuses à l’égard des femmes (taille, poids, mensurations de la poitrine, teint de peau, coiffure, épilation, interdiction formelle de vieillir,…).
D’autre part, la sexualité hyperprésente est présentée comme devant être performante, les rapports amoureux n’ont plus rien à y faire. Les corps sont objets et le corps de la femme particulièrement est un objet soumis aux désirs de l’homme.

Qu’on le veuille ou non, les garçons et les filles, les femmes et les hommes adhérent à ces rôles stéréotypés, imposés comme une norme sociale par la publicité. Les garçons se soumettront le plus souvent au diktat de la virilité associée à la force physique et la non expression des sentiments, les filles quant à elles subissent ces rôles en adhérant à l’image de la femme objet, séduisante, parfaite physiquement. Filles et garçons se sentent contraint-e-s de suivre ces normes, s’ils/elles veulent être accepté-e-s socialement, s’ils-elles ne veulent pas subir un rejet de la part de leurs ami-e-s.
En résultent une perte de repères, une baisse de l’estime de soi et au final de la confiance en soi. « Qui suis-je moi, en dehors de cette pâle copie du modèle dans cette publicité ? »; « je n’arrive pas à lui ressembler, malgré tous mes efforts». L’absence de modèles qui reflètent la variété des corps a pour effet de conduire les jeunes et moins jeunes à se dévaloriser et à vouloir modifier leur aspect physique. En découlent alors des frustrations, un mal-être, des complexes, de l’anxiété, voire des symptômes dépressifs.
Pour aller plus loin :Lire notre article sur l'anorexie mentaleDes troubles du comportement alimentaire en conséquence
« En Europe, 69% des adolescentes et 39% des filles prépubères sont insatisfaites de leur poids. Cette insatisfaction les pousserait à recourir à des comportements de contrôle de poids nocifs pour leur santé physique et psychologique ».© Be Cause Toujours (Brochure "Sale Pub")
Anorexie, boulimie et autres troubles du comportement alimentaire sont en effet à mettre en lien avec les complexes physiques dûs à l’impossibilité de ressembler aux modèles de la publicité. En Europe, 69% des adolescentes et 39% des filles prépubères sont insatisfaites de leur poids. Cette insatisfaction les pousserait à recourir à des comportements de contrôle de poids nocifs pour leur santé physique et psychologique (Rousseau A., Valls M., Chabrol H.) Enfin, si l’on cumule à ces modèles inatteignables imposés par la publicité, le fait que 11 à 29 % des publicités concernent des produits alimentaires dont les deux tiers sont denses en énergie mais faibles en termes nutritionnels, on peut se poser la question de savoir comment se sortir de ce cercle vicieux : manger ce qui nous est proposé par la publicité > grossir > tenter de maigrir pour ressembler aux modèles de la publicité > être insatifait-e > manger.
Impacts sur la sexualité



Les stéréotypes diffusés par la pub, que nous avalons quotidiennement, renforcent les inégalités entre les hommes et les femmes : augmentation du sexisme, taux plus élevé de harcèlement sexuel et de violence à caractère sexuel, et augmentation de la demande de pornographie infantile (Secrétariat à la condition féminine du Québec).
Les femmes et les hommes intériorisent implicitement ces situations «dominants-dominées » comme étant «normales» et ne sont plus choqué-e-s. La banalisation de celles-ci est une des causes du maintien des inégalités entre les hommes et les femmes à l’adolescence et à l’âge adulte. La sexualisation des jeunes filles présentes dans la publicité a des répercussions négatives sur le développement d’une sexualité saine, responsable et égalitaire: diminution de l’utilisation des préservatifs, soumission sexuelle. Mais aussi une conception irréaliste du sexe et de l’amour, de la culpabilité, de l’inhibition sexuelle. La priorité est de s’assurer de « plaire », avant de trouver les limites au respect de soi-même.
COMMENT AGIR ?
En 2009, une étude de l’Institut pour l’égalité des femmes et des hommes rendait visibles les avis de deux groupes de personnes que l’on pourrait penser a priori opposés : l’avis des publicitaires, spécialistes du marketing et annonceurs et l’avis de personnes employées ou actives dans une organisation féminine ou masculine ou engagées activement dans un projet relatif à l’égalité des chances.
Tous s’accordaient sur trois thèmes les moins montrables dans les publicités: en effet, leur degré de tolérance était au plus bas vis-à-vis:
- De la femme comme objet de désir (sans lien avec le produit)
- Du porno chic
- De l’homme dominé sexuellement par une femme
Dans cette même enquête, les aspects les plus problématiques pointés étaient:
- Les rôles traditionnels (représentation des hommes qui ramènent le salaire à la maison et des femmes qui s’occupent de la maison, des enfants,…).
- Les stéréotypes liés au sexe (les hommes sont forts, les femmes faibles ; les hommes sont rationnels, les femmes émotives ; les hommes sont dominants, les femmes soumises)
- L’idéal de beauté inaccessible
- La surexposition de la nudité
Vous hochez la tête: consciemment ou non, vous saviez déjà ce que vous venez de lire. Vous êtes abattu-e-s ? Énervé-e-s? Dans tous les cas, vous avez un rôle à jouer dans cette situation. Comme nous l’avons vu avec la publicité pour la formation « auxiliaire de ménage» du Forem, l’avis et l’action du public comptent: la publicité a été retirée. Cette vigilance du public est encore à renforcer chez nous, tandis qu’elle semble plutôt acquise au Canada, par exemple. Si les agences de publicité n’osent plus réaliser de pubs sexistes par peur de représailles, le sexisme aura pour une fois reculé de façon claire et précise.
Ce texte a été adapté de la brochure « Cause Toujours Sale Pub » réalisée par un groupe de jeunes féministes des FPS de Liège, les Be Cause Toujours.
Pour télécharger la brochure : c’est par ici !
Pour obtenir plus d’infos sur ce collectif : c’est par ici, ou sur Facebook, par mail ou par téléphone au 04/342 24 22